Vivre en démocratie, c’est laisser aller le pouvoir au profit de la grandeur. Quiconque maintient que l’éducation s’achète et se monnaye n’a rien compris à la connaissance. C’est le lot de la grande majorité d’entre nous. Dans le hiatus violent qui oppose le partage du savoir – ce qui le rend précieux et beau – à son asphyxie se trouve la graine de la bestialité. Ceux qui nous dirigent ne possèdent justement pas cette grandeur de la connaissance qui consiste à offrir ce que l’on a reçu – et non sous forme de potlatch – après en avoir joui. Apprendre est un geste humain. Et si on marchandise le savoir, on asservit la pensée.
Prétendre que la gratuité n’existe pas, c’est méconnaître la formidable bonté de la nature. Et d’ailleurs, qui peut prétendre connaître la gratuité, sauf les experts qui en sont totalement dépourvus.
On confond souvent gratuité marchande et précarité humaine. Dire que rien n’est gratuit, c’est borner sa pensée et abdiquer sa propre grandeur. Dire que la gratuité n’existe pas, c’est insinuer que la démocratie n’existe pas. Tous les concepts – les universaux – inventés par l’homme existent. Mais comment les mesurer, là est la difficulté…
L’altruisme existe-t-il? Rien n’est moins sûr. Mais il y a des gestes altruistes.
Aujourd’hui, on sait qu’apprendre est important. Mais, apprendre fut, de tout temps, important! Avec Internet, aujourd’hui, on peut apprendre tant de choses! Mais encore faut-il s’y retrouver.
On peut tout apprendre – actuellement – sur Internet. Mais quand on veut démontrer son savoir – pour le donner, non pour le vendre –, on nous sert toujours la même salade, quels sont vos diplômes? Voilà pourquoi il est si important d’acheter son savoir! Et de le payer cher!
Ma thèse est la suivante : dans le champ des savoirs, l’être neuf est à la fois démuni et spontané. Personne ne peut – dès sa naissance – se lever et marcher. L’être humain est sans contredit l’être vivant le plus lent au niveau de son autonomie mais le plus rapide au niveau de sa capacité d’apprendre et… de créer!
J’aimerais montrer que le petit de l’homme peut tout – si on lui en donne les moyens. La marchandisation du savoir et des êtres est en marche. On ne reviendra pas là-dessus. Alors, pourquoi voter? Pourquoi accorder la moindre importance à un processus de pure propagande? Pourquoi cautionner – la caution, acte suprême qui garantit la moralité, par le garant, du sujet – un système dans lequel la majorité s’étiole et meurt?
On aimerait tous, un jour, pouvoir se payer ce que l’on désire (En ce qui me concerne, je désirerai toujours ce que l’autre désirera, qu’il l’obtienne enfin et que j’en sois délivré). Mais de se payer un rêve, n’est-ce pas justement ce qui enlève toute beauté au rêve? Ce dont on rêve, si on nous l’offre, gratuitement, alors qu’on ne l’attendait plus, n’est-ce pas ça, la gratuité?
Dans le cas de la grève étudiante, le constat est clair. On sacrifie une génération – et, il ne faut pas s’y tromper, le conflit actuel des générations est une guerre de plus en plus ouverte et elle s’intensifiera, n’en doutez pas! – pour préserver un « ordre » établi. Pensez-vous sincèrement que ceux qui dirigent et profitent des richesses – et c’est là que la pauvreté entre en jeu, car même riches et nantis, terrés dans des forteresses privées, truffées de livres et de connaissances, gavés de vérités qu’ils ne comprendront jamais, les puissants seront toujours indigents car ils ne grandiront jamais de cette connaissance – de ce monde s’arrêteront d’eux-mêmes?
Pour ce faire, il leur faudrait de la grandeur, ce dont ils seront constamment et totalement dépourvus. Car la grandeur ne s’acquiert que dans la souffrance. C’est la raison pour laquelle les grands de ce monde sont petits. Le Christ n’a-t-il pas dit : « Les derniers seront les premiers ».
Maintenant, qu’en est-il du processus électoral? René Lévesque avait brisé le monopole des caisses électorales. Les Conservateurs nous y ramènent. Dans l’économie moderne, la pensée est morte et la bestialité ronronne. Mais le Peuple gronde. Aveugle parfois, ignare souvent, il n’en est pas moins souffrant. Et seule la souffrance fait grandir. C’est la raison pour laquelle le gouvernement actuel ne pliera pas. Tel le chêne qui, lorsque la tempête sera à son paroxysme, trop fort pour être abattu, s’effondrera, on assistera un jour à un moment d’histoire – le 22 mars 2012 en était un, et les pharisiens modernes seront un jour emportés par la vague du temps – que seuls ceux qui se seront battus sans calculs goûteront. Ces étudiants qui vivent leur vingt ans! Je les trouve admirablement beaux, neufs! Je les appuierai sans détours ni calculs, parce qu’ils font vivre de nouveau en moi cette part d’humanité que j’ai cachée depuis tant d’années, qui n’a jamais cessé de vivre et qui aujourd’hui renaît. Ces étudiants qui sentent le savoir et la connaissance et qui en connaissent le prix inestimable, je les remercie et les supporte entièrement…
Je suis totalement opposé à la hausse des frais de scolarité parce que ce savoir – y compris celui qui me traverse, qui me fonde mais qui ne m’appartient pas – que j’ai eu la chance de vivre est universel.
Le monde marchand n’est pas généreux. Il est petit. À nous de supporter entièrement les étudiants, notre humanité de demain…
« La liberté commence par le respect des droits d'autrui »...
Le Premier cercle, Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne
André Meloche
Avant de pouvoir voter, il faut savoir penser.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
30 mars 2012@Sylvain Racine
Votre texte rageur démontre tout ce qu’il y a de mesquin dans ces conflits de générations qu’entretiennent les médias depuis des décennies. Ainsi vous croyez que tous les boomers sont des pleins de fric, égoïstement confortable et indifférent. Il y en a un bon nombre, c’est vrai. Mais pas tous. Il y en a beaucoup qui en ont arraché pas mal plus que ce que la plus part d’entre vous ont jamais vécu ou vivront. Pour ma part, je sais que je ne pourrai pas prendre ma retraite à 65 ans, ni a 66, ni a 67… Mais j’en connais qu’ils l’ont pris avant 60 ans. Ils ont travaillé pour cela, pour un bon nombre certainement. Les conventions collectives et la sécurité d’emploi ont très certainement donné un coup de pouce à plusieurs, même à ceux qui aimaient bien se trainer les pieds. Ce que d’autre leur envie très certainement, et que vous leur enviez manifestement. Ce qui n’empêche que nombre de travailleurs ont, crise après crise, tout perdu ou presque.
Les boomers ont tout de même contribué par leur travail au bien-être de la collectivité. Même s’ils n’ont pas toujours fait les bons choix, ou élu trop souvent des gens qui leur donnaient des bonbons afin d’avoir ou ne pas perdre leur vote. Notez qu’ils n’étaient jamais seul à le faire. Et puis il y eu les trente glorieuses (disons 1950-1980) qui ont fait miroiter un enrichissement sans limite… qui s’est dégonflé progressivement depuis une trentaine d’années. Certains se remplissent les poches alors que d’autre s’appauvrissent de plus en plus. La classe moyenne qui est au cœur du processus démocratique, est en train de s’étioler.
Vos commentaires m’attristent beaucoup, car ils tendent à démontrer que depuis la 2e guerre mondiale, chaque génération est plus égoïste que la précédente!
Quant au texte d’André Meloche, il me semble quelque peu confus et idéaliste, voir irrationnel. Il y a là plein de ces bons sentiments qui ont justifiés la multiplication indéfinie des programmes gouvernementaux (dont le gel des frais de scolarité, en l’occurrence) qui ont servis à acheter ces votes que je mentionnais précédemment, et à endetter les générations futures, comme on dit aujourd’hui. «Vivre en démocratie, c’est laisser aller le pouvoir au profit de la grandeur.» Pardon? De quoi est-il question?
Je préfère encore Voltaire à Jean-Jacques Rousseau. Lui au moins était lucide.
Tour cela est un peu caricatural. Mais n’est-ce pas là où en est rendu le débat sur la place publique?
Archives de Vigile Répondre
30 mars 2012Les babyboobmers pourront prendre leur retraite à 65 ans, mais pas les autres qui suivront. Pendant ce temps là, les frais de scolarité augmentent de 75%.
Ça va péter mes amis. Les babyboomers seraient mieux de se lever le cul et d'aller dans la rue avec les étudiants, car si jamais cette hausse passe, les babyboomers auront beau prendre leur retraite à 65 ans, les plus jeunes eux sont libres de quitter le Québec et de trouver mieux. Les professionnels qui devront se payer des études beaucoup plus cher n'hésiteront pas à quitter le Québec. C'est déjà commencé. Peut-on nous en vouloir, avec cet héritage d'un Québec toujours province, inféodé, qui s'anglicise? Et là, vous voulez leur mettre une augmentation des droits de scolarité et vous sauver avec une belle retraite?
Il faudrait se rendre compte que rendu en 2017, si la hausse de 75% a lieu, les jeunes iront étudier dans les provinces anglophones, et ne reviendront plus. Ils iront étudier en Europe.
Non, la loi du nombre des babyboomers n'aura pas le dessus des jeunes. Regardez-les bien en ce moment dans les rues. Moi, être un boomers, je préfèrerais être aussi dans la rue avec eux, parce que eux, s'ils n'ont pas votre soutient réel, ils ne vous le pardonneront pas, et la génération qui va suivre en aura vraiment, mais vraiment rien à foutre des boomers. Tellement, elle ne saura même pas que vous aurez existés. Pourquoi elle le saurait, alors que le Québec aura l'air de ce qu'il était en 1960.