Le « Québec bashing » est une longue tradition au Canada anglais, où toute occasion est bonne pour casser du sucre sur une société dont la différence constitue un irritant permanent. À ses yeux, les Québécois sont mauvais patriotes en temps de guerre, souvent xénophobes dans leur poussée de fièvre identitaire et toujours prêts à parasiter le reste du pays.
La nouveauté est d’avoir l’impression que le gouvernement du Québec se joint au choeur des détracteurs. Nathalie Normandeau a dit tout haut ce que plusieurs pensent quand elle a déclaré que le premier ministre Couillard « tente de nous faire croire que nous sommes racistes et intolérants ».
Au lendemain de la désastreuse défaite de leur parti dans Louis-Hébert, les députés libéraux de la région de Québec ne parlaient pas d’une réaction au départ de Sam Hamad, ni de la candidature avortée d’Éric Tétrault, mais plutôt de l’effet négatif de la décision de mener une consultation sur le racisme et la discrimination systémiques. De toute évidence, à un an de l’élection générale, ils sentent la soupe chaude.
Leurs collègues des autres régions auraient tort d’y voir un phénomène purement local. L’impression que ce gouvernement est allergique à toute affirmation identitaire est largement partagée dans l’ensemble du Québec francophone et risque d’avoir les mêmes effets, si des modifications ne sont pas apportées de toute urgence.
Encore faut-il en être conscient. Au lendemain de la partielle de Louis-Hébert, la ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, semblait être sur une autre planète. Selon elle, la dégelée encaissée par les libéraux démontrait au contraire qu’il fallait « redoubler d’efforts pour faire comprendre la nécessité de cette consultation », qu’elle présentait même comme un « projet de société ».
De retour à Québec mercredi matin, le premier ministre Couillard en semblait nettement moins convaincu. Il n’en était pas encore rendu à annuler l’opération, mais il a clairement vu le danger. « On va réfléchir assez profondément à la façon de ramener ça dans la bonne direction », a-t-il déclaré. Tel est pris qui croyait prendre. Ce qui apparaissait comme une bonne façon de faire le procès du PQ et de la CAQ a fait boomerang. C’est maintenant le gouvernement qui se retrouve au banc des accusés.
Après le drame de la mosquée de Québec, on a cru qu’une consultation analogue à celle qui a été menée en Ontario serait un bon moyen de démontrer qu’à l’exception de Québec solidaire, les partis d’opposition cherchaient à « souffler sur les braises de l’intolérance », plutôt que de chercher à apaiser les tensions très réelles qui existent au sein de la société québécoise.
Il est vrai que l’exercice a été couronné de succès en Ontario, mais le contexte était bien différent. C’est avec l’appui des partis d’opposition que le gouvernement de Kathleen Wynne avait créé une Direction de lutte contre le racisme, et personne ne l’avait accusé de vouloir faire le procès de qui que ce soit. Contrairement à celui de M. Couillard, il s’était bien gardé de sous-traiter la gestion des audiences publiques à des organismes dont l’objectivité était mise en doute.
Démontrer que les libéraux n’ont pas la fibre québécoise fait évidemment partie du plan de match du PQ et de la CAQ, mais le gouvernement se retrouve maintenant pris entre l’arbre et l’écorce.
Renoncer aux audiences publiques ou réduire l’exercice au seul forum d’experts qui doit en tirer les conclusions enverrait un très mauvais message à la clientèle immigrante que le PLQ courtise assidûment. Sans parler de ces principes dans lesquels M. Couillard se drape si étroitement.
Voyant ses hésitations, la Table de concertation contre le racisme systémique a réitéré mercredi la nécessité d’une consultation publique, ajoutant que le gouvernement devait garder ses distances et laisser à la Commission des droits de la personne le loisir de fixer son échéancier en toute indépendance.
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