Entendre Pierre Karl Péladeau annoncer la fin du monopole péquiste sur la souveraineté était assurément rafraîchissant. Aucun de ses prédécesseurs n’avait encore voulu reconnaître ouvertement la fin d’une hégémonie qui est depuis longtemps chose du passé. Ce n’est qu’un premier pas sur le chemin de l’unité dans la diversité que les souverainistes désespèrent de voir se réaliser un jour, mais il faut bien commencer quelque part.
Celle que Péladeau a choisie pour reprendre le dialogue, Véronique Hivon, estime que la grande erreur a été de considérer la question sous l’angle d’une alliance électorale dont personne ne voulait faire les frais plutôt que de miser sur les points de convergence. Dans toute négociation, on commence en effet par régler les points les moins litigieux, mais il vient néanmoins un moment où il faut bien s’attaquer au coeur du problème.
En réalité, l’intransigeance manifestée par les partis ne reflète pas les sentiments de leurs électeurs. Un sondage Léger Marketing-Le Devoir réalisé en juin 2013 indiquait que 80 % des péquistes, 75 % des partisans d’ON et 62 % des solidaires étaient disposés à voter pour un candidat souverainiste unique. Malgré l’exaspération qui se manifeste chaque fois que des représentants de la société se réunissent dans l’espoir de favoriser un rapprochement, les appareils des partis sont malheureusement incontournables.
Le cas d’Option nationale est relativement simple. Si le PQ s’engage à tenir un référendum dans un premier mandat, il y aura vraisemblablement fusion, comme le prévoient les statuts du parti. Du côté de Québec solidaire, Françoise David semble commencer à envisager un peu plus sereinement l’idée de discuter avec le PQ de PKP, mais il est difficile d’imaginer un quelconque « projet de société » commun aux deux partis. Une forme d’alliance ne peut être que ponctuelle et porter précisément sur la réalisation de la souveraineté, ce qui suppose qu’on s’entende sur la mécanique qui permettrait d’y accéder. Un référendum devrait-il porter précisément sur la souveraineté ou sur un projet de constitution ? Faudrait-il réunir une assemblée constituante ? Avant ou après un référendum ? Faudrait-il deux référendums distincts ?
Il ne s’agit pas là de simples détails, mais cela ne devrait pas constituer un obstacle insurmontable si la volonté politique y est. Le référendum sur l’entente de Charlottetown (1992) a également démontré qu’il est possible pour des partis distincts d’être chapeautés par le même comité parapluie tout en conservant leur identité propre. Les « libéraux pour le non », dirigés par Jean Allaire, avaient alors cohabité sans trop de heurts avec le PQ.
Tout cela sera cependant sans objet sans l’élection d’un gouvernement qui serait en mesure de tenir un référendum, et il est clair qu’une alliance électorale entre les partis souverainistes y contribuerait grandement.
M. Péladeau, qui a visiblement été marqué par sa visite en Catalogne, ne cesse de la donner en exemple. « Il y a deux partis qui sont souverainistes et ils sont ensemble justement pour faire en sorte d’atteindre l’objectif qui est le leur, c’est-à-dire que la Catalogne devienne un parti », a-t-il déclaré lundi.
En prévision de l’élection du 27 septembre prochain, la coalition Junts pel Si (Ensemble pour le Oui) vient de présenter une « feuille de route » qui, au bout de 18 mois, devrait en principe aboutir à une déclaration unilatérale d’indépendance par le Parlement catalan sans qu’il y ait eu référendum, l’état espagnol en ayant refusé la tenue. Madrid n’assistera certainement pas en spectateur à la division du pays, de sorte que la suite des événements paraît très incertaine, mais il est très possible que la coalition, qui mène actuellement dans les sondages, remporte l’élection.
Malgré l’enthousiasme de M. Péladeau, il y a une différence fondamentale avec le Québec. La Catalogne a un mode de scrutin proportionnel qui permet aux partis de la coalition d’additionner leurs voix. Au Québec, le mode de scrutin uninominal à un tour fait en sorte qu’ils se cannibalisent.
Jusqu’à présent, les efforts du Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) pour favoriser une première candidature unique dans Laurier-Dorion, où la lutte entre le PQ et QS est la plus profitable aux libéraux, n’ont pas abouti.
Quelqu’un devra faire un geste. M. Péladeau pourrait envoyer un puissant signal de sa réelle volonté de faire l’unité des souverainistes en renonçant à y présenter un candidat. Il est assez paradoxal que le PQ ait accepté de s’effacer devant une candidate aussi inconditionnellement fédéraliste que Fatima Houda-Pépin dans l’espoir de battre Gaétan Barrette dans La Pinière, mais qu’il refuse de laisser le champ libre à un souverainiste dans Laurier-Dorion, où le candidat de QS a recueilli près du double des voix de son adversaire péquiste en avril 2014.
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