La Gayanashagova :

Première constitution démocratique de l’histoire de l’humanité

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Chronique de Marie-Hélène Morot-Sir

Les Cinq Nations Odinossonis/Haudinossonee* (appelées Iroquoises par les Français) sont liées entre elles par la Gayanashagova,  la grande loi qui lie, la grande loi de l’unité.


Cette constitution orale a été fondée au 12ème siècle par leur prophète Deganawida appelé le grand pacificateur et son disciple Hiawatha.  Prêchant une Paix générale, ils rassemblèrent dans ce but tous les chefs des tribus à un Congrès chez les Onontagués/Onnaontagués durant lequel ces lois furent établies afin de mettre un terme définitif à leurs discordes sans fin, et surtout à leurs trop nombreuses guerres. La ceinture même de Hiawatha* a servi de modèle au drapeau de l’alliance iroquoise, cette première constitution démocratique de l’histoire de l’humanité.


Elle a instauré l’égalité à toute la société, ce qui lui permit d’agir en totale communauté, tel une sorte de collectivisme, de se diriger et de décider sans Etat, sans gouvernement, sans forces de l’ordre ni prison, sans roi ni commandant, uniquement avec des chefs qui rassemblent, et ne décident pas davantage que tous les autres membres de la communauté. Ces chefs n’exercent pas de pouvoir ils rapportent seulement les décisions populaires émises et souhaitées. Il est cependant nécessaire, pour pouvoir être reconnu comme tel et devenir chef, d’avoir des qualités et des compétences importantes, afin d’être capable de négocier tous les problèmes qui peuvent se poser, et bien entendu savoir les présenter aux autres tribus … Il n’y a pas dans leur société de pauvres ni de nécessiteux, tous s’occupent des personnes âgées, des handicapés, des mourants… Quant aux querelles elles sont tranchées et solutionnées par la communauté tout entière.  Une telle organisation peut alors se passer réellement d’un Etat, évitant  par-là, à une minorité non seulement de prendre le pouvoir sur tous les autres, mais ensuite de  l’exercer à travers une hiérarchie aristocratique, c’est-à-dire dirigeante ! La Gayanashagova détermina ainsi  une organisation sociale la plus proche du besoin de chacune des tribus. Elle comprend 117 articles définissant méticuleusement  les fonctions précises  des cinquante chefs  siégeant au Conseil  des Cinq Nations ainsi que ceux qui seront à la tête de chacune des tribus.


La Gayanashagowa codifie les fonctions du Grand Conseil des Iroquois et indique comment les cinq, puis plus tard les six nations iroquoises lorsque les Tuscaroras chassés de Caroline par les Anglais les auront rejoints, vers 1720,  peuvent résoudre leurs différends, équilibrer leurs échanges et parvenir à coexister pacifiquement.


Ces lois se sont transmises, depuis le 12ème siècle selon la tradition orale, elles sont toujours conservées par la Nation Onontagué/Onaontagué/Onondaga


Aujourd’hui encore, la Confédération Haudenosaunee/Iroquoise se considère comme une nation souveraine, sur son territoire de Grand River, en Ontario, au Canada. Depuis 1977, ils disposent de leur propre passeport, reconnu internationalement à l’ONU.


Cette Confédération iroquoise fut l'entité politique la plus puissante en Amérique du Nord pendant deux siècles avant Christophe Colomb, et pendant les deux siècles après. Son fonctionnement avait été décrit en détail dès 1702 par un Français Louis Armand Delom d’Arce    puis lors de la cession à l’Angleterre elle sera rédigée en anglais en 1720.


Benjamin Franklin s’était intéressé aux sociétés amérindiennes et plus particulièrement aux Odinossonis. En effet une des tribus de ces cinq Nations, la tribu des Kanienkeha-ka, prononcés phonétiquement Annierronnons et enfin Agniers par les Français, ( ils seront appelés plus tard Mohawks- mangeurs de chair humaine - par les Anglais) étaient proches voisins des colonies anglaises de Nouvelle Angleterre. De même Cadwallader Colden avait  publié en 1727 la première étude systématique sur la société iroquoise : « History of the Five Indian Nations Depending on the Province of New York in America ». Dans cet ouvrage, Colden y affirme qu'en matière d'organisation politique et sociale, les Iroquois "ont surpassé les Romains ".  Plus tard en 1744 Benjamin Franklin, publiera en tant qu’imprimeur, un traité que les colonies de Pennsylvanie, de Virginie et de Maryland signeront à Lancaster avec les chefs de la Confédération Odinossonis, non plus des Cinq mais  des Six Nations ou Cantons, puisque, en effet à cette date les Tuscaroras les avaient alors rejoints.


En 1751, faisant référence à la Gayanashagova iroquoise, Benjamin Franklin, alors  qu’il  avait un très grand respect pour les Iroquois,   avait utilisé des arguments xénophobes percutants, dans le seul but de marquer les esprits, et de faire honte aux colons anglais afin de les encourager à accepter une union : « Il serait tout de même étrange (…) que six nations de « sauvages incultes » soient capables de former une union et de la maintenir au cours des âges, de manière apparemment indissoluble, et qu’une dizaine ou une douzaine de nos colonies anglaises soient incapables de former une telle union, qui leur est pourtant encore plus nécessaire et qui présente pour elles certainement plus d’avantages. »  Benjamin Franklin, homme politique humaniste, avait commencé en tant que représentant de la Pennsylvanie lors de la négociation de traités avec les Iroquois et leurs alliés, alors qu’il apparaissait déjà comme l’avocat infatigable de l’union des colonies. Thomas Paine avait résumé les observations de la civilisation indienne, en première page de son pamphlet « Le Sens commun » : « …l’existence d’un gouvernement, comme le fait de devoir porter des vêtements, manifeste une perte d’innocence. »


Lorsqu’en 1776 Thomas Jefferson aidé de Benjamin Franklin et de John Adams réfléchissent pour établir et rédiger la Déclaration d’Indépendance, la Gayanashagova Odinossonis/Iroquoise va également guider leur plume. Jefferson déclarera l’année suivante : « Nous sommes tout à fait convaincus en regardant vivre ces sociétés amérindiennes sans aucun  gouvernement, qu’elles vivent dans un bien être supérieur à nos sociétés européennes. » Ainsi en 1787 les pères de la Constitution américaine  s’en inspireront pour fonder leur jeune et nouveau pays,  ces nouveaux états unis d’Amérique, même s’ils en laisseront néanmoins... beaucoup de côté ! Cela ne s’arrêta pas là,  à travers les travaux de Lewis Henry Morgan, Marx et Engels en prendront connaissance, ils se passionneront pour une société « où tous sont égaux, y compris les femmes ». C’est pourquoi ils se serviront du modèle Odinossonis/Iroquois, dans lequel ils puiseront eux aussi, afin d'établir leurs propres théories de l’évolution sociale.  Engels citera d’ailleurs Morgan : « Sans jamais voir inscrits ni formulés les mots de Liberté, Egalité, Fraternité c’est pourtant autour de cela que tournent tous les principes fondamentaux des Cinq Nations, c’est la base même de cette société Odinossonis amérindienne, expliquant sans doute son esprit indomptable,  son extrême dignité et son indépendance absolue. »


C’est de cette façon que cette incroyable Gayanashagova ignorée depuis tant de siècles, est arrivée à la connaissance du reste du monde. Quelques articles  significatifs  parmi les 117 que contient la Gayanashogova :


*Article 9 : Les différentes affaires des Cinq Nations seront examinées par les deux  premiers chefs de la confédération, à savoir les chefs Agniers à l’Est du feu, peuple du silex, gardiens de la porte orientale, et  les Tsonnontouans à l’Ouest du feu, gardiens de la porte occidentale, ensuite elles seront votées par les chefs Onneiouts, peuple de la pierre debout et  Goyogouins peuple des marais, les plus jeunes « frères » et enfin  soumises aux chefs Onnaontagués,  les gardiens du feu,  représentant le cœur de la Nation Odinossonis pour l’arbitrage définitif. C’est parce que cette tribu  Onontagué/Onaontagué est le cœur de la Nation Odinossonis  que l’arbre de paix a été planté sur son territoire.


* Article 11 : cet article prévoit qu’en cas de désaccord après l’arbitrage, si les deux parties revotent pour une décision différente, ils l’emporteront car les chefs Onnaontagués devront l’entériner définitivement.


*Article 42  institue que la Nation Odinossonis devait être divisée en clans ou tribus.


*L’Article 43 : les membres d’une tribu reconnaissent pour leurs parents tous les membres de cette tribu ou clan, quelle que soit leur nationalité.  Les hommes et les femmes d‘un même clan ne pourront jamais s’unir ;


Les Odinossonis forment une société matriarcale, matrilinéaire,  comme le souligne l’article 44 de la constitution iroquoise : « La descendance se fait par le lien maternel. Les femmes sont la source de la Nation, elles possèdent le pays et sa terre. Les hommes et les femmes sont d’un rang inférieur à celui des mères ».


*L’article 80 : Lorsque le Conseil des Cinq nations propose une paix à une nation étrangère, si cette nation refuse, les Cinq nations entreront en guerre contre elle… Ce sera par la conquête de cette nation  rebelle, qu’ils obtiendront la paix recherchée.


 


* Ces Cinq Nations Odinossonis/Haudinossonee c'est-à-dire « peuple des longues  maisons"  étaient plus connues sous le nom d’Iroquois utilisé par les Français. Ils comprenaient cinq nations ou tribus : la nation Agnier, la nation Onneiout, la nation Onontagué/Onnaontagué la nation Goyogouin et  la nation Tsonnontouan jusqu’à ce qu’en 1720 les rejoigne la tribu des  Tuscaroras lorsque ces derniers seront  chassés  de leurs territoires de Caroline par les Anglais et cela deviendra alors les Six Nations.


*La ceinture de Hiawatha, aujourd’hui  dans la Bibliothèque du Congrès de Washington.


Le premier carré à gauche représente la nation Agnier et son territoire;


le deuxième placé à gauche avant le cœur, représente la nation Onneiouts et son territoire;


le cœur blanc au milieu représente la nation Onontagué/Onnaontagué et son territoire car  cette nation, est le cœur des cinq autres nations, unique dans sa loyauté envers la Grande Paix, la Grande Paix est logé au cœur, le feu du conseil brûle là pour les cinq nations, signifiant que l'autorité est donnée pour faire avancer la cause de la paix par lequel les nations hostiles en dehors de la Confédération devront cesser la guerre;


Le carré blanc à droite du cœur représente la nation Goyogouin et son territoire


Le quatrième et dernier carré blanc représente la nation Tsonnontouan et son territoire.

Le blanc veut symboliser qu’aucune pensée maléfique ou de jalousie ne viendra s’immiscer dans l’esprit des chefs lorsqu’ils sont réunis en conseil sous les auspices de la Grande Paix. Le blanc, emblème de la paix, de l’amour, de la compassion et de l’équité, entoure protège et  garde les Cinq Nations.


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Marie-Hélène Morot-Sir151 articles

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Auteur de livres historiques : 1608-2008 Quatre cents hivers, autant d’étés ; Le lys, la rose et la feuille d’érable ; Au cœur de la Nouvelle France - tome I - De Champlain à la grand paix de Montréal ; Au cœur de la Nouvelle France - tome II - Des bords du Saint Laurent au golfe du Mexique ; Au cœur de la Nouvelle France - tome III - Les Amérindiens, ce peuple libre autrefois, qu'est-il devenu? ; Le Canada de A à Z au temps de la Nouvelle France ; De lettres en lettres, année 1912 ; De lettres en lettres, année 1925 ; Un vent étranger souffla sur le Nistakinan août 2018. "Les Femmes à l'ombre del'Histoire" janvier 2020   lien vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=evnVbdtlyYA

 

 

 





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1 commentaire

  • Le Gaïagénaire Répondre

    29 janvier 2018

    MERCI


    Le Gaiagénaire