Lorsqu'il a été élu à la direction du PQ, en novembre 2005, la popularité d'André Boisclair était telle, selon un sondage CROP de l'époque, que s'il y avait eu une élection à ce moment précis, on aurait assisté à un véritable balayage péquiste contre les libéraux de Jean Charest. Ce n'est vraiment pas ce qui est arrivé.
Ce petit rappel de notre histoire politique récente permet de remettre en perspective les résultats du sondage CROP que nous avons publié cette semaine. Celui-ci indique que le PQ, s'il était dirigé par Pierre Karl Péladeau, remporterait les élections avec des appuis de 37%, contre 33% pour les libéraux de Philippe Couillard et 21% pour les caquistes de François Legault.
Ce sondage décrit-il l'amorce d'une vague de fond pour celui qui est le favori dans la course à la direction de son parti? Il révèle plutôt une nouvelle manifestation d'un phénomène récurrent depuis une vingtaine d'années, que l'on pourrait appeler la prime à la nouveauté, l'effet «new kid on the block», où les électeurs s'entichent de façon intense, mais éphémère, des nouveaux arrivants sur la scène politique.
C'est arrivé à Jean Charest en 1998. Dès la démission de Daniel Johnson à la tête du PLQ, l'hypothèse du saut vers le provincial de Jean Charest, alors le chef du Parti conservateur à Ottawa, a fait bouger le thermomètre politique. Avant même qu'il annonce sa candidature, un sondage CROP montrait que s'il dirigeait le PLQ, Jean Charest l'emporterait de façon très nette contre le PQ, alors dirigé par Lucien Bouchard: 52% des intentions de vote, contre 41% pour le PQ. «L'effet Charest», comme on l'appelait à l'époque, n'a pas été de longue durée. En 1998, le PQ a obtenu un peu moins de voix que le PLQ, 42,9% contre 43,6%, mais assez pour former un gouvernement majoritaire.
En 2005, au lendemain de son couronnement à une course à la direction du PQ où il avait battu Pauline Marois, André Boisclair était perçu comme le plus apte à être premier ministre, avec 51% des appuis contre 26% pour le premier ministre Charest. Avec 47% des intentions de vote, il était loin devant le PLQ, à 31%, et l'ADQ, à 17%. Aux élections de mars 2007, les libéraux ont formé un gouvernement minoritaire avec 33% des voix, devant l'ADQ avec 30,8%, et le PQ, à 28,4%, qui s'est écrasé pour se retrouver en troisième place.
Pauline Marois n'a pas joui du même avantage, très certainement parce qu'elle n'était pas perçue comme une nouvelle venue. Mais Mario Dumont a connu des montées de popularité spectaculaires. François Legault, lui aussi, avant d'annoncer officiellement la fondation de la CAQ, a pris la tête de quelques sondages.
Comment expliquer ces fragiles poussées? Elles tiennent sans doute au degré permanent d'insatisfaction des citoyens à l'égard de leurs gouvernements. Dans leur recherche inconsciente du politicien idéal, les électeurs sont séduits par la différence. Et ils seront d'autant plus séduits qu'ils ne connaissent pas le politicien sur lequel ils jettent temporairement leur dévolu, celui dont l'image n'a pas encore été ternie par le test de la réalité et sur qui chacun peut projeter ses propres attentes.
C'est certainement ce qui se produit encore une fois avec Pierre Karl Péladeau. Saura-t-il faire mentir l'histoire et empêcher que la «balloune» ne crève? «Je pense que les gens vont gagner à me connaître», a-t-il lancé en commentant ce sondage. Ça risque d'être une arme à double tranchant. Il a ajouté: «C'est moi qui présente la démarche la plus claire et la plus structurée pour l'indépendance.» C'est vrai. Mais est-ce un atout? Plutôt un boomerang.
À peine 33% voteraient Oui à un référendum sur la souveraineté, et à peine 12% des répondants veulent un référendum dans un premier mandat d'un éventuel gouvernement péquiste. Dans un tel contexte, la clarté est un véritable piège à ours.
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