-* Je ne suis pas homme à croire, ni à défendre les diverses théories de la conspiration avancées ponctuellement sur des blogues et les réseaux sociaux. Je comprends que les propos d'un journal ou d'une chaîne télévisée puissent être teintés d'une certaine subjectivité partisane, mais j'ai jusqu'aujourd'hui refusé de croire que la désinformation devienne du mensonge, qu'un fait divers puisse devenir une compagne de salissage politique.
Jusqu'aujourd'hui.
Des objets trouvés dans le cadre du Grand Prix :
Critiqué par plusieurs pour les mesures prises pour protéger les événements entourant la tenue du Gand Prix de Formule 1, le Service de Police de la Ville de Montréal a d'abord expliqué que celles-ci furent nécessaires pour assurer la “paix sociale”, compte tenu du climat actuel et des menaces de perturbation – plus ou moins explicites – brandies par divers mouvements. Soit.
Toutefois, ces excuses n'ont pas eu raison d'une part de la population qui accusait le SPVM d'avoir privatisé des lieux publiques, de déployer un si grand effectif d'agents pour veiller non pas à l'ordre, mais à la bonne tenue d'un événement privé (et élitiste) et enfin, de profilage politique – et non racial comme l'on peut lire dans un journal montréalais.
Ainsi, il devenait urgent de justifier la lourde présence policières et ses actes. Des porte-paroles du SPVM ont d'abord parlé de “gens qui portaient à croire qu'ils s'apprêtaient peut-être à commettre des actes quelconques”, puis de manière plus explicite, de briques et de roches. Le premier ministre Jean Charest défendant ces interventions, a même parlé de cocktails Molotov.
Le Journal de Montréal a publié hier un article intitulé “Des fouilles qui rapportent”, qui convaincrait les plus incrédules. On y parle d'un impressionnant butin, composé notamment de pierres et de roches, mais aussi d'une barre à clous et d'une arme artisanale. Photographies (courtoisie du SPVM) à l'appui.
Ma première réflexion est la suivante : pourquoi des individus, sachant pertinemment que les lieux étaient sous haute surveillance policière depuis déjà deux jours, se seraient aventurés à transporter de tels objets dans des sacs à dos, qu'ils savaient être systématiquement fouillés ? Alors que mon petit sac en bandoulière contenant un livre et une pomme a été fouillé à trois reprises, avant de pouvoir même voir la lumière du Parc Jean-Drapeau – duquel j'ai immédiatement été expulsé, une promenade et un pique-nique n'étant plus des raisons valables de s'y trouver – un individu transportant une barre à clou a été capable de se rendre jusqu'au parc avant d'être interpellé par la police.
Des gens de plus ou moins bonne foi me diront alors qu'il s'agit de gens profondément stupides, qui pensaient pouvoir s'en tirer, se faufiler. Mais le commandant Simonneau a affirmé que ces gens ont été interpellés, et qu'après identification et vérifications, il ont été libérés. Alors que des manifestants ont passé des nuits en prison pour bien moins que cela, des individus “armés” ont été libérés après quelques heures. Je demanderais alors aux gens qui applaudissent les mesures prises cette fin de semaine par le service de police : N'avez-vous pas peur qu'une personne qui a pris le temps de concocter un cocktail Molotov ou de fabriquer une arme à partir d'une scie, était dans les rues de Montréal, en liberté, le soir même ?
De l'affaire des Khadir :
Le jeudi matin qui annonçait le début du Grand Prix, les média ne parlaient que des perquisitions faites auprès de personnes présumées avoir été impliquées dans divers actes criminels durant les dernières semaines. Quatre personnes ont été arrêtées, mais une seule arrestation fût mise en exergue, celle de Yalda Mâchouf-Khadir, dont le père et député de Mercier, Amir Khadir avait lui-même été interpellé la veille à Québec pour avoir participé à une manifestation déclarée illégale (ou était-ce pour avoir entravé la circulation, je ne sais plus). La presse était présente à cette opération policière, filmant la scène.
Beaucoup ont parlé de l'arrestation, mais très peu de la présence médiatique. J'ai toujours cru qu'une telle opération policière devait être gardée secrète, sinon, dans le cas échéant, la police ne trouverait jamais ni objet à perquisitionner, ni personne à arrêter. À moins qu'une équipe de journalistes se trouvaient par hasard dans le quartier aux petites heures du matin, ils devaient nécessairement avoir été mis au courant.
De cette perquisition, l'attention des enquêteurs a été attirée par une affiche inspirée d'une œuvre d'Eugène Delacroix. Une fois de plus, le Journal de Montréal s'est forcé quant au titre spectaculaire de l'article consacré à la “surprenante” affiche : “Charest mort au pied de Khadir”. C'est peut-être subliminal, mais le message est là.
Je me permettrais une parenthèse d'historien de l'art, pour expliquer un petit détail. Delacroix avait pris la décision d'intégrer un personnage en chapeau haut-de-forme pour véhiculer une idée précise, soit celle que la Révolution française a été l'affaire autant des pauvres, le Tiers-État, que d'une bourgeoisie en essor. On pourrait donc imaginer que, dans son poster, le groupe Mise en Demeure a choisi d'inclure le député Khadir comme représentant plus modéré – voire petit bourgeois – de la gauche. Charest serait alors tué non par le bourgeois, mais par le peuple guidé par Marianne, l'allégorie de Liberté, qui est ici – pour ceux qui n'ont pas compris l'humour de la représentation picturale – illustrée par un homme déguisé en banane.
Je passerais sous silence le choix personnel qu'a fait la famille Mâchouf-Khadir d'exhiber ladite affiche dans sa cuisine. Je comprends aussi que les enquêteurs en aient parlé entre membres du service de police, j'imagine que le commérage existe dans tout lieu de travail. Mais pourquoi avoir senti le besoin d'en parler au Palais de Justice, où des journaliste suivaient l'enquête sur remise en liberté de Mlle. Yalda ? Je comprends qu'il s'agisse d'un député, d'une personnalité publique, mais la chose sent mauvais, comme si l'on tenait à rajouter aux paroles crasses de certains chroniqueurs de droite au sujet de M.Khadir, les images de sa fille menottée et de lui-même, armé et guidé par une banane anarchiste.
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Que l'escouade GAMMA du SPVM ne vienne pas frapper à ma porte, je ne porte ici aucune accusation. Je pose seulement des questions, avec le dessein de mettre en lumière notre capacité à recevoir de l'information, de la juger, la transmettre, la répéter, la retweeter, mais sans jamais la questionner.
Cela dit, je ne crois pas que le 11 septembre a été orchestré par l'État américain, ni que le VIH a été mis au point par des scientifiques pour ralentir la croissance de la population mondiale...
La chose sent mauvais
Beaucoup ont parlé de l’arrestation, mais très peu de la présence médiatique.
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