Texte publié dans L'Humanité du 27 novembre 2008
Malgré sa politique migratoire forte, le Québec vient de rompre avec le
laisser-faire canadien. Le 29 octobre dernier, Mme Yolande James, Ministre
québécoise de l’immigration et des communautés culturelles, a annoncé que
les candidats à l’immigration devront désormais signer un document par
lequel ils s’engagent à respecter les «valeurs communes» de la province.
Parmi celles-ci figurent notamment le fait que «le français est [la] langue
officielle» et que «les pouvoirs politiques et religieux sont séparés», la
Ministre précisant qu’en cas de refus de signer cette déclaration, «la
personne ne pourra pas venir». Cependant, cette déclaration signée n’aurait
aucune valeur coercitive : il s’agirait donc d’une simple formalité
administrative additionnelle et non pas d’un contrat. Dans ce cas, pourquoi
envisager une telle procédure ?
M. Martin Lemay, Député du Parti Québécois
et porte-parole en matière de citoyenneté et d’immigration, s’indigne du «
manque de sérieux » accordé à ce dossier et constate que l’on ne peut pas,
« par contrat, dire que vous allez intégrer un ensemble de valeurs en
quelques heures. Ce n’est pas aussi simple que ce que le projet de la
Ministre nous présente… sans oublier qu’elle ne s’engage à rien en retour ».
Favorable à un rééquilibrage des rôles, le parlementaire souverainiste
plaide en faveur de l’émergence d’un accord qui poserait noir sur blanc les
obligations mutuelles de l’immigrant et de l’État. Ce dernier doit
notamment s’engager à mieux organiser ses services d’accueil (dispositifs
d’apprentissage de la langue, de reconnaissance des diplômes et des acquis,
etc.) « pour que ces gens ne perdent pas 3 ou 4 années de leur vie, car
nous n’avons plus les moyens de perdre un talent ».
Si la langue apparaît comme étant l’élément central du dispositif
d’intégration, c’est que les québécois sont convaincus qu’il s’agit du
médium à privilégier pour partager leur culture. En ce sens, la nation
québécoise repose sur un ensemble de valeurs dont la francophonie est le
coeur et le phénomène de globalisation les menace un peu plus chaque jour.
Les conséquences sont directes pour les citoyens : il devient par exemple
de plus en plus difficile de trouver un emploi unilingue francophone dans
les rues de Montréal. Ce combat n’est donc pas d’arrière-garde et constitue
une nécessité pour la préservation d’une société canadienne-française en
Amérique du nord.
Aussi, sans rompre avec la tradition d’accueil qui fait la fierté des
québécois, l’ancienne Députée du Bloc Québécois, Vivian Barbot, avait
déclaré souhaiter voir émerger une politique pro-active en faveur de ceux
qui choisissent « de se joindre à une nation qui a une histoire, des
valeurs, une culture et un désir de vivre ensemble [pour] favoriser
l’intégration de tous au sein de la nation québécoise et de préserver un
espace neutre et laïc ».
En conséquence, si comparaison il doit y avoir avec les obsessions de
Brice Hortefeux, elle ne peut qu’être limitée. À plusieurs reprises,
Sarkozy a manifesté ses accointances à l’égard d’un multiculturalisme
canadien qui fait la part belle aux communautés. En effet, il serait
trompeur de croire en ses bienfaits car il ne fait qu’entretenir la
passivité de l’État. La France n’est pas le Canada, et utiliser ses
méthodes en ne prenant pas le fait migratoire à bras le corps est une chose
que l’on ne peut plus se permettre.
Le multiculturalisme peut paraître
séduisant pour les libéraux de tous les pays parce qu’il est par principe
assez peu « coûteux » : intégrer une communauté nationale tout en
préservant sa culture, sans fournir d’effort à l’égard de sa nouvelle
société d’accueil, est assez simple… Mais cette idéal ne résiste pas à
l’épreuve des faits. Il débouche inéluctablement sur le communautarisme le
plus exacerbé, tout en fragilisant les bases d’un « vivre-ensemble »
partagé et transcendant les cultures, croyances et philosophies.
En outre,
la prétendue politique d’intégration nouvellement mise en place en France
ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans une logique d’acceptation
de l’étranger (ce qui n’est pas le cas quand on voit les quotas de
reconduite à la frontière), à défaut de quoi elle ne constitue qu’un outil
de plus pour jeter l’opprobre sur l’immigrant. La politique « d’immigration
» sarkozyste prend donc le problème à rebours.
Au Québec, même si l’objectif de stabilité économique de 300 000
immigrants est souvent contesté, il s’agit avant tout, selon Martin Lemay,
de « parler de stratégie plutôt que de niveau. Jean Charest [Premier
Ministre du Québec] ne nous parle que de chiffres. Plutôt que de niveau
nous préférons dire oui à un niveau de francisation plus élevé, oui à une
hausse du budget pour suivre les gens qui entrent dans un processus de
reconnaissance des acquis, et oui à une politique de régionalisation de
l’immigration ».
Il est clair que le modèle d’intégration républicaine par la convergence
interculturaliste reste une option politique viable en France et ailleurs.
Plus que cela il peut s’ériger en modèle de société laïque ouverte sur un
XXIe siècle mondialisé.
Contrairement aux Ministres français et québécois
de l’immigration, il ne faut pas croire que la charge de l’intégration pèse
uniquement sur l’immigrant. De la même manière que la « main-invisible »
libérale est illusoire, l’intégration ne peut pas être une génération
spontanée, encore moins l’oeuvre de l’esprit saint… Elle implique au
contraire un effort réciproque d’acceptation de l’autre dans la communauté
nationale. Cette dernière doit donc s’impliquer elle-même dans cet effort
d’intégration, à commencer par ses institutions, qu’il s’agisse alors d’un
État ou d’une Province.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
La francophonie est au cœur de nos valeurs
Le Québec opte pour la préservation de son identité tout en continuant d’accueillir de nouveaux immigrants
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Florent Michelot8 articles
- Diplômé de Science politique de Lille 2, étudiant à l'ENAP
- Ancien directeur de cabinet adjoint au Conseil général
d'Ille-et-Vilaine
- Conseiller national des Jeunes radicaux de gauche (JRG) en charge du
programme
- Membre des Intellectuels pour la...
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- Diplômé de Science politique de Lille 2, étudiant à l'ENAP
- Ancien directeur de cabinet adjoint au Conseil général
d'Ille-et-Vilaine
- Conseiller national des Jeunes radicaux de gauche (JRG) en charge du
programme
- Membre des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
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