Le « BREXIT », ou un sursaut contre la démolition financière des peuples

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«Le premier signal d’un effondrement du système financier mondial»

A première vue, nous ne pouvons que saluer cette occasion d’expression qui a été donnée au peuple anglais, de faire entendre sa voix, et qui menace de faire des émules[i]. Les cris d’orfraies hystériques s’élevant contre le « populisme » (comprendre: l’odieuse outrecuidance de faire appel au peuple) ne parviennent qu’à nous inspirer un sourire de mépris…


Un constat évident tout d’abord, c’est qu’il y aurait toute une pédagogie à refaire au sujet du rôle profondément sacré de l’État, c’est à dire la défense de son peuple: la défense contre toute menace armée, mais aussi contre la prédation financière et encore plus contre les idéologues stipendiés, désireux d’aboutir à faire aimer au peuple sa propre servitude…


Il est tout de même une volupté de fin gourmet que d’entendre bon nombre de personnels politiques et autres « faiseurs d’opinion », qui avaient pris hier position pour le maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE, contraints d’avaler leur chapeau ce matin: est ainsi sanctionné l’usage des arguments les moins honnêtes, jouant bien plus sur la peur des masses sans jamais oser comprendre sainement les causes profondes du malaise. Ils en sont pour leurs frais, et ce n’est que justice. Mais c’est aussi un coup de semonce aux mêmes personnels qui dispensent leurs bons offices en France: ceux-là ont encore une chance aux yeux des Français, de retourner leur veste à temps…


Plus globalement, il s’agit là d’une sanction qui n’est pas volée, contre une Union Européenne qui prétend inexorablement se faire indépendamment de ses propres peuples: un détestable trafic sur les plus fervents idéaux, ces idéaux qui ont rendu possible toute la richesse de la civilisation européenne, celle-là même qui est aujourd’hui délibérément mise en danger par l’UE…


Nous émettons un avertissement clair ici: il est absolument capital de savoir distinguer l’Europe d’une part, de l’Union Européenne d’autre part en tant que construction artificielle: il est tout à fait dramatique que cette « nouvelle URSS« [ii] qu’est devenue l’UE, ne serve plus aujourd’hui que les grands monopoles affairistes transnationaux, le plus souvent d’ailleurs pour le compte de puissances étrangères à commencer par les États-Unis. Pour qui comprend les coulisses de l’Histoire, cette intention était claire dès son origine[iii], elle n’a fait qu’être confirmée par son évolution.


Mais à ce jeu là, le risque est grand de voir les peuples européens mis sous pression, jeter le bébé européen avec l’eau du bain de l’UE. Nous devons donc rappeler résolument que cette UE en tant que construction fantasque, n’a plus rien à voir avec la réalité d’une communauté culturelle indubitable qui fut celle de la Vieille Europe, et qui n’a pas attendu l’autorisation des fonctionnaires de Bruxelles pour exister. Ce qui veut dire qu’être contre « cette » UE, ne signifie pas être anti-européen: la communauté européenne existe de toute façon comme une réalité de fait, indépendamment des vicissitudes de l’histoire, il s’agit là de toute façon d’une évolution commune.


Il nous faut donc rappeler que le Royaume-Uni fait indubitablement partie de cette communauté culturelle de la Vieille Europe, et toute hystérie anti-anglaise serait ici déplacée: soyons donc vigilants à ce que nos médias ne jouent pas sur cette corde sensible auprès du public français. Car certes, depuis son entrée dans l’UE le Royaume-Uni n’a cessé de faire cavalier seul, et de quémander une « UE » à la carte: en déstabilisant certains des aspects initialement les plus positifs de la CEE (le Droit continental, les langues, la PAC), et important surtout son « special link » avec les Etats-Unis tel un cheval de Troie… De même, la tentation existe pour  un esprit conscient de l’Histoire, de vouloir faire revivre de vieilles alliances stratégiques françaises: on pourrait par exemple saluer « l’effet de sillage » plausible du référendum écossais (18 septembre 2014), sans même évoquer la trouble situation irlandaise…


Mais il s’agit là en fait d’un étonnant « piège » mondialiste, jouant les irrédentismes (ici l’Écosse) contre les Nations (le Royaume-Uni), mais tout ceci en conservant coûte que coûte le cadre de l’UE: en effet, l’Écosse et l’Irlande du Nord proclament ne  pas voir leur avenir en dehors de l’UE[iv]. La belle affaire… Ce serait donc une Angleterre réduite à sa portion congrue qui sortirait de l’UE? On ne pourrait envisager une situation aussi « bâtarde », et pourtant il s’agit là bien d’une mise sous pression grossière de l’État-Nation britannique. En aucun cas la France ne doit s’en réjouir, car la même chose peut être constatée dans d’autres pays à commencer par l’Allemagne, mais visant surtout la cohérence de l’État-Nation qu’est la France: nous voyons en effet de troubles intérêts extérieurs jouant artificiellement sur des irrédentismes (réels ou suscités), vantant les « Eurorégions« , aboutissant toujours à la même constante globale: détruire les États-Nations souverains par un régionalisme artificiel, pour mieux promouvoir ce « rêve mondialiste » sans Etats souverains que sert l’UE.


 Le Royaume-Uni est donc en fait tout aussi menacé que la France et les autres États-Nations souverains de la Vieille Europe, alors qu’il fut le berceau d’un humanisme chrétien européen qui n’attendit pas la Renaissance pour émerger: Bède le Vénérable (672-735), évêque de Canterbury, eut pour disciple Alcuin de York (730-804), qui fut l’un des plus éminents inspirateurs de Charlemagne. Ce fut alors l’un des rares épisodes de collaboration fructueuse entre les pouvoirs temporels et spirituels en Europe, plutôt qu’une désastreuse opposition entre le Pape et les Etats naissants d’Europe de l’Ouest. Rappelons ensuite pour mémoire les épisodes célèbres de la Magna Carta (1215) et plus tard de l’Habeas Corpus (1679).


Mais nous avons à redécouvrir aussi tout un pan de l’histoire britannique que nous autres Français avons fort peu comprise, ou plutôt oubliée, ce fut la façon dont le peuple anglais fut violé par sa propre finance: depuis près de 500 ans avec le remariage d’Henri VIII au XVIe siècle et la démolition du régime des Abbayes de l’« Angleterre heureuse » (« Merry England« ). Ce fut surtout l’émergence progressive de la City de Londres en tant que place financière mondiale, qui aboutit à créer « la pauvreté au sein de l’abondance[v] » en Angleterre.


Or c’est cette émergence d’« un État financier dans l’État souverain » britannique, qui aboutit progressivement à mettre terriblement en danger le peuple et la Nation britannique tout entière en tant que « vouloir-vivre ensemble »: cette situation était tenable lorsque l’on « vendait » au peuple britannique des victoires militaires extérieures, permettant de masquer la démolition sociale intérieure tandis qu’elles ouvraient de grands monopoles commerciaux aux intérêts affairistes de la City (une logique que d’ailleurs la France a subi de plein fouet durant la Guerre de Sept ans au milieu du XVIIIe s.: la première guerre « mondialiste » du capitalisme monopolistique « moderne »). Cette situation n’est plus tenable aujourd’hui, à mesure que l’on demande au peuple anglais d’assister à sa propre destruction[vi]: la démolition de tous les régimes sociaux depuis Margaret Thatcher, la désindustrialisation britannique sous les coups d’une finance vampire qui a considérablement tiré son épingle du jeu depuis la crise de 2008, et surtout: la dilution délibérée du peuple anglais, grâce à « l’armée de réserve du capitalisme » immigrée dont le Londonistan n’est qu’une des conséquences qui ne peuvent plus être cachées.


Le peuple britannique socialement démoli, se sent donc légitimement pris en tenaille entre sa finance mondialiste et l’importation massive d’immigrants anormalement privilégiés[vii]: il est donc légitime qu’il s’oppose à la seule logique de démolition du Royaume-Uni pour lui identifiable et à sa portée, c’est-à-dire ce référendum sur le « Brexit ».


Cependant, notre seconde réaction nous conduit à flairer quelque chose d’autrement plus important en termes de conséquences, dans ce « Brexit »: pour ne prendre que deux « témoins » les plus importants en termes de capitalisation du domaine français des assurances et de la banque, la chute en bourse de 16 % d’AXA, et de 18 % de BNP Paribas à l’heure où nous écrivons ces lignes[viii], nous semble potentiellement être l’élément initiateur d' »autre chose »:


Tous les réels initiés du monde de la finance digne de ce nom, savent que strictement rien n’a été fait depuis la crise de 2008 pour en prévenir de nouvelles qui seraient basées sur les mêmes mécanismes. Dès lors, tous les milliers de milliards jetés par les fenêtres afin de « renflouer » les banques fautives avec de l’argent public, n’ont servi qu’à faire gonfler une masse critique de dettes artificielles qui ne demandent qu’à déclencher un krach boursier d’une ampleur jamais vu de mémoire d’homme. Tous ces éléments sont rappelés régulièrement par des sources alternatives comme le blog célèbre de Pierre Jovanovic, et seuls les journalistes de BFV « propagande » TV et Consorts oseront pourront prétendre en être surpris…


Ce « Brexit » nous semble donc pouvoir tout à fait être le premier signal d’un effondrement du système financier mondial actuel, aussi inéluctable que potentiellement catastrophique. Mais pour bien comprendre notre « hypothèse de travail » ici, cette situation doit être rapprochée de deux précédents assez peu souvent compris des sources françaises, qui illustrent pourtant à quel point l’histoire de la City nous montre qu’elle a toujours su tirer son épingle du jeu financier mondial, et gageons que cette fois ci encore elle y parviendra[ix]:


                – Le krach financier de 1929 fut le résultat d’une rivalité très peu comprise en France, entre le Royaume-Uni et les États-Unis: plus précisément une rivalité entre les finances de la City et de Wall Street, spécialement autour des enjeux pétroliers hautement lucratifs. Et dans cette crise de 1929, ce furent les Rothschild de Londres qui dominèrent les Morgan de New York (qui s’appuyaient sur une base industrielle), lesquels furent ensuite remplacés par les Rockefeller (qui eux, s’appuyaient sur le pétrole)[x].


                – Surtout, nous devons nous remémorer les « chocs monétaires » de 1979, qui frappèrent à mort les industries des pays émergents, mais aussi celles des pays développés: ils venaient en fait de la City de Londres qui les souffla à l’oreille de Margaret Thatcher, avant seulement d’être repris par le Directeur de la Fédérale Réserve américaine, Paul Volcker[xi]. Tous les tissus industriels occidentaux autant que ceux des pays émergents, furent atteints de plein fouet, aboutissant sur une génération « no future« , et des conséquences sociales toujours plus impitoyables s’exerçant contre les populations du monde entier.


Tout ceci nous conduit donc à suspecter des « grandes manœuvres » financières,  dont historiquement la France a toujours fait les frais (comme d’ailleurs l’Allemagne). Or l‘Histoire nous enseigne qu’elles n’aboutissent jamais à autre chose que la « pauvreté au sein de l’abondance », celle-là même qui a été rendue possible, si ce n’est délibérément promue par l’UE. Mais le pire, c’est que dans cet engrenage qui peut avoir des conséquences terribles, la France d’aujourd’hui ne contrôle plus aucun levier qui pourrait nous permettre d’en amortir les conséquences, que le peuple français serait donc condamné à subir de plein fouet…


Quelle est la bonne clé de compréhension ici? Il s’agit du glissement du pouvoir depuis les Etats-Nations souverains, vers les Banques Centrales, cartels de banques privées…


Il est fondamental de bien distinguer les nations anglaises et américaines d’une part, et les creusets financiers de la City et de Wall Street d’autre part: TOUS les Etats-Nations sont visés, et nous sommes tous d’ores et déjà engagés que nous le voulions ou non, dans une sorte de guerre mondiale contre une finance devenue folle, et d’un point de vue de cette finance mondialisée, absolument toutes les nations ont vocation à être démolies puis fusionnées, y compris les nations anglaise et même américaine.      


Il devient donc urgent de se demander: « comment en sommes-nous arrivés là? » Nous ne nous en sortirons pas à moins de réexaminer et mieux comprendre la question fondamentale de la monnaie, et des rapports que doit entretenir la finance avec l’économie physique: la finance n’est à la base qu’un outil qui se prétend pourtant « industrie financière » aujourd’hui, celle du Royaume Uni en tête, fonctionnant en vase clos tandis que l’attrition monétaire rend les peuples toujours plus pauvres, et pas uniquement les Français. Or Hélie de Saint-Marc disait que tout humain en situation de survie devient coupable[xii]. Doit-on donc attendre la « guerre de tous contre tous » avant de commencer à se poser les bonnes questions? 


À notre époque où les hommes politiques feignent d’ignorer toute idée de responsabilité politique, qui devrait conduire l’actuel Premier Ministre britannique James Cameron à la démission sur-le-champ, nous serons très attentifs aux futurs développements outre-manche et à Bruxelles: le PM britannique vient en effet d’annoncer sa décision de porter ce vote du « Brexit » au Conseil Européen dès la semaine prochaine, et de ne démissionner que « d’ici octobre ». Il n’est pas sûr que le légendaire flegme britannique soit la raison principale de cette subite tempérance alors que la campagne contre le Brexit avait fait montre de bien plus d’hystérie…


Gardons notre sang-froid et voyons tout d’abord quels artifices médiatiques et politiques vont se dévoiler dans les temps prochains: tout va être fait dans les semaines qui viennent afin de minimiser ce vote du « Brexit » et de discréditer les Britanniques, tout comme les Français et les Néerlandais furent discrédités après le « non » au Traité Constitutionnel de 2005…


Il nous semble qu’il n’y a rien de sain dans cette logique d’opposition entre les humains, divisés artificiellement entre les « pour » et les « contre »: toute cette dualité artificielle nous apparaît en soi comme suspecte. Nous devons donc faire l’effort de ne pas nous arrêter à l’écume des événements, mais bien à aller en examiner les causes profondes…


Jean-Maxime Corneille


[i] « « Réactions en chaîne » : les appels à référendum se multiplient en Europe » (Le Monde, 24.06.2016).


[ii] Référence à Vladimir Boukovsky : « L’Union européenne, une nouvelle URSS ? » (Éditions du rocher, 2005).


[iii] Voir : « LAmérique à Bruxelles » (Florence Autret, Seuil, 2007).


[iv] « Royaume-Désuni: L’Écosse et l’Irlande du Nord ont voté contre le Brexit » (Le HuffPost/AFP , 24 juin 1016)


[v] Référence à l’historien anglais d’une lucidité impitoyable William CobbettA History of the Protestant Reformation In England and Ireland », 1824), pour qui la création de la Banque dite « d’Angleterre » (1694) engendra l ‘inéluctable spoliation du peuple anglais par la City. Son expression à l’origine était « la famine au milieu de l’abondance.


[vi] En témoignait déjà pour exemple « La Mascarade de l’Anarchie » de Percy B. Shelley (1819), poème écrit à l’occasion du massacre perpétré par le gouvernement britannique à Manchester en 1819, où la troupe tira sur le peuple rassemblé pour demander une réforme de la représentation parlementaire.


[vii] « [vii] Free hotels for the Calais stowaways in soft touch Britain: Outrage as immigrants illegally entering UK get cooked meals and £35 cash a week within days of arrival » (DailyMail, 1er août 2015)


[viii] En fin de cotation, le 24 juin 2016, le titre BNP Paribas perdait 17,4% et AXA 15,48%, le CAC 40 abandonnant 8,04%.


[ix] « Londres, histoire d’une place financière » (André Guillaume et Marie-Claude Esposito,  PUF, 1993).


[x] Voir notamment sur ce point « Gods of Money » (William Engdahl, 2010), et  « La guerre secrète pour le pétrole (Anton Zischka, Payot, 1934).


[xi]  Voir notamment sur ce point « Pétrole, une guerre d’un siècle » (William Engdahl, Edit. Jean Cyrille Godefroy, 2007, p.203 & s.).


[xii] « Notre histoire : 1922-1945 » (Hélie de Saint Marc et August Von Kageneck, France-Loisir, 2003, p.193).



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