La Slovénie vient de légaliser le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels. « Une nouvelle fois, la petite Slovénie fait preuve d’un progressisme rare au sein des "ex-pays de l’Est" », écrit Le Monde, apparemment admiratif. Les mouvements LGBT locaux saluent « une victoire complète », obtenue « après de longs efforts de la société civile ». Mais ne peut-on pas y voir, plutôt, une défaite de la démocratie ? En effet, les citoyens slovènes avaient rejeté par trois référendums le mariage homosexuel. La souveraineté du peuple, dans une démocratie, ne serait-elle qu'une illusion ?
C'est la Cour constitutionnelle qui, le 8 juillet 2022, a pris cette décision historique, estimant que l'interdiction de se marier et d'adopter faite aux couples homosexuels constituait « une discrimination inadmissible à l’encontre des couples de même sexe ». Elle a donné six mois au Parlement slovène pour s'y conformer. On peut voir dans cette injonction une nouvelle illustration du « gouvernement des juges » que critiquait Éric Zemmour, lors de la campagne présidentielle. Alors que le peuple est censé faire la loi, directement ou par l'intermédiaire de ses représentants, y aurait-il une instance supérieure qui définirait les « droits fondamentaux » ?
Certes, il peut paraître de prime abord rassurant que les « droits fondamentaux » soient protégés : mais quels sont ces droits ? La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à laquelle fait référence le préambule de la Constitution française, est elle-même soumise à des interprétations qui la relativisent. Ainsi, les libertés d'opinion et d'expression subissent des restrictions. Et qui peut affirmer que l'admission des citoyens aux « places et emplois publics » se fonde toujours sur leur « capacité » et « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ? La « discrimination positive » et le « copinage » tendent à remplacer ces critères. Il peut même arriver que le droit de tous les citoyens de « concourir personnellement, ou par leurs représentants » à l'expression de la « volonté générale » soit bafoué. On se souvient comment, en France, au mépris de la volonté populaire, le résultat du référendum du 29 mai 2005 fut jeté aux oubliettes par le gouvernement de l'époque. Voyez, aujourd'hui, comment les macronistes se plaignent de n'avoir à l'Assemblée nationale qu'une majorité relative, ce qui les empêche, comme le disait Marisol Touraine au Président réélu, d'avoir « les mains libres » et de pouvoir « faire tout ce [qu'il veut] ». C'est à croire que la démocratie se moque de la démocratie !
Dans le domaine sociétal comme dans le domaine éthique, on ne peut mettre en avant des certitudes incontestables. Quand on on envisage d'inscrire le droit à l'avortement dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou que la majorité et la gauche préconisent de l'inscrire dans la Constitution pour le sacraliser, on se demande jusqu'où pourrait aller ce dogmatisme idéologique. Simone Veil avait pourtant déclaré que « l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour les situations sans issue » : on mesure à quel point sa loi a été dénaturée. Non seulement on ne prend pas des mesures pour limiter les IVG, mais on va jusqu'à s'attaquer aux associations qui proposent des solutions pour accompagner les femmes en détresse.
Le concept d'État de droit s'oppose théoriquement à la notion de pouvoir arbitraire, mais il est progressivement dévoyé au point qu'il dénature la démocratie qu'il est censé défendre. Quand les dirigeants d'un pays font fi de la souveraineté du peuple, ils nient l'essence même de la démocratie.