Comme policier, il a enquêté sur Gilles Vaillancourt avant d'être muté aux enquêtes pour meurtres, où il a eu affaire au crime organisé. S'il refuse l'étiquette de justicier, le nouveau maire de Laval, Marc Demers, a bon espoir de faire oublier les années Vaillancourt et d'enrayer la collusion à Laval.
En septembre 1982, le policier Marc Demers enquêtait sur l'entreprise familiale d'un conseiller municipal bien connu à Laval: Gilles Vaillancourt. Des allégations de chèques encaissés en espèces par des gens qui n'en étaient pas les bénéficiaires. «Quelques mois après les perquisitions, on me transférait des fraudes aux enquêtes pour meurtres et on a donné le dossier à quelqu'un d'autre, qui a remis le dossier à la famille Vaillancourt, dit Marc Demers. Ce policier-là a ensuite eu la plus grande promotion dans l'histoire de la police de Laval!»
Trente ans plus tard, c'est Marc Demers qui se retrouve à l'hôtel de ville. Comme nouveau maire de Laval - élu dimanche avec 44,2% des voix -, il veut enrayer la corruption et chasser le souvenir du régime de l'ex-maire Gilles Vaillancourt, qui fait actuellement face à des accusations criminelles de gangstérisme et de corruption.
Un revirement de situation ironique, mais qui laisse l'ancien policier de 62 ans de glace. «M. Vaillancourt vivra avec ses problèmes, dit-il. Je ne suis pas quelqu'un d'émotif, je regarde plus vers l'avenir. Si je me suis présenté à la mairie, ça n'a rien à voir [avec régler des comptes] avec Gilles Vaillancourt.»
Le nouveau maire de Laval est toutefois bien placé pour saisir l'ampleur de son mandat. «J'en savais une grande partie [des problèmes de collusion et de corruption de Laval]. Je connais la puissance de l'argent. J'ai toujours dit que le problème de Laval, c'est qu'il s'agit d'une ville riche. Quand je me suis impliqué au PQ, j'ai d'ailleurs conseillé à Pauline Marois [nouvellement élue chef du parti] de ne pas rencontrer Gilles Vaillancourt seule, sans témoin. Mais j'étais confiant qu'un jour, la vérité referait surface», dit Marc Demers, qui avait aussi enquêté sur l'administration du maire Lucien Paiement dans les années 70. La commission Brabant a été constituée pour se pencher sur certaines de ses enquêtes, mais elle ne produira jamais de rapport final.
Maintenant que «la vérité a refait surface», c'est Marc Demers et son équipe du Mouvement lavallois (17 postes de conseiller sur 21) qui doivent lutter contre la collusion à l'hôtel de ville. «La commission Charbonneau nous a montré qu'il fallait trois choses pour avoir de la collusion: des promoteurs et des ingénieurs, des fonctionnaires, et finalement des élus. Si on enlève les élus et les fonctionnaires, la situation va devenir pas mal plus difficile pour ceux qui veulent faire de la collusion. Nous devons aussi avoir des mécanismes pour découvrir si des systèmes de collusion sont en place. Si on est capable de comparer combien coûte 1 km de route à Laval et ailleurs au Québec et qu'il y a un écart, on va se poser des questions.»
Enquêteur un jour...
S'il refuse l'étiquette de justicier, le nouveau maire a toutefois gardé ses réflexes d'enquêteur, même s'il a pris sa retraite en 2001 après 30 ans de service, dont 11 à diriger l'escouade des crimes contre la personne.
Il a passé une partie de sa carrière à enquêter sur les meurtres commis par le crime organisé.
En 1983, deux Hells de Laval sont venus lui parler sur son balcon. «Tu as deux belles petites filles», lui ont-ils dit. Il déménagera sa famille à Rigaud pour 10 ans avant de revenir habiter à Laval. En 2011, il a été impliqué dans l'enquête Printemps 2001, où 43 Hells Angels ont été arrêtés pour meurtre.
Bref, son métier de policier l'a habitué à gérer des situations nettement plus tendues que celles qu'il vivra à l'hôtel de ville. «Quand tu es impliqué dans des situations difficiles comme être responsable d'une équipe de policiers dans des fusillades, tu apprends à gérer ton stress, dit l'homme de 62 ans. Il y aura des situations administratives stressantes, mais on ne me tirera pas dessus.»
Avec l'élection de Marc Demers à la tête de Laval, la tutelle de la municipalité devrait se terminer rapidement, croit le ministre des Affaires municipales Sylvain Gaudreault. «Il est élu ce soir [dimanche], on verra dans les prochains jours, on en prend acte, qu'il est élu et qu'il va faire son mandat. La tutelle, c'est la Commission municipale du Québec qui la gère. Dans les prochaines semaines, au plus tard, la tutelle devrait prendre fin. C'est une période de transition, normale», a affirmé M. Gaudreault.
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