Le samedi 18 mars 2017, le monde entier a assisté au camouflet de Trump à Merkel : le président américain a ostensiblement ignoré la poignée de main proposée par Angela Merkel. Plus qu’un incident diplomatique, c’est le symbole d’une mésentente croissante entre l’Allemagne et tous ses alliés traditionnels : États-Unis, France, Turquie. En Europe, l’Allemagne est puissante, mais isolée.
Dès sa fondation, en 1949, la République fédérale d’Allemagne (RFA) a puisé sa légitimité démocratique et sa protection géopolitique auprès de l’occupant américain. Malgré l’antimilitarisme des Allemands, l’alliance américaine et l’OTAN étaient l’assurance vie de la RFA. Après la chute de l’URSS, l’Allemagne avait même pris parti en Irak (1990), au Kosovo (1998) et en Afghanistan (2001) aux côtés du modèle américain. Aujourd’hui, le gouvernement Trump achève de mettre à mal cette relation privilégiée fondamentale. Le découplage entre les deux pays a commencé depuis les années 2000. L’Allemagne avait refusé de participer à la Deuxième Guerre du Golfe (2003) et à celle de Libye (2011). L’attitude brutale du nouveau président américain lève le dernier voile : la chancelière est désormais seule sur la scène transatlantique.
L’Allemagne voit aujourd’hui ses alliés européens s’éloigner d’elle en raison même de son poids financier, économique et institutionnel.
Le couple franco-allemand est durablement démonétisé dans les deux pays. Par-delà les accolades avec Sarkozy puis Hollande, et malgré une coopération poussée dans la crise ukrainienne face à la Russie, la France a perdu son crédit auprès des élites allemandes en raison de son laxisme budgétaire. À Paris, on digère mal le cavalier seul de la chancelière négociant un accord avec Erdogan sur les réfugiés.
Bien sûr, l’Allemagne rallie ponctuellement les États membres attachés à la rigueur budgétaire (Pays-Bas, Suède, Portugal). Mais ses positions favorables aux demandeurs d’asile lui ont durablement aliéné les États du groupe de Visegrád (Pologne, Slovaquie, Hongrie, République tchèque). À l’est, dans son Hinterland historique, l’Allemagne est déconsidérée en raison de sa trop grande ouverture à l’islam, aux migrants et aux réfugiés.
Quant à l’Europe du Sud, elle a durablement conçu une rancoeur marquée contre l’Allemagne au moment de la crise de l’euro. Ainsi, les manifestations récurrentes sur la place Syntagma à Athènes rappelant l’occupation de la Grèce durant la Deuxième Guerre mondiale ont terni l’image du pays.
Les relations sont également au plus mal avec l’allié séculaire turc. Le 20 mars 2017, le président Erdogan a en effet taxé l’Allemagne de totalitarisme en raison de l’interdiction de la rencontre de son ministre des Affaires étrangères en Allemagne. C’est la fin des illusions allemandes quant au partenaire turc. Désormais, les autorités politiques allemandes sont lucides sur la dérive autoritaire du système Erdogan.
Aujourd’hui, l’Allemagne doit vivre avec l’accord conclu le 22 mars 2016 avec la Turquie pour fixer les migrants syriens en Turquie dans des hotspots. Elle a ainsi donné barre à la Turquie sur les affaires européennes.
Les trois défis du prochain chancelier allemand
Aujourd’hui, l’Allemagne est à la veille d’une série d’élections déterminantes, le 24 septembre 2017. Merkel résistera-t-elle à « l’effet Martin Schulz » et au populisme de l’« Alternative für Deutschland » ? Cette conjoncture intérieure laisse planer trois incertitudes sur la place de l’Allemagne sur la scène internationale.
L’Allemagne de 2017 saura-t-elle choisir son rôle sur le continent : veut-elle rester le « nain politique et le géant économique » de la guerre froide ? Ou veut-elle devenir un véritable pilier de la sécurité collective en Europe ? Le pays commence à s’en donner les moyens : le ministère des Affaires étrangères s’est réformé autour de la Review 2014. Et le livre blanc de 2016 a jugulé la spirale de démilitarisation du pays. Mais la réflexion reste inachevée pour porter le hardpower allemand à la hauteur de son poids économique.
L’Allemagne de 2017 pourra-t-elle réactiver des réseaux d’alliance dans l’Union européenne ? Après le Brexit, la France s’impose comme le seul partenaire réaliste, incontournable sur le plan militaire et sécuritaire, car lui seul en Europe maîtrise l’ensemble du spectre des opérations extérieures, y compris la cyberdéfense. Mais l’appétit allemand des candidats aux présidentielles françaises est limité. Et l’estime allemande pour la France est à reconstruire complètement.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé