Sa force, c’est l’éloquence, et Philippe Couillard a donné sa pleine mesure après les attentats de Paris.
Il a parlé ce soir-là comme un chef d’État, ombrageant fatalement l’hésitant Justin Trudeau.
Ces jours-ci, à Paris, il a été encensé par Arnold, et le Nouveau-Brunswick en a fait un héros environnemental!
Rigueur budgétaire
C’est moins joyeux au Québec.
Le premier ministre domine peut-être aisément Pierre Karl Péladeau au jeu parlementaire, mais François Legault touche une corde sensible en critiquant ses initiatives en matière économique.
M. Couillard a entrepris la tâche colossale d’imposer au Québec la rigueur budgétaire, mais il pèche souvent par une trop grande économie de mots. Ce qui laisse le champ libre aux habituels vociférateurs.
C’est presque un miracle de voir le PLQ tenir dans les sondages. Les actuelles négociations s’éternisent et, au moment crucial, alors que le gouvernement tenait le haut du pavé, M. Couillard a dit qu’il restait une marge de manœuvre financière.
Manifs syndicales
Il n’en fallait pas plus aux syndicats pour donner un sens aux manifs des récents jours.
L’année 2015 finit par ailleurs sur une note négative et la grogne gagne le caucus et le cabinet. En s’éloignant du préjugé libéral favorable à l’économie, M. Couillard a provoqué émoi et colère.
Il semble plus vert que Steven Guilbault et, si tous le disent supérieurement intelligent, des libéraux blaguent en le comparant à Joe Clark!
Apparemment surdoué, le ministre des Affaires municipales a réussi à conclure sans trop de mal un pacte fiscal avec les maires du Québec. Il leur a consenti une délégation de pouvoirs rendue nécessaire devant l’extraordinaire puissance des syndicats municipaux. À la Sécurité publique, il nous a fait oublier bien vite Lise Thériault. Dans l’affaire des réfugiés syriens, il aura finalement eu raison de dire qu’il était irréaliste de tous les accueillir avant Noël.
Pilier central du gouvernement, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a été d’une fermeté exemplaire durant cette année où les médias ont fait la part belle à l’austérité, la ligne de force des leaders syndicaux. Il est déterminé à mettre de l’ordre dans le bordel informatique, mais le Trésor permet toujours des formations aussi frivoles que le «vagabondage de l’esprit et son impact négatif sur l’efficacité et le bien-être au travail». C’est tout de même grâce à lui si Carlos Leitao peut se targuer d’atteindre l’équilibre budgétaire.
Les projets de loi 10 et 20 bouleversent les habitudes du réseau de la santé, la vache sacrée broutant la moitié des dépenses des programmes. Le ministre Gaétan Barrette savait qu’il serait surtout applaudi par ses collègues libéraux de l’Assemblée nationale. Communicateur efficace, manipulant le sarcasme comme un scalpel, il a toutefois eu du mal à se distancier des hausses salariales des médecins mises au jour par la vérificatrice générale, ce mois-ci. Le Journal nous a appris que les ententes négociées par l’ex-syndicaliste Barrette n’ont pas empêché les abus tarifaires. Les Québécois se consolent à l’idée qu’ils n’ont jamais été aussi nombreux à avoir un médecin de famille.
Ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Sam Hamad l’a eue plutôt facile en 2015 avec PKP. Agnès Maltais était un pitbull à sa cheville... M. Hamad dirige sans mal les gros ministères du Travail et de l’Emploi et de la Solidarité sociale, ainsi que la flopée d’organismes publics qui y sont rattachés. La fusion de la Régie des rentes et de la CARRA semble aussi difficile qu’un après-midi en chaise berçante. M. Hamad a toutefois plus de difficulté avec les préjugés entourant le travail obligatoire des assistés sociaux. Syrien d’origine, M. Hamad se fait un devoir de parrainer une famille de réfugiés.
Les Québécois étaient mal vus dans le monde avec la législation désuète qui régissait la possession et l’élevage d’animaux dans la Belle Province. Pierre Paradis a corrigé cette carence aberrante. Il a calmé le jeu durant la controverse sur l’Accord Asie-Pacifique, réussissant à faire bondir les nationalistes en soutenant que, dans un Québec indépendant, la production laitière serait en péril. «Il y aurait une vache sur deux de trop»... Amateur de chevaux, le ministre Paradis tient serrée la bride du ministère de l’Agriculture.
Pas facile, la politique, pour un banquier. Mais Jacques Daoust, de nature plutôt solitaire, n’a cure du sentiment des autres, quitte à froisser parfois ses collègues. Son boulot, c’est de prêter de l’argent. Il ne parade pas dans les PME, mais c’est à lui que Philippe Couillard confie les gros dossiers. Le prêt à Bombardier fut difficile à vendre. Surtout qu’il vise la filiale la plus mal en point. Le ministre du Développement économique n’a pas de très bonnes relations avec Investissement Québec, le bras financier du gouvernement qu’il dirigeait lui-même avant d’être élu. La direction d’IQ, ouvertement maussade, a confirmé avoir été tenue à l’écart du dossier Bombardier.
Le ministère de l’Éducation n’est pas une sinécure, surtout quand on souhaite imposer un meilleur contrôle des dépenses. François Blais a peut-être bien paru au départ, mais l’année 2015 a été nettement plus ardue, notamment à cause des compressions faites dans des services aux élèves. Le ministre a dû défendre l’indéfendable, piégé qu’il était par les choix douteux faits par les commissions scolaires. Il a été vertement critiqué pour avoir dit qu’il serait «maladroit» de dépenser maintenant davantage en éducation avant de se raviser et d’injecter 80 millions dans le réseau.
Le ministre des Transports, Robert Poëti, est plus habile quand les choses sont simples. Le dossier des voies réservées à Québec lui a laissé un souvenir amer et l’incitera dorénavant à la plus grande prudence avec le maire Labeaume. Ses relations sont plus harmonieuses avec Denis Coderre. Au MTQ, il a le choix des projets coûteux. Devant Uber, le ministre Poëti semble désemparé. On le serait à moins: à 56,5 milliards $ US, la capitalisation d’Uber dépasse celle de GM et de Ford. À côté de ça, les taxis Coop et le MTQ ne font pas le poids.
La ministre de la Culture a réussi à nous faire oublier que le milieu culturel québécois avait échappé à la rigueur budgétaire qui s’est abattue partout ailleurs. Elle est même parvenue à nous faire croire que le Diamant, ce projet multimillionnaire de Robert Lepage, n’était pas lié à une obligation légale, mais qu’il était essentiel pour la capitale. Elle a conséquemment été accueillie avec tous les égards à la télé et dans les galas où nos artistes se chérissent de si bon cœur...
Tout est apparemment compliqué au ministère de la Justice. Compliqué, laborieux et parfois inexplicable... Les projets de loi sur la laïcité et le discours haineux ne trouvent que rarement un éclairage aisément compréhensible. C’est peut-être dans la nature de Stéphanie Vallée de faire montre de prudence extrême en toute chose. L’avortement d’une série de procès contre les motards criminels découlant de l’opération SharQc est totalement désolant et reste incompréhensible.
Le gros bon sens a pris des semaines à s’imposer, mais, en pleine négociation avec le secteur public, la hausse de la rémunération des députés devait absolument être remise à plus tard. Et tant mieux si les démissionnaires n’ont plus droit à une indemnité de départ. Ceux qui, comme M. Fournier, ont démissionné pour revenir ensuite n’ont malheureusement pas à la rembourser. Dans le même registre cynique, le ministre Fournier a refusé que les médias profitent d’un huis clos pour qu’ils ne puissent rendre compte justement de la dérive du PLQ montrée dans le rapport de la commission Charbonneau. Ce monsieur n’aime pas les journalistes, mais, autant qu’il le sache, c’est réciproque.
Depuis le Bélugate, le ministre de l’Environnement traîne les casseroles du gaffeur impénitent. Dans le dossier du déversement coliforme de Montréal, il a mal paru, informé sur le tard par ses inestimables fonctionnaires. Avant de filer à Paris, il a donné aux Québécois une cible de réduction des GES qui laisse pantois: - 37,5 %. David Heurtel est devenu un souffre-douleur. Un jour, particulièrement frondeur, il a dit vouloir baptiser un béluga du nom d’un journaliste. Il s’est fait répondre qu’un hamster s’appelait David...
La ministre de la Famille passe d’une controverse à l’autre avec une telle facilité qu’on pourrait dire qu’il s’agit d’un talent naturel. La révision des façons de faire dans les CPE aurait pu être présentée comme un exercice responsable de gestion des fonds publics, mais elle a évidemment tourné au mélodrame, incitant tous les subventionnés à dénoncer en chœur des compressions soudaines de 120 millions. On raconte que la pauvre femme rêve d’un remaniement...
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