Les troupes syriennes se sont déployées lundi dans le nord du pays entrant dans une ville clé, après un appel à l'aide des forces kurdes cibles d'une offensive turque meurtrière et abandonnées par leurs alliés américains.
Après une semaine d'annonces contradictoires, un responsable américain a indiqué que tous les militaires américains, environ 1000, déployés depuis quelques années dans le nord de la Syrie pour soutenir les forces kurdes dans leur combat contre le groupe jihadiste État islamique (EI), avaient reçu l'ordre de quitter le pays.
Dépourvues d'une protection américaine et seules face à la progression des forces d'Ankara et de leurs supplétifs syriens, les forces kurdes ont demandé un déploiement de l'armée syrienne près de la frontière syro-turque.
Lancée le 9 octobre, l'opération turque a ouvert un nouveau front dans le conflit en Syrie, où interviennent acteurs régionaux et internationaux, et qui a fait depuis 2011 plus de 370 000 morts et poussé à la fuite des millions de personnes.
Elle vise à instaurer une «zone de sécurité» de 32 km de profondeur pour séparer la frontière turque des territoires contrôlés par les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qualifiée de «terroriste» par Ankara, mais soutenue par l'Occident.
Sous la couverture de l'aviation, les forces turques et leurs alliés ont conquis une bande frontalière longue d'environ 120 km, allant de la ville de Tal Abyad jusqu'à l'ouest de Ras al-Aïn.
Lundi, les forces du régime se sont déployées au sud de Ras al-Aïn, à la périphérie de la ville Tal Tamr, où leur arrivée a été saluée par des habitants, a constaté un correspondant de l'AFP.
L'armée syrienne à Minbej
Des unités de l'armée sont désormais à 6 km de la frontière, a dit l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Des chars sont aux abords des villes de Tabqa et de Aïn Issa.
Et pour la première fois depuis 2012, l'armée syrienne est entrée dans la ville de Minbej, contrôlée par un conseil militaire affilié aux Kurdes, selon les médias officiels et un responsable local.
Aux abords ouest de la ville, des combattants proturcs et des véhicules militaires turcs se sont massés par centaines, selon un correspondant de l'AFP sur place.
Des combats acharnés se poursuivent à Ras al-Aïn entre les troupes turques et les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition militaire dominée par les YPG, selon l'OSDH.
«Il y a un vaste réseau de tunnels sous Ras al-Aïn» utilisés par les forces kurdes, a affirmé à l'AFP Abou Bassam, un commandant syrien proturc, évoquant des tirs de snipers qui entravent aussi leur progression.
L'intervention du régime de Bachar al-Assad est un véritable retournement de situation illustrant la complexité de la guerre syrienne.
Le régime, qui a longtemps opprimé les Kurdes, a ensuite fustigé l'autonomie de facto instaurée par cette minorité ethnique sur près d'un tiers du territoire dans le nord et le nord-est du pays à la faveur du conflit.
«Entre les compromis et le génocide de notre peuple, nous choisirons la vie», a dit Mazloum Abdi, le haut commandant des FDS, pour justifier l'accord avec le régime.
Les Européens impuissants
Depuis le début de l'offensive turque, 133 combattants kurdes et 69 civils ont été tués, ainsi que 108 rebelles proturcs, selon l'OSDH. Et 160 000 personnes ont été déplacées, d'après l'ONU.
La Turquie a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de roquettes kurdes sur son territoire.
L'intervention turque a suscité de nombreuses condamnations surtout de la part de pays européens qui semblent impuissants à porter secours à leurs alliés kurdes dans la guerre contre l'EI vaincu en mars dernier en Syrie.
Selon le responsable américain, le retrait concerne «tous» les militaires américains déployés en Syrie, «sauf ceux se trouvant à Al-Tanaf», une base contrôlée par quelque 150 soldats américains dans le Sud.
Ce départ précipité pourrait pousser au repli d'autres troupes occidentales présentes dans le nord-est syrien dans le cadre de la lutte antijihadistes, dont les soldats français. Paris a dit vouloir prendre des mesures pour garantir la sécurité de ses soldats.
Autre enjeu majeur : la détention par les Kurdes de milliers de membres de l'EI et de leurs proches, dont un grand nombre d'étrangers.
Des pays européens ont mis en garde contre une résurgence de l'EI à la faveur du chaos sécuritaire créé par l'assaut turc.
Dimanche, les autorités kurdes ont affirmé qu'environ 800 proches de jihadistes avaient fui un camp de déplacés.
Mais le président Donald Trump a affirmé que les Kurdes seraient en train «d'en relâcher quelques-uns pour nous forcer à nous impliquer».
Et un responsable turc a accusé les YPG d'avoir «libéré des prisonniers» de l'EI «pour semer le chaos».