Cette semaine, j’ai vu circuler sur les réseaux sociaux une vidéo du ministre des Finances ne s’adressant qu’en anglais à des journalistes francophones, à l’Assemblée nationale du Québec. Cette attitude n’était pas méprisante seulement pour les journalistes, mais aussi envers la majorité francophone. Dans l’extrait vidéo, lorsqu’un journaliste le lui souligne, le ministre ne daigne même pas se retourner ou s’excuser. Se pense-t-il ministre en Alberta ? En Ohio ? En Nouvelle-Zélande ?
Il n’en est pas à ses premières frasques envers la langue officielle du Québec : déjà en juin, il avait déposé son budget « en bilingue. » Il avait aussi, comme d’autres élus de son gouvernement, prêté serment en français et en anglais.
Lorsque je le regarde agir — et que Couillard n’intervient pas du tout —, j’ai peur qu’on assiste à l’établissement officiel du bilinguisme d’État. Depuis 1977, la loi 101 fait du français la seule langue officielle du Québec, soit la langue du gouvernement. Le français est aussi la langue d’accueil pour les nouveaux arrivants, qu’on peine de plus en plus à franciser. Alors que la situation du français devrait faire l’objet de plus de préoccupations de la part de nos élus — surtout à Montréal —, on remarque lentement mais sûrement que le bilinguisme institutionnel intéresse de plus nos élites. Si le bilinguisme — ou même le trilinguisme ne manquons pas d’ambition — représente un véritable enrichissement personnel, faire du Québec un État bilingue enlèverait à notre belle province toute sa spécificité.
Lorsque j’observe l’obsession du gouvernement pour l’établissement de l’anglais intensif, alors qu’on coupe partout ailleurs en éducation, alors qu’une multitude d’autres services devraient être priorisés, je me dis que Leitao est en parfaite adéquation avec son gouvernement. L’objectif, c’est de donner plus de latitude à l’anglais. Vous souvenez-vous de ce pauvre petit travailleur d’usine de région, auquel Philippe Couillard se référait, dans le Face à face de TVA du 27 mars dernier ? Déplorant qu’il ne puisse pas s’adresser « à un grand patron anglophone » s’il venait lui rendre visite à l’usine ? Philippe Couillard et son ministre des finances ne l’ont pas oublié eux. Ce qu’ils ont oublié, par contre, c’est l’attitude défensive envers la langue française qu’avaient les Libéraux à l’époque de Bourassa. Ils semblent aussi avoir oublié que c’est le rôle des gouvernements de s’assurer de la pérennité de la langue française au Québec.
On peut reprocher bien des choses au Parti libéral au sujet de certaines promesses déjà bafouées, austérité en tête, mais on ne pourra pas les accuser de ne pas avoir martelé leurs idéaux tout au long de leur campagne au printemps dernier : fédéralisme, bilinguisme et multiculturalisme. J’ai l’impression que le manque de respect envers la situation linguistique du Québec n’en est qu’à ses balbutiements au sein du gouvernement Couillard, semblant bien déterminer à ranger au placard ce qui fait du Québec une société distincte, se délestant ainsi d’une spécificité trop «folklorique» et faire du Québec une province (enfin) comme les autres.
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