Cette vague orange qui a tout rasé sur son passage lundi dernier s’avérerait extrêmement grave pour l’état de la démocratie au Québec si l’explication qu’en donne le journaliste Yves Boisvert restait plus cohérente que toutes celles qui ont suivi depuis.
Dans sa chronique au surlendemain du scrutin (Yves Boisvert, [NPD : l’effet « Tout le monde en parle »->37852], La Presse, 4 mai 2011), le journaliste pose la question : « Que s’est-il passé au juste?  Le 26 mars, sondage dans La Presse : le Bloc québécois est largement en tête à 38% des intentions de vote. Le PCC deuxième, avec 23% des votes. Le NPD est troisième avec 20%. »
Cinq semaines plus tard, le parti de Jack Layton termine la campagne au Québec avec 43% des votes. Le Bloc à 24%. »
Et le journaliste de se gratter la tête à nouveau : « Il s’est passé quelque chose entre les deux. Quoi donc? » Et Boisvert de faire découvrir le pot aux roses à ses lecteurs. « Tout a commencé. Le 3 avril, écrit-il, quand un million et demi de Québécois ont regardé le début de Tout le monde en parle. »
Paragraphe suivant de la prose de Boisvert :  « Sur l’air du bon gars de Richard Desjardins, Jack Layton a traversé le fameux studio avec sa canne et son sourire. »
Paragraphe suivant : « Danny, merci de porter cette fleur contre le cancer” a dit le chef du NPD. Il était déjà venu parler de son cancer de la prostate sur le même plateau. »
Danny Turcotte, ce supposé « fou du roi » qui n’en est de moins en moins un - il est maintenant si sage. A-t-il réprimandé à l’époque, pour n’avoir pas été très gentil avec Justin ? - a alors généreusement et gentiment secoué du bonnet.
À propos du bon vieux Jack, Boisvert constate : « Qu’a-t-il dit d’extraordinaire ? Rien. Il a parlé de laissés-pour-compte. Il a avancé quelques idées de son programme. Il s’est surtout montré extrêmement sympathique. »
Et Boisvert de nous donner ensuite quelques-unes des questions insignifiantes posées par Guy A Lepage, cet humoriste recyclé chaque jeudi soir en journaliste-entertainer. Des questions genre : « Quelle est votre pire gaffe en campagne ». Et « notre bon gars de répondre, «sans hésiter», souligne Boisvert, que « à sa première campagne, il a critiqué les compressions du gouvernement Martin et dit qu’elles étaient responsables de la mort de sans-abri. « Je suis allé trop loin, (c’est notre bon gars qui répond) ce n’était pas acceptable et je le regrette.» (Pour votre pénitence, vous direz trois Je vous salue Marie)
Et Boisvert de s’épancher: « À toutes les questions il répondait sans brio particulier, mais avec un air sincère et plein d’affection. Une semaine plus tard, les sondages notent la poussée du NPD. Deux semaines plus tard, elle se confirmait.»
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Mais, avant même le milieu du texte de Boisvert, c’est l’employé de Gesca que l’on retrouve en lisant entre les lignes de ce qui reste de la chronique. Un Boisvert qui ne se pose aucunement de questions sur la pertinence de ce type d’émissions biaisées telles que TLMEP en pleine campagne électorale. Ni du rôle très anti-Bloc que son journal a joué après la diffusion de cette émission de télé toute consacrée au «bon gars ». Bouche cousue de la part de Boisvert sur la page Opinions de son journal où, après le 3 avril, jour après jour, prolifèrent des textes faisant l’éloge du NPD au travers d’une succession d’autres où on s’interroge sur la pertinence d’avoir un parti sécessionniste à Ottawa.
Dans le reste de sa chronique, Boisvert préfère rendre le Bloc lui-même responsable de sa déconfiture électorale. « Pendant ce temps-là, écrit-il, le Bloc observait le changement d’allégeance totalement imprévisible de sa clientèle, abasourdi. Dans un geste de panique, Gilles Duceppe a alors décidé d’en appeler à sa base militante, de se replier sur les souverainistes – de toute évidence, le slogan anti-Harper ne lui rapportait pas pour autant qu’en 2008. »
Et Boisvert de faire état du climat de panique qui s’est installé chez Duceppe. Pour ensuite se moquer du message de Jacques Parizeau, message ambigu, nous dit-il, parce que venant d’une intervention trop improvisée. «Et vint Gérald Larose qui est arrivé au bal électoral avec son bazooka », ironise enfin Boisvert.
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Le reste du texte va à l’avenant. Presqu’en conclusion, Boisvert admet qu’une émission de télévision ne fait pas une élection. « Mais celle-là, écrit-il, a démarré quelque chose. Elle a allumé une mèche à la ligne de départ. »
Et Boisvert de témoigner : « Dans le salon d’une famille que je connais, on a entendu spontanément les enfants dire : moi je vote pour Jack. »
Lors de la campagne pour les élections cantonales en France, en mars dernier, tant les producteurs que les diffuseurs de l’émission de télévision On n’est pas couché se sont interdit d’avoir, comme à tous les autres samedis, un membre d’un parti politique comme invité. Et dire qu’ici, on ne finit plus de faire la gloriole d’une télévision publique qui serait plus indépendante des pouvoirs politiques que la France. Il faut dire que bien des choses ont changé au Canada depuis la Grande frousse de 1995.
Mais à propos de cela, le journaliste Boisvert sait surveiller ses arrières. Il n’en parle guère. La question qu'il n’a pas osé poser dans son texte du 4 mai est celle-ci. Passe encore qu’on diffuse des émissions comme Tout le monde en parle de la teneur qu’avait celle du 3 avril en temps d’élections. Mais faut-il encore pour neutraliser le côté yan-yan que peut avoir un humoriste comme animateur d’une émission de plogues, qu’on y ajoute un ou deux bons journalistes capables de poser les bonnes questions aux invités politiques? Comme le font si bien Eric Zemmour et Éric Nolo à l’émission de la télévision française, On n’est pas couché. Mais c’est vrai qu’ici, au Québec, on n’aime pas la chicane.
Et comme on n’aime pas la chicane, personne n’ira protester en ce jeudi soir 5 mai devant la Maison de Radio-Canada quand y entrera le bon gars, invité d’honneur à l’émission…Tout le monde en parle.