La GRC a espionné deux journalistes

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Entraves inacceptables à l'exercice de la profession de journaliste

Un pouvoir en a surveillé un autre et se fait maintenant sermonner par un troisième.

La confirmation apportée mercredi par CBC que la Gendarmerie royale du Canada a espionné deux journalistes en 2007 a fait réagir le premier ministre Justin Trudeau en Chambre. Il a dit trouver cette surveillance « inacceptable ».

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a ajouté que cette surveillance a été menée sans l’autorisation du quartier général et que les agents responsables ont été « réprimandés ». Il a cependant été impossible d’obtenir de la police des détails sur la nature des réprimandes.

Les réactions au reportage ont cependant permis d’apprendre que le grand patron de la GRC, Bob Paulson, a présenté en personne ses excuses, l’an dernier, à un des deux reporters pistés.

La présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec souligne qu’une tendance se dessine. La GRC tente depuis des mois d’obtenir la correspondance entre le journaliste Ben Makuch, du site d’actualité Vice News,et un présumé terroriste. La cour de justice de l’Ontario a donné raison à la police. Le média a fait appel devant la Cour supérieure.

« Cette tendance à percevoir le matériel journalistique comme une espèce de buffet dans lequel on peut piger existe, commente Lise Millette, présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. C’est hautement préoccupant. Il faut réaffirmer la nécessité d’une distinction entre les différents pouvoirs, l’exécutif, le législatif, le judiciaire et le 4e pouvoir de la presse, qui ne doit pas devenir une filiale des trois autres. »

Un «scoop»

CBC a confirmé en matinée que des membres de la GRC ont pris en filature Joël-Denis Bellavance et Gilles Toupin, du journal montréalais La Presse, pendant neuf jours, en août 2007. La révélation se trouve dans une note de breffage à l’intention du ministre de la Sécurité publique obtenue par le diffuseur public.

Les deux reporters avaient signé un scoop présentant le contenu d’une analyse du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRC) faisant état d’une conversation impliquant Adil Charkaoui et d’un plan pour détourner un avion. Le duo avait ensuite refusé de divulguer l’identité de leur source confidentielle.

La filature découle d’une plainte faite à la GRC de la part du SCRC en juillet 2007. La surveillance a débuté le 24 août 2007, sans directive de la direction. Neuf jours plus tard, l’équipe de pisteurs demandait en vain une autorisation de procéder.

Les noms des deux journalistes sous filature sont biffés de la note obtenue par CBC. Le lien paraît d’autant plus évident qu’en novembre dernier des médias rapportaient que la GRC avait songé à surveiller les deux reporters.

« Ce n’est pas une nouvelle pour moi », dit au Devoir Joël-Denis Bellavance, du bureau de La Presse de la colline parlementaire à Ottawa. Il explique avoir rencontré le commissaire Bob Paulson après la publication de l’arrêt de la Cour fédérale qui autorisait en novembre la divulgation des documents d’enquête de la police. « Il m’a expliqué que j’avais bel et bien été sous filature en 2007 et il s’est excusé formellement en disant qu’il s’était opposé à l’opération. Sauf que les documents de la CBC m’apprennent que M. Paulson lui-même a ensuite autorisé une nouvelle opération. »

L’opération baptisée Standard s’est poursuivie pendant des années. Au moins une autre demande pour espionner un autre journaliste canadien aurait été rejetée par la hiérarchie de la gendarmerie en 2008.

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