La proportion de cégépiens qui terminent leur formation dans les temps a baissé depuis 10 ans et le taux d'obtention de diplôme s'est à peine amélioré chez les garçons et il a chuté chez les filles. Dans certaines régions, on observe une diminution dépassant les 5 %, tous sexes confondus, révèle une analyse du chercheur Michel Perron, sommité de la persévérance scolaire. Portrait.
De moins en moins d'élèves finissent dans les temps
À peine un élève sur trois termine le cégep dans les temps. En effet, seuls 33,4% des cégépiens qui sont entrés au collège en 2010 avaient terminé leur formation dans les délais prévus (deux ans pour la formation préuniversitaire et trois ans pour la formation technique). C'est une baisse de près de 3% par rapport à la cohorte qui a commencé en 1998.
«C'est un phénomène social de plus en plus connu. Les jeunes n'ont plus comme objectif de finir leur cégep en deux ou trois ans. Ils sont plus nombreux à prolonger leurs études pour travailler en même temps ou à les interrompre pour partir en voyage», explique le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay.
Ce qui est plus préoccupant, c'est que même lorsque qu'on accorde deux ans de plus que la durée prévue du programme avant de calculer le taux de réussite, quelque 40% des cégépiens n'ont toujours pas de diplôme. En 10 ans, le taux d'obtention de diplôme dans ce délai n'est passé que de 61,5 à 62,5%. «Un point, ce n'est pas beaucoup. Le Québec n'est pas en train de s'améliorer», déplore Michel Perron.
Les filles en difficulté
Donnée surprenante s'il en est une : bien qu'elles soient encore proportionnellement plus nombreuses à obtenir leur diplôme que les garçons, les filles perdent du terrain. Ainsi, 42% des élèves de la cohorte de 1998 avaient terminé leur programme dans les temps, contre 37,1% pour la cohorte de 2010. Chez les garçons, le taux d'obtention de diplôme est passé de 28,7% à 28,4% pour la même période.
Pour ce qui est du taux d'obtention de diplôme deux ans après la fin prévue du programme, il est tombé de 68 à 67% pour les filles (pour les cohortes de 1998 et de 2008), alors qu'il a grimpé de trois points chez les garçons (de 53 à 56%). Un phénomène nouveau et «préoccupant», selon la Fédération des cégeps, qui en est encore à tenter de comprendre pourquoi les filles en arrachent ainsi. «Il y a un exercice qui doit être fait cégep par cégep en regardant programme par programme, pour être capable de dire : y a-t-il un enjeu de réussite globale des filles? Il faut regarder si cet enjeu-là n'est pas associé à certains parcours et ce qui s'est passé dans ces parcours-là», explique Bernard Tremblay.
Plus d'élèves en difficulté
Le nombre d'élèves en difficulté admis au cégep a augmenté de 700% entre 2009 et 2014, selon la Fédération des cégeps. Une statistique qui n'est pas étrangère à la baisse du taux de diplomation, croient les experts. «On a fait beaucoup d'efforts pour intégrer les élèves en difficulté au secondaire. Il y a donc des jeunes qui finissent le secondaire et qui ne terminaient pas avant. Ils sont en droit de faire une demande d'admission au collégial, note Michel Perron. Au cégep, est-ce qu'on est en mesure de les soutenir autant qu'on voudrait ? Je pose la question.»
Une question à laquelle Bernard Tremblay, de la Fédération des cégeps, répond d'emblée. «On devrait faire beaucoup plus. On devrait avoir un meilleur arrimage entre le secondaire et le collégial. L'approche du collégial est basée sur des diagnostics qui, à mon avis, n'est pas la bonne approche et qui date d'une autre époque.» M. Tremblay prône une approche plus individuelle. Il dénonce un manque de financement pour la mettre en oeuvre.
«Dans les dernières années, on a protégé les acquis. Avec des compressions de 175 millions, c'est sûr qu'on n'est pas dans le développement de services et d'outils pour soutenir la réussite. On est dans le fait de dire : sauvons les meubles.»
Conciliation travail-études
Les élèves du cégep travaillent-ils trop? Michel Perron avance l'hypothèse. Les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec sont sans équivoque : les élèves de 15 à 24 ans sont chaque année plus nombreux à occuper un emploi - de 21% en 1981 à 45% en 2014. Les filles sont proportionnellement plus nombreuses à concilier travail et études. Est-ce que cette conciliation nuit à la réussite? «La question mériterait d'être analysée, répond Bernard Tremblay. C'est quoi l'impact réel? Si le parcours [scolaire] est prolongé, on peut penser que ça peut bien se concilier. Mais peut-être que c'est tout faux.»
Autre enjeu lié au monde professionnel : les élèves qui sont séduits par une offre d'emploi alléchante avant d'obtenir leur diplôme et qui abandonnent leurs études en cours de route. «On travaille avec les gens d'affaires pour essayer de discipliner cette tentation que certaines entreprises pourraient avoir dans des régions où il y a une certaine pénurie de main-d'oeuvre. C'est difficile de concurrencer quand une mine cherche des mineurs avec des salaires qui avoisinent les 100 000 $. C'est un défi qui existe et qui risque d'augmenter dans les prochaines années», explique M Tremblay.
Disparités régionales
Les cégépiens de certaines régions ont proportionnellement beaucoup moins de chances de sortir de l'école avec un diplôme que ceux qui habitent ailleurs. Par exemple, 67% des élèves de la région de la Capitale-Nationale qui ont entamé le cégep en 2008 avaient obtenu leur diplôme deux ans après la fin prévue de leur programme, contre seulement 54% en Outaouais. Presque un sur deux abandonne en cours de route.
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