Le débat linguistique relatif à la place du français dans la société québécoise a pris beaucoup de relief ces dernières semaines. Après des mois d'obscurité et d'incertitude, nous avons assisté à un déferlement d'informations, nous avons appris que pour nous faire une opinion il faudrait dévorer quelques milliers de pages et de statistiques.
Les partis politiques, qu'ils soient de gouvernement ou d'opposition, ont émis des opinions «à chaud», dans l'empressement. Forcément, ces positions ont été calquées sur les lignes traditionnelles des partis. Or, s'il est une question qui fait consensus au Québec, c'est que ce dernier doit continuer à vivre en français, sans que nous nous privions pour autant des apports d'autres langues. Ce consensus dépasse les affiliations politiques.
Signataires de cette lettre, nous avons tous travaillé, à notre façon, à faire en sorte que le français soit non seulement la langue officielle mais, et surtout, la langue commune au Québec. Nous nous affligeons de constater qu'une question aussi centrale que le statut officiel de la langue française et son usage en tous lieux, publics et privés, soit filtrée par des gestes partisans, venant même des détenteurs du pouvoir, politique autant qu'administratif. Ceci nous amène à faire deux propositions susceptibles d'assainir la situation et de rasséréner l'opinion publique.
L'OQLF lié à l'Assemblée nationale
Première proposition: l'Office québécois de la langue française (OQLF) doit relever de l'Assemblée nationale. Il en est ainsi de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Ses membres sont nommés par l'Assemblée nationale et la Commission fait rapport à cette dernière. Il en est de même du vérificateur général et de la protectrice du citoyen. Dans tous ces cas, les nominations doivent être approuvées par un vote aux deux tiers des membres de l'Assemblée nationale.
Pourquoi ces organismes ont-ils ce statut particulier par rapport au pouvoir politique, donc par rapport au gouvernement? La réponse est simple: ces organismes incarnent des valeurs qu'on peut présumer comme étant consensuelles, car elles découlent de droits fondamentaux et transcendent donc les options partisanes. Nous croyons que c'est précisément le cas du statut de la langue française. Un tel mode de nomination consacre la légitimité de ces organismes et leur permet de profiter d'une distance de bon aloi à l'égard du pouvoir politique. En 1977, le législateur a donné à la loi 101 le nom de «Charte de la langue française» pour bien marquer sa solennité, et les premiers articles de la Charte sont rédigés à la manière de droits fondamentaux. C'est pourquoi nous demandons que les nominations de tous les membres de l'OQLF soient ratifiées par l'Assemblée nationale.
Un chien de garde
Deuxième proposition: une commission de protection de la langue française doit être remise sur pied. En 1993, la Commission de surveillance et des enquêtes, organisme alors chargé de veiller au respect des dispositions la loi 101, a été aboli et ses tâches confiées à l'Office de la langue française. En 1997, une Commission de protection de la langue française était mise sur pied avec un mandat similaire à celui de la Commission. Elle a été abolie en 2002.
Les acteurs gouvernementaux de cette saga malheureuse sont aujourd'hui assis de part et d'autre à l'Assemblée nationale. Nous demandons que soit remis sur pied un organisme chargé de voir au respect de la loi 101, et ce, pour deux raisons. D'abord pour des raisons d'ordre pratique et administratif. Dans un domaine d'activité aussi délicat, un même organisme ne peut jouer à la fois un rôle de promotion et de surveillance, à la fois un rôle de persuasion et d'enquête, et ce, tout particulièrement pour ce qui concerne les dispositions relatives aux milieux de travail.
Défense du français
Ensuite, nous savons tous que ces décisions d'abolir un des organismes clés de la loi 101 ont été une réponse directe au lobby d'une minorité du groupe anglophone, laquelle n'avait de cesse de pourfendre et de tourner en dérision l'organisme chargé d'enquêter en matière de respect de la langue française. Ces décisions ont été le symbole puissant de cette peur d'affirmer le caractère français du Québec qui, par malheur, nous atteint parfois. Cessons d'illustrer, de promouvoir et de défendre la langue française dans notre coin d'Amérique et elle sera de plus en plus menacée.
La loi 101 aura toujours des ennemis, il faut nous y faire. C'est d'ailleurs en raison de cet acharnement que les dispositions relatives à la fréquentation obligatoire de l'école française se trouvent à présent devant la Cour suprême. Les signataires demandent aux trois partis politiques présents à l'Assemblée nationale de s'entendre sur ces deux modifications relatives à l'application de la loi. Ce serait là rendre grâce à l'immense mobilisation populaire qui fut à l'origine de la loi 101. Ce serait aussi un signe du fait que nous sommes collectivement déterminés à défendre la langue française, comme en 1977.
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Guy Rocher, Fernand Daoust, Mona-Josée Gagnon et Joëlle Quérin, Respectivement corédacteur de la Charte de la langue française, syndicaliste, professeure et étudiante en sociologie à l'Université de Montréal
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