La solvabilité américaine dépend du discrédit de l’euro, car seule une crise de confiance dans la monnaie unique européenne permettrait aux Etats-Unis d’écouler aisément leurs futures émissions de bons du Trésors.
Comme nous l’avons indiqué dans notre article, La fin du dollar, un krach du billet vert se prépare. Il est inévitable. La plus grande économie du monde n’est en effet plus qu’une vaste illusion et les Etats-Unis sont déjà, techniquement, en faillite.
Néanmoins, du discrédit de l’euro dépend directement le coût gigantesque des Etats-Unis. S’ils trouvent de nombreux acheteurs enthousiastes pour leurs bons du Trésors, le taux d’intérêt sur ces bons sera bas, en raison de la demande élevée sur la dette. C’est pourquoi la guerre de spéculation qui a commencé fin 2009 contre la dette européenne a fourni un marché inespéré à la dette américaine. La crise de l’euro a ainsi été l’alliée principale des Etats-Unis dont la solvabilité avait été sérieusement menacée en 2008, quand l’euro a touché le 1,60 dollar.
Début 2010, l’euro s’est retrouvé la cible d’attaque très directe. Celles-ci n’étaient plus seulement verbales, comme elles l’avaient été depuis son premier jour d’existence, mais spéculatives. La vulnérabilité des pays périphériques de la zone euro n’a pas échappé aux hedge funds anglo-saxons, dont certains acteurs clés ont décidé, lors d’un dîner organisé le 8 février 2010 à New-York, de parier de manière concertée sur la baisse de l’euro et la détérioration de la dette européenne. Il était admis qu’une fois la crise grecque déclenchée l’effet domino constituerait un coup gagnant, un véritable « strike » contre l’euro. Ces mêmes acteurs et d’autres menaient déjà ce pari depuis décembre 2009 ; mais après février 2010, la stratégie concertée a déplacé d’énormes volumes en obligeant les institutionnels et les investisseurs privés à suivre le mouvement. Les principaux facilitateurs de ces hedge funds étaient les banques d’affaires Goldman Sachs, Bank of America, Merrill Lynch et Barclays.
Les attaques spéculatives ont un effet de prophétie auto réalisatrice : en vendant massivement la dette grecque, les hedge funds ont provoqué par là même la montée en flèche des taux d’intérêt que paie Athènes pour se financer, précipitant la dégradation de sa qualité de crédit, puis la fuite massive des investisseurs, qui ne pouvait qu’entrainer le pays au bord du défaut. A peine la Grèce avait-elle obtenu une aide de 110 milliards d’euros durant le week-end des 1er et 2 mai, qu’une vague de spéculation s’abattait sur les pays périphériques dès le 3 mai. Irlande, Espagne, Portugal, chaque semaine apporta son lot « d’alerte au défaut », insufflant une nouvelle panique sur les marchés.
Ces stratégies ont faussé les valorisations relatives des obligations souveraines internationales : ainsi la crise européenne a-t-elle entraîné une véritable ruée sur les bons du Trésor américain, considérés comme une « valeur refuge ». Les attaques spéculatives contre la dette souveraine des pays de la zone euro vont donc se poursuivre, et même s’intensifier ces prochains mois, puisque l’économie américaine est maintenant moribonde. La vraie question est de savoir quelle forme peut prendre cette guerre du dollar contre l’euro, ou plus exactement jusqu’où les Etats-Unis sont capables d’aller dans leurs manœuvres de déstabilisation.
Loïc Devaussac, pour Mecanopolis
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