SNC-Lavalin est au cœur de l’actualité, depuis plusieurs semaines, et les outrés se multiplient dans le reste du Canada pendant que plusieurs de nos élus s’inquiètent de la possible disparition du siège social de la multinationale et de milliers d’emplois à Montréal. La question qui tue comme dirait Guy A. Lepage : « Est-ce que Jody Wilson-Raybould aurait fait tout ce boucan si Justin Trudeau l’avait maintenue dans ses fonctions de ministre de la Justice? »
Le témoignage de madame Wilson-Raybould devant le comité de la Justice à Ottawa, considéré comme très solide par plusieurs commentateurs politiques, a fait monter d’un cran la pression sur le premier ministre et son entourage. Il nourrit également la diatribe des conservateurs qui en appellent à sa démission et à une enquête de la GRC. Dans une stratégie qui semble bien concoctée, on a même sorti du placard quelques anciens procureurs généraux d’obédience conservatrice pour insister sur la nécessité d’une enquête de la GRC. Il est quelque peu risible de voir tout ce déchainement lorsqu’on se rappelle les péripéties et le laxisme de Stephen Harper autour des dépenses extravagantes de quelques sénateurs conservateurs.
À la lumière des enjeux qui se posent en matière d’emploi et d’économie pour le Québec, on ne peut que comprendre la quête d’une solution pratique dans l’entourage du premier ministre pour tenter de préserver la capacité de SNC-Lavalin pour soumissionner sur les marchés publics. Fort probablement que s’il n’y avait pas eu d’interventions auprès de la procureure générale du Canada pour suspendre les procédures criminelles et convenir d’une entente de réparation avec la multinationale, nous retrouverions une importante frange d’acteurs et de commentateurs politiques pour s’en plaindre.
Les actes de corruption de plusieurs dirigeants de SNC-Lavalin sont répréhensibles, sachant qu’au-delà de l’obtention de contrats pour la firme, ils en profitaient personnellement. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la multinationale, à l’instar de beaucoup d’autres, opèrent dans des environnements qui se comparent parfois à la jungle et qu’elle doit user des mêmes armes que ses adversaires. Cela ne rend pas la corruption moins répréhensible, mais nous fait saisir qu’il est difficile de ne pas se transformer en loup dans un monde de loup.
Nous ne saurons peut-être jamais les raisons qui motivaient Wilson-Raybould à repousser une entente avec SNC-Lavalin. On peut présumer qu’elle avait des bonnes raisons de dire non, mais cela n’empêche pas de penser que d’autres avaient des bonnes raisons de vouloir mitiger les dégâts dans l’affaire SNC-Lavalin et d’ainsi préserver des milliers d’emploi au Québec tout en protégeant l’avoir des actionnaires.
Si, sous l’ère Obama et pendant la crise financière de 2008, il était acceptable que le gouvernement étatsunien ouvre les goussets pour sauver quelques grandes institutions négligentes dont la faillite aurait été très dommageable pour leur économie intérieure, il était tout aussi tolérable, sous l’ère Trudeau, que le gouvernement canadien fasse des efforts raisonnables pour éviter des pertes effroyables.