La ville sanctuaire, une «coquille vide» ?

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Boulechite électoraliste coderrienne !

Depuis février dernier, Montréal est une « ville sanctuaire ». Dans les faits, toutefois, l'adoption de cette déclaration par le conseil municipal n'a rien changé pour les sans-papiers et ne changera rien dans l'immédiat au sort des demandeurs d'asile qui arrivent au pays depuis quelques semaines. Des voix s'élèvent toutefois pour que la mesure soit repensée.
Au début de l'année, le maire de Montréal Denis Coderre a utilisé Twitter pour écrire un message adressé directement au président américain Donald Trump. « Montréal est une "Ville Sanctuaire" et fière de l'être. Nouveaux arrivants et réfugiés sont les bienvenus ici », lisait-on sur le réseau social.
C'était quelques semaines avant que le conseil municipal n'adopte à l'unanimité sa déclaration de « ville sanctuaire », qui prévoit que la métropole « assure la protection et l'accessibilité aux services municipaux aux personnes sans statut légal vivant sur son territoire ».
Depuis, bien des demandeurs d'asile ont traversé la frontière, et cette déclaration a refait surface. Or, il faut bien se garder de croire que ceux qui arrivent au pays depuis les dernières semaines pourraient dans l'immédiat profiter du statut de « ville sanctuaire » de Montréal pour rester au Canada, explique David Moffette, professeur adjoint au département de criminologie de l'Université d'Ottawa.
« L'amalgame est souvent fait entre la ville sanctuaire et les revendicateurs de statut de réfugié haïtiens. Ce ne sont pas ces gens à qui ça s'adresse : ils sont revendicateurs du statut de réfugié, pour eux, tout est en ordre. »
Une telle déclaration s'adresse aux sans-papiers, poursuit Hugues Langlais, avocat spécialisé en droit de l'immigration. « C'est quelqu'un qui est ici depuis 2 ou 15 ans et qui n'a pas renouvelé son statut. Il est irrégulier par rapport à la loi, il n'a pas de papiers qui justifient son droit d'avoir un service ou un autre », explique-t-il.
L'avocat estime toutefois que la déclaration de la Ville de Montréal, comme elle est rédigée actuellement, n'est rien d'autre qu'une « coquille vide ».
« C'est un bel énoncé, ça participe d'un beau geste politique, mais ce n'est pas un générateur de droits, je ne peux rien revendiquer avec ça. On se gargarise de beaux mots, mais on ne fait pas de ça une condition juridique nouvelle », dit l'avocat, qui a prévenu récemment un de ses clients que ce statut de « ville sanctuaire » n'empêchait en rien la police de l'arrêter.
Une déclaration adoptée rapidement
En février, le directeur général et le coprésident du conseil d'administration de l'organisme Alternatives ont signé une lettre d'opinion dans Le Devoir dans laquelle ils demandaient de faire de Montréal une ville refuge. « Il est grand temps que Montréal se joigne au mouvement », ont-ils écrit.
Moins de trois semaines plus tard, c'était chose faite. « On a quand même été assez surpris de la rapidité avec laquelle la Ville de Montréal a pris le bateau. J'en ai fait, des campagnes, dans la vie, et des fois, c'est long ou on n'y arrive pas. Ça s'est passé extrêmement rapidement. Même au début, Denis Coderre disait que c'était déjà fait, alors que ça n'avait pas été adopté », dit Michel Lambert, directeur général d'Alternatives, tout en soulignant qu'ils n'étaient pas les premiers à soulever l'idée.
Le directeur général d'Alternatives dit qu'il ne veut pas « présumer des intentions du maire », mais estime qu'à l'adoption de la résolution, en février, le contexte politique était favorable. « Il y avait eu l'attentat de la mosquée de Québec, la montée de la xénophobie avec M. Trump. Il y avait peut-être une certaine urgence de montrer que Montréal était dans les bonnes villes. »
« Je ne peux pas penser à la place du maire, mais on aurait peut-être dû lancer un chantier avant plutôt que de faire la déclaration et mettre en oeuvre le chantier après. »
Le sénateur André Pratte croit que l'arrivée de centaines de demandeurs d'asile au pays est l'occasion pour les Montréalais de se demander ce que signifie vraiment cette déclaration. Celle-ci mandate notamment la Commission de la sécurité publique « afin d'élaborer, de concert avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), une approche pour s'assurer qu'une personne sans statut légal dans une situation de vulnérabilité puisse avoir accès aux services de sécurité publique municipaux sans risque d'être dénoncée aux autorités d'immigration ou déportée ».
« L'idée d'offrir des services de base aux gens, quel que soit leur statut, qu'ils puissent aller à la bibliothèque municipale ou avoir accès à un logement décent sans crainte d'être dénoncés, je pense que la grande majorité des gens sont favorables à ça. Mais quand on va au-delà de ça - par exemple, que fera la police et quel type de collaboration la Ville de Montréal offre aux autorités fédérales en ce qui a trait à l'application de la Loi sur l'immigration -, ça devient plus délicat. »
Le cabinet du maire de Montréal a refusé de nous accorder une entrevue à ce sujet et nous a renvoyé au texte de la résolution. En entrevue hier matin au 98,5 FM, Denis Coderre a assuré qu'il n'avait donné aucune directive au SPVM concernant les sans-papiers. « Quand on parle de ville sanctuaire, c'est pas juste une question de police », a soutenu le maire.
David Moffette estime que c'est l'inaction qui a suivi l'adoption de la déclaration qui est « extrêmement problématique et dangereuse ».
« C'est comme dire que Montréal est une ville exempte de violence contre les femmes et dire : "N'ayez pas peur, promenez-vous sans crainte à n'importe quelle heure", sans n'avoir rien fait. Si vous croyez ça, on vous met en danger.
« Je pense que c'était une stratégie médiatique du maire Coderre pour dire qu'une déclaration de principes suffit, sans avoir fait le travail. Ça s'est fait aux dépens des personnes les plus vulnérables qui ont pu l'avoir cru », dit le professeur adjoint au département de criminologie de l'Université d'Ottawa.
D'OÙ VIENNENT LES « VILLES SANCTUAIRES » ?
Le terme est emprunté aux Américains, où ces villes sont nées, explique David Moffette, professeur adjoint au département de criminologie de l'Université d'Ottawa. Dans les années 80, nombre d'églises offraient le refuge à des demandeurs d'asile qui avaient été déboutés. « À cette époque, un certain nombre de villes se sont déclarées villes sanctuaires. Dans le contexte américain, les villes s'engagent à ne pas collaborer avec l'agence d'immigration. C'est une position de non-collaboration et de protection. »
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