On ne saura sans doute jamais ce que Eddy Brandone a glissé à l’oreille de son ami Jean, lors de sa rencontre “fortuite” avec lui dans un hôtel de Montréal. On ne saura sans doute jamais si le PM a ordonné que cesse la filature en cours de son ami Eddy.
Et cela n’a presque aucune importance.
Non. L’énorme information divulguée par l’équipe d’enquête de Radio-Canada est ailleurs. Elle nous explique pourquoi le chef libéral a tant insisté, pendant trois ans, sur l’importance des enquêtes policières en lieu et place d’une Commission d’enquête. Souvenez-vous, c’était son dogme: une Commission d’enquête allait nuire au travail des policiers. Il fallait à tout prix empêcher une Commission de venir au secours des escrocs en polluant la preuve.
On saisit maintenant que le Premier ministre avait une autre raison de préférer les enquêtes policières. Et ce sont les policiers qui l’ont révélé à Radio-Canada:Un premier policier a déclaré : « De façon générale, il y a un principe non écrit de protection du gouvernement. Il ne faut pas laisser l’impression qu’une enquête criminelle s’approche du premier ministre. »
Un autre policier croit plutôt que « le responsable de l’opération a tout simplement paniqué quand il a vu le PM [premier ministre] et a décidé d’ordonner un black out, sans en parler à l’état-major ».
Une troisième source explique que « normalement, quand on fait une filature, c’est pour voir qui le sujet va aller rencontrer. C’était complètement inhabituel de cesser la filature ».
Un quatrième policier a affirmé que « c’était bizarre d’arrêter la filature parce qu’ils étaient à une étape où chaque détail compte [...] Cet événement a clairement créé un malaise ».
Ce que nous révèlent les policiers #1 et 2 est net: dès qu’une enquête s’approche d’un membre du gouvernement, il faut immédiatement mettre un terme aux recherches. On frappe alors un mur de verre, qu’il ne faut surtout pas traverser. Le bureau du Premier ministre n’a pas à intervenir pour que cessent les filatures. Elles cessent d’elles-mêmes. C’est automatique. C’est pratique pour Jean Charest.
Pas le premier soupçon
Le texte le plus troublant écrit depuis le début de cette affaire sur le carcan politique libéral entourant les enquêtes policières fut publié en novembre 2011 par les journalistes de La Presse André Noël (qui travaille maintenant à la Commission Charbonneau, Dieu soit loué !) et Fabrice de Pierrebourg. On y lit ceci:L’ambiance n’est pas non plus au beau fixe chez Marteau, maintenant baptisée Service des enquêtes sur la corruption, rouage essentiel de l’UPAC puisque chargée des enquêtes criminelles. Cette escouade compte 55 membres, en majorité des policiers de la Sûreté du Québec (SQ), ainsi que de Montréal, de Québec et de Longueuil (mais aucun de Laval, ville pourtant plus populeuse que Longueuil). Ils ne travaillent pas dans le même bâtiment que l’UPAC.
Des enquêteurs déplorent que leur travail soit orienté essentiellement vers le monde municipal. Et là encore, avant d’interroger le moindre conseiller municipal, ils doivent aviser leurs supérieurs, qui en informent le commissaire de l’UPAC. Ils se plaignent qu’on les oblige à réinterroger des suspects, sans aucune justification, et se demandent si ce n’est pas là une façon de ralentir leurs enquêtes et d’éventuelles accusations.
Auparavant, des membres de la SQ avaient envoyé une lettre — non signée — affirmant subir des pressions politiques dans le cadre de leurs enquêtes. La lettre se lisait en partie comme suit:
«Nos enquêtes sont orientées sur des cibles précises et nos enquêteurs doivent constamment en tenir informés leurs supérieurs de leur évolution, indique la lettre. Aucun membre du gouvernement ne sera enquêté sans que M. Martin Prudhomme, sous-ministre à la sécurité publique, ou que M. Robert Lafrenière, commissaire de l’UPAC, en soient informés.» Or, ces deux personnes travaillent sous les ordres du ministre de la Sécurité publique, souligne l’auteur.
Menant par la suite leur propre enquête, les journalistes Noël et de Pierrebourg ajoutent des confirmations:
Au cours d’entretiens séparés, quatre sources sont revenues sur le sujet. Toutes se demandent si le gouvernement n’utilise pas l’UPAC pour s’informer sur les enquêtes en cours et, si besoin, «mettre le couvercle» sur les dossiers chauds.
26 jours. Plus que 26 jours avant de se débarrasser de ce gouvernement honteux.
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