Le président Trump a traité, à la tribune des Nations unies, du thème fondamental en ce lieu de l’architecture future du monde : multilatéralisme ou nationisme ? Son discours, s’il est réélu dans quatorze mois, est historique : la page de Bretton Woods, que l’on croyait impérissable depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, sera tournée.
Il est paradoxal que cette page, conçue par les Américains lorsqu’ils créèrent le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), le FMI et la Banque mondiale, afin de conserver le contrôle du commerce international, de la monnaie et de la finance, soit déchirée par un Américain, comprenant qu’elle est désormais néfaste à son pays. Rappelons deux points majeurs d’Histoire : en 1948, les Américains victorieux firent échouer la Charte de La Havane et, ainsi, le rattachement de ces trois questions capitales à l’ONU naissante. En 1994, les multinationales américaines, pensant en tirer bénéfice, faisaient transformer le GATT en OMC (accord de Marrakech, fin du cycle Uruguay). Incidemment, cet accord interdisait le maintien du principe européen fondateur de « préférence communautaire » et on eut l’idée « géniale » de compenser l’abandon contraint de cette règles sensée par… une monnaie unique : l’euro.
La vérité est apparue, crue. Trump, qui était présenté comme un homme seul, a reçu un tonnerre d’applaudissements et le soutien des pays d’Europe, du Japon et, plus étonnant, de l’Inde et du Pakistan, d’Israël et de tout le monde arabe solidaire face à l’Iran, sur fond de Russie en demi-teinte : la vieille langue de bois soviétique y est encore parlée couramment.
Dans son fort et profond discours, Donald Trump a dit : « Le monde libre doit se baser sur ses fondations nationales… Il ne doit pas essayer de les effacer ou de les remplacer. Si l’on regarde autour de nous, sur cette grande et magnifique planète, la vérité saute aux yeux : si vous voulez la liberté, soyez fier de votre pays. Si vous voulez la démocratie, défendez votre souveraineté. Et si vous voulez la paix, aimez votre nation. » Il a, une nouvelle fois, rappelé le principe primordial de la souveraineté des nations : « L’avenir n’appartient pas aux “mondialistes”, l’avenir appartient aux patriotes. » Et il a annoncé la réforme de l’OMC : un changement total de paradigme. Certes, on lui objecte parfois que certains défis (GAFA, écologie) échappent pour une large part au cadre national privilégié par Donald Trump, aux dépens d’un multilatéralisme désormais banni de la Maison-Blanche. Mais quels sont, à ce jour, les résultats concrets du multilatéralisme, si facilement infiltré par les lobbies ?
D’ailleurs, dans sa préoccupation en faveur des droits religieux et des droits de l’homme, Donald Trump a visé certains de ces lobbies dressés contre lui, en particulier les puissants géants des nouvelles technologies qui décident, via les réseaux sociaux, de « ce que nous pouvons voir » et de « ce que nous pouvons dire ».
Enfin, dans sa logique nationiste, le président Trump a longuement défendu la nécessité de lutter contre l’immigration illégale, qui met en péril les équilibres sociologiques, tant des pays de départ que des pays d’arrivée, dénonçant les organisations humanitaires favorables à des « frontières ouvertes », ce qui, au final, « porte atteinte à la dignité humaine » et conforte les réseaux mafieux de passeurs.
Des journalistes inattentifs n’ont vu, dans ce troisième discours de Donald Trump à la tribune de l’ONU, en ce 24 septembre, que « des allures de routine », « un ton monocorde, presque las »… Les historiens verront sans doute, eux, l’annonce d’un révolution majeure, la fin annoncée de l’OMC, et une manifestation du vide béant entre les médias et l’information véritable sur ce changement d’époque et de monde qui commence.