Des groupes communautaires et des élus montréalais présenteront la semaine prochaine, devant le conseil municipal, une motion pour que la Ville de Montréal demande à Ottawa de décriminaliser la possession simple de drogue.
L'idée n'est pas nouvelle. Cela fait de nombreuses années que des groupes d’aide aux toxicomanes pressent Ottawa d’aller de l’avant avec une telle mesure, soutenant notamment qu’il faut traiter les consommateurs dépendants comme des malades et non comme des criminels.
C’est l’approche retenue par le Portugal, qui en 2001 a décriminalisé toutes les drogues. À l’époque, environ 1 % de la population du pays était dépendante à l’héroïne. Punir n’était pas une option viable. Le Portugal a donc choisi de concentrer ses ressources en santé plutôt que dans le système pénal.
Alors que le Canada traverse une crise de consommation d’opioïdes, l’idée de décriminaliser la possession simple de drogue gagne des adeptes au sein de diverses instances politiques et policières au pays.
Toutes les grandes villes canadiennes ont le même problème de surdoses. Des personnes qui ne cherchent pas l'aide parce qu'elles ont peur d'être arrêtées. Nous sommes pris avec une approche qui manifestement ne fonctionne pas.
Des précédents
La Colombie-Britannique, qui est particulièrement touchée par la crise des opioïdes, a aussi exhorté en juillet dernier le gouvernement fédéral à s’inspirer du modèle portugais.
Sa propre requête avait été précédée par une recommandation formulée quelques jours plus tôt par l’Association canadienne des chefs de police. Cette recommandation était elle-même le fruit de plus de deux ans de travail par un comité créé par l’Association pour étudier la question.
Entre-temps, la médecin en chef de la Colombie-Britannique, Bonnie Henry, est arrivée à la même conclusion.
Au début septembre, le premier ministre Justin Trudeau a fait part de son opposition à cette requête. Dans une crise comme celle-ci, il n'y a pas de solution miracle
, avait-il indiqué.
Justin Trudeau favorise d'autres options, comme l'établissement d'un approvisionnement sûr en drogues pour les toxicomanes.
Cela n’a toutefois pas empêché les conseillers municipaux de Vancouver d’adopter unanimement, fin novembre, une motion réclamant d’Ottawa le pouvoir de décriminaliser la possession simple. Cette motion a d'ailleurs inspiré celle que soutient le conseiller Marvin Rotrand.
La COVID-19 change la donne
Si cette idée gagne maintenant du terrain à Montréal, c’est en partie parce qu’une autre crise de santé publique, la pandémie de COVID-19, complique désormais le travail des intervenants.
Les toxicomanes consomment davantage seuls pour respecter le couvre-feu, observe la Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le sida, ce qui réduit encore plus la capacité des intervenants qui cherchent à leur venir en aide. Un point de vue exprimé par plusieurs organismes locaux, provinciaux et nationaux.
L’approche favorisée par le gouvernement Trudeau, constatent ces organismes, n’est pas compatible avec toutes les restrictions en vigueur.
C'est sûr que quand on a fermé les frontières, il aurait fallu réfléchir à comment on va donner des drogues sécuritaires aux personnes qui en ont besoin. On savait que ça allait entraîner une diminution de la qualité des drogues et une augmentation des surdoses.
Questionnée à ce propos, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a indiqué avoir déjà appuyé la décriminalisation de la possession simple de drogue lors de l'ouverture de centres d'injection supervisée en 2017.
Elle n’a toutefois pas voulu prendre officiellement position avant que la proposition ne soit abordée devant le conseil municipal, puisque ça implique beaucoup plus de gens : le provincial, le fédéral, les services de police
.
La motion à ce sujet devrait être débattue lundi ou mardi prochain.
Avec les informations de Benoît Chapdelaine