Sommée par le juge d’effectuer des recherches, la Sûreté du Québec (SQ) a finalement retrouvé les traces des six menaces visant Pauline Marois le jour des élections 2012. Or, ni la pertinence ni la gravité de ces menaces n’ont été révélées au public lundi au procès de l’attentat du Métropolis.
Dans une déclaration sous serment, le patron des enquêtes à la SQ, l’inspecteur-chef Benoît Dubé, fait état des six menaces mentionnées dans le rapport secret de la SQ. Il s’agit de « deux sur Twitter, deux sur Facebook et de deux autres », a résumé le juge Philippe Bélanger lundi matin. Parmi ces menaces, deux proviennent d’adolescents de 14 ans, a-t-il ajouté.
Ces menaces étaient-elles sérieuses ? Comment ont-elles été enquêtées par la SQ ? Impossible de le savoir, puisque le document évoqué vaguement par les avocats et le juge n’a pas été déposé comme preuve au procès. Quand La Presse en a demandé une copie, le juge a expliqué que l’avocat du Procureur général du Québec (PGQ) le déposerait seulement à la prochaine audience, le 24 mai prochain.
Le juge Bélanger s’est d’ailleurs dit satisfait des explications de la SQ. Ainsi, Benoît Dubé ne sera pas appelé à témoigner pour détailler les menaces.
Ces mystérieuses menaces ont pris une ampleur insoupçonnée pendant le procès intenté par quatre survivants de l’attentat contre les corps policiers. À la fin du procès, le juge Philippe Bélanger s’est en effet étonné qu’aucun des neuf policiers de la SQ interrogés n’ait pu identifier ces menaces pourtant consignées dans un rapport secret.
Alors que la preuve était pourtant close, le juge Bélanger avait alors sommé la SQ de faire la lumière sur ces six menaces lancées entre « 16 h 38 et 20 h 32 », soit quelques heures avant que Richard Henry Bain ouvre le feu sur des techniciens de scène derrière le Métropolis pendant le rassemblement victorieux du Parti québécois.
Les survivants reprochent à la SQ et au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) l’absence de sécurité adéquate sur les lieux de l’évènement. Les menaces contre Pauline Marois s’avèrent ainsi pertinentes pour évaluer la réponse de la SQ quant au risque présent le soir de l’attentat. Par exemple, le responsable de la sécurité de la première ministre et le chef du renseignement de la SQ n’ont pas été mis au courant que la politicienne avait été ciblée quelques heures plus tôt.
Avant les plaidoiries prévues dans deux semaines, il ne reste qu’un seul point à éclaircir. L’avocate des demandeurs, Me Virginie Dufresne-Lemire, a réclamé des documents supplémentaires concernant la menace « numéro un ». Plus tôt dans le procès, l’avocate avait mentionné cette menace, révélée dans les médias le lendemain de l’attentat.
Un partisan péquiste avait alors affirmé dans Le Journal de Québec et Le Soleil avoir informé les policiers d’un possible attentat visant Pauline Marois. En cherchant une page Facebook sur l’évènement du Métropolis, il était tombé sur une page web montrant Pauline Marois et des photos d’armes. Il avait également alerté le Parti québécois. Selon un article du Soleil, le 5 septembre 2012, la SQ a arrêté un homme de 63 ans dans ce dossier.
Me Dufresne-Lemire a ainsi demandé d’obtenir des détails sur la perquisition effectuée par la SQ à la résidence de l’auteur de cette publication. L’avocat du PGQ a acquiescé à la demande. Le dossier revient le 24 mai.
La ministre Guilbault satisfaite de la sécurité
Talonnées par le Parti québécois la semaine dernière lors de l’étude des crédits, la ministre de la Sécurité publique et la directrice générale de la SQ ont essentiellement refusé de répondre aux questions liées au procès de l’attentat du Métropolis pour ne pas nuire au processus judiciaire.
Au procès, un responsable actuel de la sécurité du premier ministre et des chefs de parti a déclaré avoir l’intention d’utiliser la même technique de « base » lors des élections d’octobre 2022. Malgré tout, la ministre Geneviève Guilbault ne s’est pas engagée à renforcer le plan de sécurité en vue de la prochaine campagne.
« Il y a eu des soirées électorales en 2014 et en 2018 qui se sont heureusement bien passées, et je fais confiance aux gens qui font la sécurité », a déclaré la ministre.
« Vous n’exigez rien ? », a rétorqué le député péquiste Martin Ouellet.
« Avec ce qu’on a entendu en 2012. On est en postpandémie, des tensions, il y en a eu. Un siège à Ottawa, des mouvements qui prennent de l’ampleur, les réseaux sociaux sont des chambres d’échos qui galvanisent des personnes qui ont des idées différentes sur la démocratie », a poursuivi le député Ouellet.
« Il y a eu deux soirées électorales depuis 2012 et ça s’est heureusement bien passé, alors on a toutes les raisons de penser que la sécurité fonctionne », a tranché la ministre Guilbault. « Je considère qu’on doit reconnaître que la SQ fait du bon travail pour la protection des élus », a-t-elle renchéri.
Par ailleurs, le responsable du service des renseignements de la SQ, qui est toujours en poste 10 ans plus tard, estime avoir fait du bon travail le 4 septembre 2012.