Stephen Harper, qui aime bien faire les choses en douceur – sinon en douce… – ne s’attendait probablement pas à ce que la grogne contre ses coupes de 45 millions $ dans des programmes culturels atteigne le niveau qu’on lui connaît aujourd’hui. Ni, surtout, qu’elle se manifeste hors du strict milieu des arts et se répande à ceux de l’économie ainsi que de l’administration publique et privée – on l’aura constaté en prenant les présences à la manifestation de mercredi dernier, à Montréal.
C’est cela, surtout, qui pourrait faire mal au premier ministre.
Car, en parlant d’économie et du rôle de la culture dans le développement concurrentiel des grandes villes canadiennes, on utilise un langage tout à fait accessible aux conservateurs, fussent-ils de la variété hard des Prairies! Et, manque de pot, le Conference Board du Canada en a profité pour rendre publique une étude situant à 37,5 milliards$ les retombées directes de la culture (plus du double, si on compte ses effets indirects). Il s’agit de 3,5% de la production du pays, davantage qu’aux États-Unis (3,3%), où l’économie culturelle est pourtant réputée comme la plus dynamique au monde.
Certes, on s’agite ici dans l’ordre du symbolique. Les coupures en question sont relativement minimes et, sauf pour ce qui est de l’aide à la représentation à l’étranger, elles visent surtout des programmes plus ou moins obscurs.
Mais la question n’est pas là.
Ainsi, comme dans d’autres cas (droits du fœtus ou nouveau droit de regard de l’État sur les contenus cinématographiques, par exemple), l’affaire nourrit de gros doutes sur les véritables motivations de Stephen Harper. Et elle donne aux artistes l’occasion d’en découdre avec un gouvernement dont la philosophie représentait déjà, bien avant ces événements, l’exact contraire de la pensée dominante dans les milieux culturels.
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Le hic, c’est que les conservateurs sont très populaires au Québec. Et que les artistes ont un bien faible poids en politique. C’est peut-être dommage. Mais la faute est partagée.
D’abord, l’opinion publique entretient beaucoup de préjugés au sujet, justement, de l’aide de l’État à la sphère culturelle :
l’«artiste-grassement-subventionné-pour-faire-des-niaiseries» est un personnage iconique des tribunes téléphoniques. Mais la vérité, c’est que, un, l’art n’apporte que très rarement l’opulence, toute aide étatique prise en compte; et que, deux, l’économie de la culture est massivement animée par le secteur privé.
Ensuite, pardonnez la remarque, mais les artistes ne s’aident pas toujours beaucoup. Recourir à la quincaillerie nazie comme on l’a fait mercredi (Harper affublé de la croix gammée, le salut hitlérien «Heil Harper!», les comparaisons abjectes entre la Shoah et les coupes budgétaires) est une fanfaronnade d’ados attardés à qui la plupart des parents ne confieraient pas leur clé de voiture.
Au total, Stephen Harper serait bien inspiré de revenir sur ses intentions. Et les artistes, de mesurer un peu mieux leurs paraboles.
Dans les deux cas, ça aiderait à les prendre au sérieux.
La culture coupée
Au total, Stephen Harper serait bien inspiré de revenir sur ses intentions. Et les artistes, de mesurer un peu mieux leurs paraboles.
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