La culture au Québec, pouvoirs et budgets

Pauline Marois veut rapatrier tout le secteur, y compris les 300 millions qu'Ottawa y consacre

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Élection Québec - le 8 décembre 2008 - les souverainistes en campagne

Par tous les moyens possibles -- ce qui pourrait aller jusqu'au référendum --, Pauline Marois veut rapatrier d'Ottawa la totalité des pouvoirs en matière de culture ainsi que les sommes d'argent qui y sont rattachées. Le PQ promet aussi aux artistes québécois de compenser le financement aboli cet été par le gouvernement fédéral et de réécrire la loi 101.
«Arrêtez de mettre vos gros sabots dans nos affaires, de couper des sommes à nos créateurs», a lancé hier Mme Marois, plantée au milieu d'un bunker antinucléaire... qui constitue le décor de la production théâtrale qui occupe actuellement la scène du théâtre La Licorne, où avait lieu la conférence de presse.
Un gouvernement péquiste tentera ainsi coûte que coûte de rapatrier d'Ottawa l'ensemble des pouvoirs et du financement en matière de culture et de communication. Cela veut dire que Québec espère aller chercher les quelque 300 millions que le fédéral investit actuellement dans la culture au Québec par l'intermédiaire d'organismes comme Téléfilm Canada, Patrimoine Canada, l'Office national du film, le CRTC ou le Conseil des arts du Canada. Ce faisant, le PQ calcule que le gouvernement pourrait aussi faire des «économies de chevauchement» de près de 20 millions.
Pauline Marois a été claire hier matin: cette forme de souveraineté culturelle, elle la veut à tout prix. «Nous allons déposer un projet d'amendement pour nous permettre de rapatrier nos pouvoirs et nos ressources. Nous allons faire voter ce projet et nous irons vers un amendement constitutionnel s'il le faut.»
Interrogée pour savoir ce qu'elle fera si cette avenue ne fonctionne pas -- Stephen Harper a déjà fermé la porte à une revendication semblable de Jean Charest lors de la dernière campagne fédérale --, Mme Marois a répondu que le gouvernement fédéral «acceptera les conséquences de ses actes. Il vivra avec». Cela pourrait-il aller jusqu'au référendum? «Nous allons prendre les moyens qu'il faut pour aller chercher nos pouvoirs en matière de culture et l'argent qui vient avec. Ce n'est pas une autre nation qui va décider pour nous dans le coeur de ce que nous sommes», a dit la chef du PQ.
Au printemps dernier, le gouvernement Charest avait envoyé une lettre demandant aussi à Ottawa le rapatriement des pouvoirs en culture et en communication. Elle est restée sans réponse. Hier, le porte-parole du premier ministre Harper a indiqué au Devoir que «le gouvernement du Canada a des responsabilités à assumer en matière de culture et il va continuer à le faire».
Selon Pauline Marois, la différence entre le PQ et le PLQ sur cette question tient à la ferme volonté de son parti de régler la question. «C'est clair que nous n'accepterons plus que le fédéral décide à notre place.»
Carte importante
Le rapatriement des pouvoirs culturels constitue donc la pierre d'assise du programme du PQ, dévoilé hier à Montréal, en matière d'identité et de culture. Une étape importante pour le parti. Selon notre sondage publié mercredi, 54 % des gens estiment en effet que Pauline Marois est la personne la mieux placée pour promouvoir ce sujet. C'est la seule catégorie dans laquelle elle devance Jean Charest.
Si M. Charest a annoncé cette semaine son intention d'abolir la TVQ sur les produits culturels québécois, Mme Marois privilégie pour sa part l'aide directe aux artistes. Elle estime que la mesure sur la TVQ, «pas inintéressante en soi», sera compliquée à administrer et n'aidera pas nécessairement les artistes.
En ce sens, le PQ s'est engagé à compenser les pertes subies par l'abolition des programmes culturels par Ottawa cet été. Le parti met ainsi environ 15 millions sur la table pour aider la diffusion internationale, la relève et la formation -- trois secteurs fortement affectés par les suppressions. Comme les libéraux, le PQ s'engage à hausser de 10 millions le budget de la SODEC, dont 1,5 million sera réservé au budget des jeunes créateurs. Entre autres, le parti désire aussi systématiser la participation des étudiants du primaire et du secondaire à au moins une activité culturelle par année. Cette mesure coûtera 2,5 millions.
Le programme péquiste comprend également l'intention d'adopter une politique d'aide à l'exportation des oeuvres culturelles produites au Québec, la modernisation de la Loi sur les biens culturels et le maintien d'un budget culturel équivalent à 1 % du budget global du Québec.
Sur la question linguistique, un gouvernement Marois adoptera une nouvelle Charte québécoise de la langue française. On veut mettre en place des mesures spécifiques pour franciser les entreprises et les commerces de moins de 50 employés. Des mesures fiscales incitatives seront créées. Mme Marois a indiqué vouloir privilégier une francisation sur une «base volontaire», mais elle n'a pas exclu que des mesures coercitives puissent être adoptées. La nouvelle loi 101 assurera notamment l'utilisation du français dans les relations entre l'État et les citoyens ainsi qu'un meilleur appui à la francisation des immigrants dès leur arrivée au Québec.
Bon, mais...
Le président de Culture Montréal, Simon Brault, a bien accueilli l'ensemble de la plateforme péquiste en matière de culture. «Il y a des mesures structurantes intéressantes», a-t-il dit lorsque joint par téléphone. Mais le PQ fait fausse route en ce qui concerne sa revendication principale, pense-t-il. «Le rapatriement des pouvoirs depuis Ottawa, ce n'est pas très concret et immédiat. Ça relève plus de la politique-fiction. Pendant ce temps, ça n'apporte rien au milieu culturel comme aide.»
Le Mouvement pour les arts et les lettres (MAL) porte essentiellement le même jugement que Culture Montréal. Relevant que toute négociation fédérale-provinciale prend du temps, le porte-parole Bastien Gilbert indique qu'il aurait mieux valu suggérer des mesures qui peuvent être appliquées dès maintenant.
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Avec la collaboration d'Alec Castonguay


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