En moins de 40 ans, les Québécois francophones ont rattrapé leur retard économique et investi les cercles du pouvoir de l'argent. Ainsi, la part de l'économie québécoise administrée par les francophones est passée de 47 à 67%. Et les francophones bilingues ont aujourd'hui des revenus égaux à ceux des anglophones bilingues (plus ou moins 38 800$) alors que la marge était importante il y a 35 ans; des deux côtés, les gains sont moins importants pour les unilingues, le fait de maîtriser une langue seconde procurant partout un avantage économique.
Ces données sont contenues dans une étude publiée par l'Institut C.D. Howe à l'occasion du 30e anniversaire de la promulgation de la Loi 101, à laquelle l'organisme attribue une part de ce progrès.
La constatation est, par bien des côtés, banale.
De fait, elle n'a provoqué ici qu'un formidable haussement d'épaules: tous les Québécois en âge de se souvenir de l'endroit où ils se trouvaient lorsque Gilles Vigneault a entonné pour la première fois Gens du pays ont forcément vu, de leurs yeux vu, cette progression. Au Canada anglais, même banalité dans la réaction: «Il est temps pour le Québec de cesser de se plaindre», a écrit le National Post, qui n'en rate jamais une.
Il est davantage intéressant de se remémorer la façon dont les choses se sont passées pour aboutir à ce résultat. Des bibliothèques entières ont en effet été assemblées sur la façon dont la richesse - ou la pauvreté - des nations se construit et qui n'est nulle part la même. (À ce sujet, on reliera avec intérêt l'ouvrage magistral de l'historien David S. Landes précisément intitulé Richesse et pauvreté des nations, chez Albin Michel).
Ainsi, le premier événement survenu est certainement le transfert de l'Église à l'État (entouré de ses premiers disciples, les institutions syndicales et les divers conclaves d'experts) de la gouvernance morale et sociale de la nation.
Cela s'est fait à un rythme fulgurant au début des années 60. Et a éventuellement donné, outre la Loi 101, un système d'éducation moderne; les lois du travail; la libéralisation des moeurs et l'émancipation de la femme; une expertise autochtone en administration et dans divers champs techniques... ainsi qu'une lourde tradition de dérapage intellectuel et de rigidité institutionnelle - résidu, en somme, d'un vieil esprit religieux tricoté serré dans nos gènes.
Le deuxième facteur est l'ouverture sur le monde: l'Expo 67, les outils de communication et tout le tremblement.
Le troisième est en partie une conséquence du deuxième et réside dans la revalorisation de l'activité économique et de l'échange international. C'est une réalité à laquelle ont accédé d'autres nations par d'autres voies, et qui n'est pas exempte non plus d'effets pervers, au rang desquels figure la reconduction plus ou moins grande des inégalités.
Mais il reste que, du point de vue économique, ce phénomène qu'on appelle aujourd'hui la mondialisation a été incontestablement positif pour les Québécois francophones.
mroy@lapresse.ca
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé