«Rien de sert de courir, il faut partir à point.» Le sifflet n'avait pas encore retenti qu'ils couraient déjà. Partis avant le signal, ils espéraient tous arriver premier.
Contrairement à une vraie course, on ne peut pas tout arrêter, les obliger à reprendre leurs places et à attendre le signal. Prêts pas prêts, ils sont tous partis le nez au vent, la queue entre les jambes.
Où vont-ils s'essoufflant de la sorte? Ils vont sillonner le Québec promettant le Pérou à des gens «fragiles aux promesses d'élections» comme le chantait Claude Gauthier. Ils vont se donner en spectacle, faire des colères sur commande, sourire pour rassurer, promettant mer et monde à des gens qui ne leur en demandaient pas tant. Ils vont surtout serrer des mains en faisant semblant de reconnaître tout ce monde qu'ils ne connaissent pas.
Ils vont prendre des enfants dans leurs bras. Ils vont faire des photos avec des vieux en riant pour les rassurer. Ils vont visiter des usines après s'être assurés qu'elles ne sont pas sur le point de fermer.
Ils vont prendre le lunch avec des travailleurs puis le soir venu, ils vont faire des discours devant des gens qui ont la bouche pleine. Ils vont passer des heures dans des autobus à faire des stratégies que le vent emporte et que le temps efface.
Ils ne parleront à personne. L'horaire est beaucoup trop chargé. Ils n'entendront rien. Ils ne verront personne. Souvent, ils ne sauront même pas où ils sont. Quelle importance, le village est si beau et ça fera de bonnes images pour le journal télévisé.
Ils sont déjà loin
Ils ont franchi le miroir. Ils sont passés de l'autre côté. 125 d'entre eux ne reviendront pas en arrière. Pour les autres, le réveil sera brutal. Ils seront rejetés une fois la course terminée, renvoyés chez les humains et privés de la fameuse récompense pour laquelle ils avaient tout sacrifié. Ils seront amers, convaincus que le peuple aura fait une erreur en ne retenant pas leurs services. Meurtris, ils devront s'appliquer à faire comme si rien ne s'était passé et ils affirmeront qu'ils n'y tenaient pas vraiment.
Ils regarderont les 125 élus en étant convaincus qu'ils auraient pu faire mieux.
De leur côté, les 125 auront commencé à comprendre que la vie de député est moins sexy que ce qu'ils avaient imaginé. Ils découvriront les journées chargées de leur agenda puis les problèmes de la population feront leur chemin jusqu'à eux alors qu'ils découvriront que leur pouvoir est bien petit face aux attentes qu'ils ont déclenchées.
Ils chercheront désespérément le moyen de se faire voir et de se faire entendre afin que leurs électeurs ne les oublient pas complètement car il ne faut jamais oublier que quand on est élu, l'objectif c'est d'être réélu la prochaine fois.
Sur la vague
Pour le moment, ils ont la bouche sèche, le regard un peu perdu et ils essaient de se convaincre qu'ils ont pris la bonne décision.
Ils sont déjà très «entourés». Ils ont des adjoints, des secrétaires, des responsables de l'image, plein de monde pour les protéger. Un malheur est si vite arrivé.
Tu t'enfarges et de star que tu étais hier, tu es devenu le loose canon qui fait peur à tout le monde dès qu'il ouvre la bouche.
Tu comprends vite qu'il n'est pas question de dire ce que tu penses sur quoi que ce soit. Tu fais maintenant de la politique. On ne rit plus.
Tu serres les fesses. Tu prends une grande respiration. Tu cours droit devant sans regarder derrière. Tu fonces dans le tas comme au football et si tu touches et que tu ne t'es pas trompé de chef, tu seras peut-être ministre.
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