Le paysage politique du Québec est triste. Une série de gestes du gouvernement Charest décourage les citoyens. Le niveau d'insatisfaction atteint des sommets historiques. Les relents de corruption dans la construction aggravés par le refus d'enquête publique minent la confiance dans l'État que nous avons vaillamment édifié depuis les années soixante. Si l'on dit "quand le bâtiment va, tout va", il faut assumer que s'il baigne dans la corruption, toute notre vie collective est affectée. Nombre d'autres bourdes gouvernementales minent notre estime collective.
L'une de ces fautes dont on ne parle pas assez nous a fait très mal. Jean Charest a détruit la structure municipale unifiée dont avait tant besoin l'île de Montréal. Jean Drapeau et tous ses successeurs ont dit depuis soixante ans qu'il fallait "une île, une ville". Un gouvernement courageux a enfin réalisé ce regroupement qui s'imposait pour des raisons de justice sociale, de rayonnement culturel, d'économie, d'environnement et autres.
Ce que le monde entier, le Canada compris, a fait en matière de fusion, Jean Charest l'a défait. De tout le mal que nous a infligé ce Premier ministre, cette déconstruction montréalaise est l'une des plus graves. Nous avons vu avec fierté, et même émotion, l'ancien maire de Côte-Saint-Luc, Robert Libman, siéger à l'exécutif à côté de Gérald Tremblay pour opérer une ville enfin fonctionnelle et fraternelle. Pour des raison faussement démocratiques, Jean Charest a fait croire aux citoyens que c'était à eux et non à l'État national, de définir leurs frontières municipales. Résultat: la grande ville a explosé suivant des fractures ethno-linguistiques à l'opposé du nécessaire idéal d'intégration, mais en servant les intérêts électoraux du Parti libéral qui recrute massivement chez les groupes défusionnistes. C'est infâme!
Le gouvernement Charest en a fait beaucoup d'autres pour saper notre moral collectif. Promettre à un groupe religieux de financer à cent pour cent ses écoles est la preuve d'un incivisme total. Bouleverser notre calendrier scolaire national pour des raisons également liées à la communauté juive, procède de la même mentalité.
Discuter de la nomination des juges comme à une foire d'empoigne, à l'encontre de l'esprit d'une judicieuse réforme du gouvernement Lévesque témoigne aussi d'un esprit démolisseur. Ce gouvernement a aussi profondément altéré les politiques qui nous ont permis de restructurer notre économie. Il commence à s'amender, mais d'irréparables ravages ont été commis.
Tous ces événements désolants s'inscrivent dans un contexte global qui déjà affectait de façon alarmante notre solidarité nationale. En effet, cette ambiance démoralisante est aussi reliée à la non résolution de notre destin national à la suite du référendum de 1995. Le fait que la situation actuelle semble donner raison à Trudeau, personnage sans beaucoup d'estime au Québec (20%) contre la vision du plus grand de nos hommes politiques, René Lévesque (50%), n'est pas sans affecter notre moral collectif.
Pendant que Lévesque martelait "On est capable!", Trudeau écrivait: "Comment l'indépendance pourrait-elle donner du génie à un peuple qui n'en a aucun?". Pendant que Lévesque procédait à la nationalisation de l'électricité, Trudeau militait pour l'en empêcher. Il est ironique de penser que c'est ce geste historique qui a le mieux démontré que nous avions tout le génie d'une nation capable. Pouvait-on plus mal nommer, après cela, notre aéroport international?
Lévesque voulait que notre nation soit indépendante comme le sont les quelques deux cents autres qui siègent aux Nations-Unies. Trudeau nous voulait provinciaux comme l'Ile du Prince-Édouard et la Saskatchewan. Il voulait dissoudre notre identité nationale dans l'unité canadienne à l'aide d'une constitution imposant le bilinguisme et le multiculturalisme. Cela crée d'ailleurs une entrave majeure à l'intégration nécessaire et fraternelle des immigrants qui invoquent le trudeauisme pour s'assimiler massivement à la culture anglophone.
L'atmosphère serait à tous égards différente si nous ne nous étions pas fait "voler" par l'immoralité fédérale, le référendum de 95 où, malgré tout, cinquante pour cent d'entre nous avons dit "oui". En plus, soixante pour cent des francophones ont choisi la liberté avec des majorités dans le Shawinigan de Jean Chrétien et le Sherbrooke de Jean Charest. Des événements aussi graves laissent des traces négatives profondes dans les esprits et dans les coeurs, ce qui aggrave la morosité actuelle. Pour faire renaître l'espoir et le dynamisme collectif il faut relancer l'histoire dans la bonne direction: celle de l'indépendance.
Bernard Landry
L'opinion de Bernard Landry #62
La mélancolie nationale
Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé