Dans une [libre opinion publiée dans Le Devoir du 30 mars, l'historien Éric Bédard->36555], ex-conseiller de François Legault, nous explique pourquoi il ne votera pas pour le Bloc le 2 mai prochain. Je trouve sa position difficilement justifiable de la part d'un souverainiste au moment où le chef de ce parti ne cache pas son orientation indépendantiste et au moment où l'unité des indépendantistes est plus nécessaire que jamais.
Mais cela m'apparaît encore plus inexplicable au moment où un gouvernement Harper, s'il est élu majoritaire, se prépare à mener une attaque sans précédent non seulement contre le mouvement syndical, mais contre l'ensemble des travailleurs québécois, et contre les groupes les plus pauvres et négligés de notre société, et contre les aspirations nationales du Québec. On a eu la preuve qu'il n'y avait rien à attendre de ce parti. Et cela est d'autant plus surprenant quand on sait qu'une victoire éclatante du Bloc pourrait témoigner, face aux défaitistes et aux résignés de tout acabit, et face à nos adversaires qui tentent par tous les moyens de nous déstabiliser, que l'espoir d'un pays est toujours présent en créant un mouvement d'unité susceptible de relancer notre projet de pays.
Lecture différente
L'éventualité d'un gouvernement conservateur majoritaire à Ottawa ne semble pas constituer pour cet universitaire conservateur une menace. Nous ne faisons pas la même lecture des événements récents du Wisconsin. On peut comprendre de la part d'un souverainiste qu'il ne veuille pas appuyer une formation fédéraliste centralisatrice à Ottawa comme le NPD ou le PLC. Mais de là à s'abstenir de voter pour le Bloc, clairement indépendantiste, par crainte qu'une coalition hypothétique avec les deux partis fédéralistes de l'opposition puisse contribuer à ralentir la «révolution conservatrice» de Harper, voilà qui dénote une perspective étroitement conservatrice et à courte vue. Car qu'aurait à gagner le mouvement indépendantiste d'un écrasement du mouvement syndical?
Aux yeux de Bédard, le chef du Bloc serait trop progressiste. Il reproche à son état-major de s'être trop rapproché de la CSN. Une autre raison invoquée par notre historien: le Bloc aurait réclamé la juste part du Québec au chapitre de la culture, affirmant à tort que dans le partage actuel des pouvoirs dans la Constitution, la culture relèverait exclusivement des provinces. C'est vrai pour l'éducation, mais pas pour la culture. Les Québécois paient pour un ministère fédéral de «l'Immigration et du Multiculturalisme»! C'est d'ailleurs une raison fondamentale de plus pour réclamer notre sortie de cette union fédérale.
En attendant
Dans le régime actuel, faudrait-il demander au Bloc de ne pas réclamer notre juste part en ces domaines en attendant le jour où nous serons souverains? Le Bloc devrait-il se priver de toute alliance si nécessaire avec des formations fédéralistes dans l'opposition pour ne pas tenter de freiner les effets des conservateurs sous prétexte que «le national prime toutes les autres questions», selon son expression? Il semble bien que pour Bédard, c'est le conservatisme qui l'emporte sur toutes autres considérations. La perspective d'une coalition n'est pas pour moi une raison ou un prétexte de ne pas exprimer mon vote pour un parti engagé dans notre combat démocratique pour l'indépendance.
Et si je déplore, avec l'historien Bédard, le peu de place accordé à l'histoire politique dans l'enseignement universitaire au Québec, et le peu de cours d'histoire du Québec suivis par la vaste majorité des étudiants au cégep, et que je mène le combat dans la même coalition pour assurer la promotion de l'enseignement de l'histoire nationale au Québec, je ne veux pas laisser croire que toute histoire du Québec est nécessairement d'orientation ultraconservatrice.
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Robert Comeau - Historien
Bloc québécois
La primauté du conservatisme
L'éventualité d'un gouvernement conservateur majoritaire à Ottawa ne semble pas constituer pour cet universitaire conservateur une menace.
Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec
Robert Comeau14 articles
Professeur associé au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal
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