À compter de septembre prochain, toutes les écoles du Québec devront dispenser le nouveau cours d'éthique et de culture religieuse. Les parents qui se désolent à l'idée que leurs enfants seront privés d'un enseignement confessionnel ont toutefois le choix de les envoyer à l'école privée, qui pourra l'offrir en sus du nouveau cours.
Que cet avantage soit réservé aux plus fortunés ne semble pas troubler outre mesure la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne. «C'est ainsi fait parce que ces écoles assument précisément leur statut d'école privée et c'est pour ça que les parents paient davantage pour y envoyer leurs enfants», a-t-elle expliqué jeudi à l'Assemblée nationale.
Ben oui, quoi, les riches sont riches parce qu'ils sont riches. Il n'y a rien à faire, c'est comme ça. Après la médecine, voici donc la laïcité à deux vitesses. Il faut reconnaître à Mme Courchesne le mérite de dire les choses comme elles sont.
La porte-parole péquiste en matière d'éducation, Marie Malavoy, s'est inquiétée de la publicité que pourraient faire les écoles privées pour attirer la clientèle. Il suffit d'un peu d'imagination. Par exemple: «Vous voulez éviter les limbes à votre enfant? Nous avons la solution.» Ou encore: «Qu'avez-vous à perdre? Faites comme Pascal, pariez sur l'existence de Dieu!» Il est clair que l'octroi du monopole sur l'enseignement confessionnel à l'école privée risque d'inciter encore plus de parents à se détourner de l'école publique.
C'est bien connu, on ne prête qu'aux riches. Soit, les parents doivent payer quelques milliers de dollars pour envoyer leurs enfants au privé, mais ces écoles sont tout de même subventionnées par l'État à hauteur de 60 %. C'est là que le bât blesse. Passe encore que le bon Dieu soit réservé aux plus favorisés, mais pourquoi les deniers publics devraient-ils contribuer à cette discrimination? On peut très bien être à la fois pauvre et croyant.
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Qui plus est, selon les avis juridiques sollicités par la Fédération des établissements d'enseignement privés du Québec, la formation religieuse pourrait être offerte par le même enseignant et à l'intérieur des mêmes plages horaires que le cours d'éthique et de culture religieuse. Les écoles seront libres de déterminer le temps qui sera consacré à l'un et à l'autre. Autrement dit, la formation religieuse sera subventionnée à même les impôts de ceux qui n'y auront pas droit.
D'ailleurs, même si cet enseignement était dispensé en dehors des heures de classe, il y aurait toujours iniquité. À moins, évidemment, que la même possibilité soit offerte aux élèves de l'école publique, ce qui soulèverait un autre débat. Il demeure que la religion ne devrait pas être considérée comme une activité parascolaire au même titre que la musique ou le ballet classique. Dans ce domaine, tout le monde devrait avoir le même choix ou la même absence de choix.
Même avant cet échange entre la ministre de l'Éducation et sa critique péquiste, on se doutait bien que l'adhésion du gouvernement Charest au principe de la laïcité ne vaudrait pas plus que la page de publicité qu'il s'est payée au lendemain de la publication du rapport de la commission Bouchard-Taylor.
Remarquez, malgré l'indignation manifestée par Mme Malavoy, un gouvernement péquiste agirait sans doute de la même façon. Durant la prochaine campagne électorale, pouvez-vous imaginer Pauline Marois s'engager à interdire l'enseignement religieux dans les écoles privées, dont 76 % ont une charte de confession catholique? Mario Dumont accueillerait certainement cette bouée de sauvetage avec une grande reconnaissance.
C'est comme la taxe de vente. En décembre dernier, Mme Marois a vivement reproché au gouvernement Charest de ne pas profiter de la baisse de la TPS fédérale pour augmenter la TVQ, mais elle-même ne le fera pas si elle devient première ministre. Maintenant que l'occasion a été ratée, le prix politique serait trop élevé.
La meilleure façon d'assurer une réelle équité serait évidemment de mettre fin au financement public des écoles privées, mais aucun gouvernement n'osera s'engager dans cette voie. Les délégués au congrès péquiste de juin 2005 avaient résolu de «réduire de façon importante les subventions aux écoles privées», mais cela ne fait pas davantage partie des projets de Pauline Marois que la tenue d'un référendum sur la souveraineté.
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«Si l'État québécois est de facto et, indirectement, de jure laïque, il est vrai que les différents gouvernements qui se sont succédé au pouvoir sont demeurés remarquablement silencieux quant au modèle québécois de laïcité», a noté la commission Bouchard-Taylor.
Elle a donc recommandé la publication d'un livre blanc sur la question. «Il importe en effet, à ce stade de l'histoire du Québec, que l'État formalise et énonce la conception de la laïcité qui prévaut déjà en pratique et que, ce faisant, les balises qui la circonscrivent soient affirmées et précisées.»
À en juger par le malaise du gouvernement Charest dès qu'une question le moindrement précise sur le sujet lui est adressée, ce n'est pas demain la veille qu'il va entreprendre un exercice de ce genre.
Depuis une semaine, la députée adéquiste de Charlesbourg, Catherine Morrissette, qui ne peut d'aucune façon être qualifiée de bête politique, réussit à l'embêter quotidiennement avec des questions toutes simples. Les enseignantes devraient-elles être autorisées à porter le hidjab en classe? Les employeurs devront-ils s'équiper d'un calendrier multiconfessionnel?
D'une journée à l'autre, son interlocuteur ministériel change, mais aucun ne semble en mesure d'articuler une réponse claire. C'est sans doute ce qui fait le charme de la laïcité «ouverte»: on peut lui faire dire n'importe quoi ou rien du tout.
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mdavid@ledevoir.com
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