Langue française: on ne pourra pas toujours tout remettre à demain

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«Les politiques du gouvernement canadien en matière de langue française constituent un échec»






Il y a quelques mois, je me trouvais chez un petit commerçant d’alcools du quartier San Telmo, à Buenos Aires, et cherchais sur les étagères de la devanture une ou deux bouteilles à acheter. Me voyant hésiter, le marchand s’était approché pour m’offrir son aide. Après quelques échanges, je me rendis finalement à la caisse avec un malbec argentin et un Fernet-Branca en main.


 

« ¿ De donde sos ? » me demanda-t-il, curieux de savoir d’où je venais. En lui remettant la monnaie, je répondis que j’étais du Canada. « ¿ Pero de la parte francesa o inglesa ? » « Francesa. » « Ah, du Québec ! Je connais un peu de français », dit-il en ajoutant qu’il avait de la famille à Montréal et en France. « Charmant, le Québec. Rica cultura. » « Si, muy rica. » Nous avons continué notre discussion quelques minutes, puis je sortis de l’endroit, songeur.


 

Constat


 

Comme plusieurs, j’ai pris l’habitude en voyage de me présenter en tant que Canadien lorsqu’on me demande d’où je viens. C’est plus facile à situer pour la majorité des interlocuteurs. Mais depuis mon arrivée en Amérique latine, on m’avait déjà demandé plus d’une fois si j’étais du Québec, et plusieurs avaient été enthousiasmés d’apprendre que ma première langue était le français. Réactions que j’attribuais alors à l’influence que la France a eue dans l’histoire argentine, pour le meilleur ou pour le pire. Un entraîneur, amateur du septième art, m’avait même vanté la qualité du cinéma québécois, qui, selon ses dires, faisait du meilleur « cine de autor » que bien d’autres.


 

Encore une fois, en errant sur les pavés de San Telmo, j’étais resté surpris de voir qu’un homme, rencontré au bout de l’Amérique dans un petit commerce, soit plus enclin à reconnaître le Québec que certains de nos concitoyens canadiens. C’était d’autant plus saillant que, quelques semaines plus tard, je lus sur mon fil de nouvelles des articles portant sur les rebuffades que le projet d’intégration à la constitution de Couillard avait reçues.


 

Suivirent ensuite les dernières statistiques sur le déclin général du français au Canada (bien qu’il soit moins important que prévu au Québec) et, pour en rajouter, la proposition d’une frange des jeunes libéraux de Montréal demandant au gouvernement de faire une brèche dans la loi 101. Cette même loi qui, en plus de faire vivre le français depuis 40 ans au Québec, nous a permis d’atteindre l’un des plus hauts taux de bilinguisme en Amérique du Nord.


 

Le paradoxe canadien


 

Il est en effet étonnant de voir qu’encore aujourd’hui, par une sorte de rhétorique maladroite, tant de détracteurs cherchent à associer la défense de la langue française à un nationalisme rétrograde. L’idée est certes bien pensée, car depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le nationalisme est associé dans l’imaginaire collectif à un courant politique indésirable.


 

Ce qu’on a tendance à oublier, c’est qu’une bonne partie des acteurs de la Révolution tranquille s’élevaient justement contre un nationalisme sectaire. Même le projet de souveraineté s’y opposait pour plusieurs de nos intellectuels.


 

Que peut-on conclure de ça, sinon qu’il existe une différence entre ce type de nationalisme et le désir de voir son existence, et par conséquent sa langue, reconnue et défendue ? Si certains affirment que le déclin du français est inévitable en raison de la mondialisation, l’histoire nous prouve qu’il s’agit plutôt d’une question de volonté politique que d’une quelconque fatalité.


 
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