«Le PQ a remonté dans les sondages parce que le débat sur la langue a repris de la vigueur.» Cette remarque, ce n'est pas un militant frustré du Parti libéral du Québec qui l'a faite, mais un péquiste que l'on peut qualifier de dur, Mario Beaulieu, dans une entrevue à La Presse.
Il a été président de la région Montréal-Centre du PQ, le bastion du radicalisme, il est premier vice-président de l'intégriste Société Saint-Jean Baptiste, il est le porte-parole du Mouvement Montréal français, les troupes de choc de l'anglophobie.
Il est agréable de voir confirmer par un militant dévoué à la cause la nature de la dynamique que nous vivons depuis quelques mois, une pseudo-crise qui sert des intérêts d'abord politiques. Le PQ a connu de gros problèmes, essentiellement parce que l'ADQ a réussi à lui ravir une partie de son électorat nationaliste, souvent conservateur. Le parti, sous la direction de Pauline Marois, a répliqué en ramenant à l'avant-scène le débat linguistique, avec un projet de citoyenneté très lié à la langue et en jouant la carte de l'alarmisme. Et ça a été payant.
À un tel point que les libéraux, dans un engrenage que l'on connaît bien, en troisième position dans l'électorat francophone, ne peuvent pas rester silencieux et doivent, eux aussi, faire un petit quelque chose, comme le propose un groupe de réflexion du parti qui souhaite plus de rigueur dans l'application de la Charte.
Et tout ce temps-là, il n'y a pas de crise. Il y a un phénomène observable, le fait que la proportion des francophones sur l'île de Montréal a baissé légèrement, pour être maintenant inférieur à 50%, ce qu'on a appelé un recul. Cette baisse résulte d'un phénomène mathématique prévisible, et qui n'est pas terminé. Parce qu'il y a plus d'immigrants, par définition, il y aura en proportion moins de francophones et d'anglophones.
Le véritable débat, c'est de savoir si cela affaiblit le français. Au Québec, pour des raisons évidentes, les progrès et les reculs du français se définissent par rapport à la langue qui le menace. Ce n'est ni le vietnamien, ni le créole, mais bien l'anglais. Et il n'y a pas de signe d'un affaiblissement du français par rapport à l'anglais. À cela s'ajoutent d'autres incidents, comme les commerces du centre-ville qui servent mal en français, qu'il faut ranger dans la catégorie des irritants.
Mme Marois a contribué à transformer ces irritants en crise. "Aucun recul n'est acceptable", a-t-elle déclaré face aux données du recensement qui décrivent le fait que les francophones sont minoritaires à Montréal. Elle s'est indignée de la non-publication d'une étude de Marc Termote, le démographe chouchou des péquistes qui, dans sa profession, se distingue par son alarmisme. Elle a réclamé la démission de la présidence de l'Office de la langue française. Et qui, quand on lui a demandé si la situation linguistique était revenue comme avant 1976, a répondu un gênant "pas nécessairement". En refusant de répondre non à celle question, elle accréditait les thèses les plus folles qui nient l'existence de progrès depuis 30 ans.
Quand on ouvre la porte, on perd le contrôle. Les fous de la langue se sont réveillés. Mario Dumont y a vu des arguments pour freiner l'immigration. Les zélés du PQ ont voulu imposer la loi 101 aux poupons des CPE et éliminer le libre-choix au cégep. Un péquiste connu, comme l'ex-député Jean-Pierre Charbonneau, a proposé rien de moins que l'élimination des écoles anglophones.
Mme Marois, une modérée, doit maintenant donner un coup de barre pour éteindre les feux qu'elle a elle-même allumés. Dans une entrevue au Devoir, elle n'appuie pas l'interdiction du libre-choix aux cégeps, au grand dam de ses purs et durs, et préfère une approche constructive où le réseau francophone serait capable de former des élèves bilingues. Elle a coupé court à l'idée de toucher aux CPE. Mais est-ce qu'elle peut remettre le dentifrice dans le tube?
Le véritable leadership exige de la retenue et une vision de long terme, le refus de faire de la politique avec la langue. La situation du français est un dossier émotif, complexe, qui exige des analyses nuancées, et qui ne se prête pas aux déclarations à l'emporte-pièce à l'Assemblée nationale.
Il y a un prix à payer chaque fois qu'un politicien ou une politicienne joue la "game". Chaque crisette linguistique laisse des traces. En exacerbant les peurs, ces crises artificielles encouragent aussi les sursauts d'intolérance. Cela nous affaiblit, nous divise et disperse nos énergies. Le Québec n'en sort jamais grandi.
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La «game »
Et tout ce temps-là, il n'y a pas de crise
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