La taxe santé

Tribune libre

Depuis 2010, le gouvernement québécois impose aux retraités une triple contribution au financement des frais de santé : 1) l’impôt général sur leurs revenus dont une part est dévolue à la santé, 2) l’assujettissement des rentes de retraite au Fonds des services de santé (FSS) au-delà d’un seuil minimal de 13 660 $ (ligne 446 et annexe F du formulaire d’impôt 2012) et 3) la contribution santé (ligne 448 du même formulaire). Ceci sans compter les frais ou parties de frais non couverts (coassurance) par les régimes privés et partiellement déductibles de l’impôt général (20 % des frais médicaux excédant 3 % du revenu familial).
Pourtant, avec un revenu moyen pondéré (public et privé) partiellement indexé de 35 000$ pour les hommes et 24 000$ pour les femmes (données tirées de l’étude intitulée « La situation financière de l’ensemble des retraités québécois et des secteurs public et parapublic du Québec », Groupe Cirano, mars 2008), cette triple imposition sur des revenus de toute une vie, somme toute relativement modestes, justifierait à elle seule un vaste mouvement d’indignation.
Mais les contribuables en général et les contribuables québécois en particulier sont tellement habitués à se faire pressuriser de tout bord et de tout côté qu’ils ne réagissent plus. Pendant combien d’années les contribuables québécois ont payé la taxe de vente du Québec (TVQ) sur la taxe sur les produits et services (TPS) du fédéral ?
Il est vrai que selon une déclaration récente de Revenu Québec, « À compter du 1er janvier 2013, la TVQ sera calculée sur le prix de vente excluant la TPS. Toutefois, pour que le total des taxes à payer demeure le même, le taux de la TVQ sera ajusté à 9,975 % ».
Quel sera le bénéfice de cette mesure pour les contribuables, si le recul de la TPS est entièrement compensé par une hausse équivalente de la TVQ ?
Au cours de la campagne électorale de septembre 2012, la contribution
santé devait disparaître, pour être compensée à la fois par une hausse d’impôt sur les hauts revenus et par des redevances accrues sur les ressources naturelles extraites du sous-sol québécois.
Malheureusement, « À peine quatre semaines de chroniques et d’éditoriaux négatifs, une salve coordonnées des lobbys patronaux et de vagues menaces de déménagement d’entreprises auront suffi à faire [reculer le ministre des Finances Nicolas Marceau] », selon une « Analyse de la conjoncture économique » de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), octobre 2012. Force est de constater que le 10,5 % des contribuables québécois qui gagnent 70 000 $ et plus par année et qui perçoivent 37 % des revenus déclarés au fisc ont eu plus de poids politique que le 77 % des contribuables, dont la grande majorité des retraités, qui ont des revenus inférieurs à 50 000 $.
Il est vrai que dans un élan social-démocrate hors du commun, le Gouvernement québécois a finalement décidé qu’à compter de 2013, la contribution santé serait modulée en fonction du revenu du contribuable, selon les paramètres suivants :
-* si le revenu de l’adulte pour l’année ne dépasse pas 40 000 $, la contribution santé est égale au moindre de 100 $ et de 5 % de l’excédent de ce revenu sur 18 000 $;
-* si le revenu de l’adulte pour l’année dépasse 40 000 $ mais ne dépasse pas 130 000 $, la contribution santé est égale au moindre de 200 $ et de l’ensemble de 100 $ et de 5 % de l’excédent de ce revenu sur 40 000 $;
-* si le revenu de l’adulte pour l’année dépasse 130 000 $, la contribution santé est égale au moindre de 1 000 $ et de l’ensemble de 200 $ et de 4 % de l’excédent de ce revenu sur 130 000 $.

Le lecteur perspicace remarquera qu’une contribution de 100 $, 200 $ et 1000 $ sur des revenus respectifs de 20 000 $, 42 000 $ et 150 000 $ donnent des ratios assez comparables de 0,0050, 0,0048 et 0,0067 et qu’en vertu de ces ratios, l’effort demandé au contribuable qui gagne 150 000 $ ne représente que 255 $ de plus, si on applique à son revenu le ratio de 0,0050 de celui qui en gagne 20 000$ [(0,0067 - 0,0050) x 150 000 $)].
De plus, cet effort additionnel va nécessairement s’amenuiser au fur et à mesure que le revenu assujetti à la contribution santé va excéder 150 000 $. Par exemple, une contribution de 1 000 $ sur des revenus de 200 000 $ représentera proportionnellement le même effort contributif de 0,0050 que celui qui gagne 20 000 $, ce qui est proprement aberrant.
Bref, en terme de progressivité, il y avait certainement moyen de faire mieux. Les contribuables qui remplissent actuellement leur déclaration d’impôt pour l’année fiscale 2012, surtout ceux dont les revenus se situent dans la brochette 14 000 $ - 45 000 $ ne seront guère heureux de devoir débourser une contribution santé de 200 $ par personne.
Notre bon gouvernement provincial a encore perdu une autre belle occasion de se grandir politiquement et socialement. Faut-il lui rappeler alors que l’équité fiscale fait partie de l’arsenal politique des « conditions gagnantes »…? Ça pourrait lui être utile pour une prochaine élection ou un prochain (?) référendum.
Yvonnick Roy, Québec

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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2013

    le cummulatif des taxes dans la province de Quebec represente ou representera une raison majeure du depeuplement de ce coin de pays, au detriement d autres provinces ou d autres pays.
    mes projets en ce sens debutent deja. et je persuaderai plusieurs a en faire pareil.
    je n eprouve plus aucun plaisir a jouir de mon salaire d infirmier, car en regardant la colonne de taxes...la notion de plaisir et l amour de mon metier se fannent de semaines en semaines.