En plus de devoir rembourser 19 millions aux candidats à l’immigration derrière les 18 000 dossiers annulés, le gouvernement risque fort de se faire poursuivre en dommages et intérêts, selon le Barreau du Québec.
« Oui, il y a encore des possibilités de poursuites », a déclaré le représentant du Barreau, Hugues Langlais, lors de son passage à la Commission parlementaire sur le projet de loi 9, mardi soir. En plus des frais de dépôt de dossier que le gouvernement s’est engagé à rembourser, il en coûte en moyenne entre 1000 et 2000 $ aux candidats à l’immigration pour monter leur dossier, a-t-il fait valoir.
En multipliant cette somme par 18 000 (le nombre de dossiers), on arrive à une facture oscillant entre 18 et 36 millions de dollars. Cette somme s’ajouterait aux 19 millions que le gouvernement du Québec s’est engagé à rembourser pour le dépôt des dossiers.
« C’est non seulement les frais d’immigration, c’est les frais de traduction, les frais de certification, de tests linguistiques », a expliqué Me Langlais, en soulignant que ces tests étaient « valables pour deux ans » et qu’il fallait les reprendre si le dossier mettait du temps à être traité.
Lors des échanges, la députée libérale de Bourassa, Paule Robitaille, a demandé à Me Langlais si le projet de loi ne comportait pas des « risques sérieux » et ne devenait pas ainsi « un terrain miné ouvert à toute forme de contestation ». Ce à quoi Me Langlais a rétorqué « absolument ».
La semaine dernière, Le Devoir et d’autres médias avaient rapporté que le Barreau avait décliné une invitation de dernière minute à se présenter à la Commission faute de temps pour se préparer convenablement. Or il a finalement pu se faire entendre grâce à un ajout à l’horaire mardi à 20 h.
Dans sa présentation, l’organisme a aussi vertement critiqué l’article 9 du projet de loi par lequel le ministre se donne le droit « d’imposer des conditions qui affectent la résidence permanente » aux immigrants lorsqu’il délivre leur certificat de sélection.
Dans un échange particulièrement vif avec sa représentante Me Réa Hawi, le ministre Jolin-Barrette — qui est lui-même avocat — a rappelé que le Québec avait déjà eu un tel pouvoir et déploré que les gouvernements précédents le lui aient retiré. « Moi, je peux vous assurer que, comme ministre du gouvernement du Québec, je vais toujours défendre les prérogatives de la nation québécoise, m’assurer que le Québec a l’entièreté ou le maximum de pouvoirs en matière d’immigration », a-t-il dit.
Plus tard en après-midi, la protectrice du citoyen s’est dite à son tour « préoccupée » par les impacts de l’annulation des 18 000 dossiers, à propos desquels elle dit avoir reçu de « nombreuses plaintes ».
Se disant particulièrement inquiète pour les 6000 personnes qui travaillent déjà au Québec parmi les 18 000 qui attendent une réponse, la protectrice a demandé au ministre de faire en sorte que leurs dossiers soient traités dès maintenant, sans qu’elles aient besoin de reprendre leurs démarches dans Arrima.
Pour « limiter les dégâts », elle recommande en outre qu’on rembourse aussi les frais engagés par les candidats pour les examens linguistiques (450 $) et qu’on leur envoie à tous des excuses et des explications par écrit.
La journée a également révélé que la Ville de Montréal craint de manquer de travailleurs en raison « de l’effet combiné » de la réduction des seuils d’immigration et de la priorité accordée à la régionalisation de la main-d’oeuvre.