Jean Charest entame la course à la chefferie du Parti conservateur en vantant sa longue feuille de route en politique fédérale et provinciale. Mais son parcours comprend aussi certaines prises de position et certains chapitres qu’il pourrait devoir expliquer. Coup d’oeil sur ces dossiers.
Contre la loi 21 Jusqu’au bout ?
Jean Charest se dit prêt à aller plus loin que les anciens chefs du Parti conservateur, de même que le premier ministre Justin Trudeau, dans le dossier de la Loi sur la laïcité de l’État. Lorsque cette dernière aboutira devant la Cour suprême — ce qui est inévitable, de l’avis de tous —, si M. Charest est élu chef conservateur, puis premier ministre, « son gouvernement s’exprimera », a fait valoir sa porte-parole Laurence Tôth. M. Charest, qui dit mieux comprendre que ses rivaux le fédéralisme canadien, affirme qu’il respecterait malgré tout les compétences du Québec.
Andrew Scheer et Erin O’Toole avaient assuré qu’ils n’interviendraient pas dans tout ce dossier. Justin Trudeau n’y a pas fermé la porte, mais n’est jamais allé jusqu’à garantir comme M. Charest que son gouvernement le ferait.
La loi 21 tiraille les conservateurs. Ceux du Québec la défendent, au motif qu’elle relève des champs de compétence de la province, tandis que de nombreux autres au Canada anglais la rejettent catégoriquement.
Le député et aspirant chef Pierre Poilievre annoncera la semaine prochaine qu’il suivrait la ligne de ses prédécesseurs et n’interviendrait jamais afin de respecter l’autonomie du Québec, a révélé au Devoir une source de son équipe.
Le maire de Brampton, Patrick Brown, qui sautera dans la course en fin de semaine, s’est en revanche farouchement opposé à la loi québécoise. Sa municipalité a même versé 100 000 $ pour soutenir la contestation judiciaire.
Jean Charest soutient être conséquent avec ses positions passées. Son gouvernement n’avait pas mis en œuvre les recommandations de la commission Bouchard-Taylor, notamment l’interdiction du port de symboles religieux pour certains représentants de l’État, parce qu’il avait reçu des avis légaux indiquant qu’elles pourraient contrevenir aux chartes des droits et libertés du Canada et du Québec.
Les conservateurs québécois qui appuient sa candidature aujourd’hui avaient cependant fait campagne, en 2019, en promettant de ne jamais contester la loi 21.
Marie Vastel
Les relents de Mâchurer
L’arrêt de l’enquête Mâchurer, de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), a ouvert la voie à la candidature de Jean Charest à la succession d’Erin O’Toole, mais l’aspirant chef aura vraisemblablement à s’expliquer sur les pratiques de financement qui avaient cours au Parti libéral du Québec (PLQ) durant la période où il en était le chef.
Alors que la perspective de son retour en politique fédérale se dessinait à peine, plusieurs de ses anciens adversaires, à Québec, ont dressé à la fin février un sombre portrait de ses trois mandats comme premier ministre.
Des représentants de la Coalition avenir Québec, du Parti québécois et de Québec solidaire ont tiré à boulets rouges sur son bilan éthique en rappelant les apparences de corruption qui ont entaché son gouvernement.
Quelques jours plus tard, l’UPAC a mis fin à un suspense de huit ans en annonçant la fin de Mâchurer, dont M. Charest était une des cibles, sans que des accusations soient portées.
L’aspirant chef conservateur poursuit d’ailleurs le gouvernement du Québec en raison des fuites dans les médias d’éléments de Mâchurer qui le concernent.
Dans une entrevue à TVA, M. Charest, qui réclame deux millions de dollars en dommages, selon Radio-Canada, a laissé entendre jeudi qu’il pourrait se contenter d’excuses.
Au cours des prochains mois, M. Charest s’expose cependant à devoir répondre des apparences de trafic d’influence créées par certaines activités de financement du PLQ.
Les médias de Québecor ont notamment révélé que le collecteur de fonds Marc Bibeau organisait à sa résidence des soirées privées réunissant des dirigeants de firmes de génie qui versaient de l’argent au PLQ ainsi que M. Charest et des ministres de son gouvernement, qui étaient soumis à l’exigence de récolter 100 000 $ de dons politiques chaque année.
M. Charest pourra également s’exprimer sur les allégations de pressions et de trafic d’influence formulées à l’UPAC par trois dirigeants de firmes de génie en faisant référence à M. Bibeau.
Alexandre Robillard
Au front pour Énergie Est
Au moment où TransCanada (devenue aujourd’hui TC Énergie) pilotait le controversé projet de pipeline Énergie Est, en 2014, Jean Charest a accepté un mandat de consultant pour la pétrolière albertaine.
En janvier 2015, les commissaires de l’Office national de l’énergie (ONE) qui dirigeaient l’examen fédéral du projet ont d’ailleurs rencontré personnellement M. Charest dans les bureaux de McCarthy Tétrault, à Montréal. Or, les membres de l’ONE n’avaient pas le droit de discuter d’un projet à l’étude en dehors des audiences.
Puis, en janvier 2016, Jean Charest a eu une conversation téléphonique avec un proche conseiller de Justin Trudeau. Il a alors été question du pipeline Énergie Est ; or, l’ancien premier ministre du Québec n’était pas inscrit au registre fédéral des lobbyistes. Il a finalement été blanchi par la commissaire fédérale au lobbying, après un examen du dossier. « M. Charest a été engagé par TransCanada pour agir à titre de conseiller. On ne lui a pas demandé de promouvoir le projet ni de faire du lobbying », avait par la suite fait valoir TransCanada.
Alexandre Shields