« J’ai pris souffle dans le limon du fleuve » - Gatien Lapointe (L’Ode au Saint-Laurent)
C’est sur les bords du majestueux et paisible lac Saint-Pierre, qui nous offrait ce jour-là le spectacle de milliers de canards en partance, que Mario Beaulieu, le chef du Bloc québécois, est venu nous rappeler mercredi dernier que le gouvernement du Canada au service des pétrolières de l’Ouest tente une fois de plus d’asservir le Québec au-delà de l’imaginable dans le dossier des superpétroliers.
«Pour exporter le pétrole bitumineux de l’Alberta, a résumé Mario Beaulieu, les Québécoises et les Québécois doivent assumer tous les risques, alors qu’Ottawa n’est pas prêt à réagir en cas de catastrophe.»
Ottawa n’a tiré aucune leçon de la tragédie de Lac-Mégantic, a reproché Mario Beaulieu. Note artère maritime vitale, notre magnifique autoroute bleue devient, sans que l’on daigne demander aux Québécois s’ils en veulent et, ne nous faisons point d’illusions, sans qu’ils en tirent le moindre profit, le lavabo dans lequel se lavent les mains les producteurs du pétrole sale et visqueux des sables bitumineux de l’Ouest avec la veule complicité du gouvernement fédéral… et du gouvernement libéral du Québec.
Un fleuve difficile à la navigation
Les pétroliers de 44 mètres (et non plus de 32 mètres) s’en donnent déjà à cœur joie, transportant sur ce milieu écologique fragile et on ne peut plus fabuleux de deux à cinq fois plus de pétrole que ce qu’a déversé l’Exxon Valdez en Alaska en 1989. En prime, le projet Énergie Est de TransCanada s’apprête à construire à Cacouna «rien de moins que la plus importante infrastructure de transport et d’exportation de pétrole des sables bitumineux de l’histoire »(1), soit un port en eau profonde.
Vous imaginez? Ce projet accouplé à celui de l’oléoduc Énergie Est permettrait le passage quotidien au Québec de 900 000 barils de pétrole par jour de l’Alberta vers le Nouveau-Brunswick. N’a-t-on pas assez souligné – et nos pilotes du Saint-Laurent vous le diront – que notre fleuve est l’un des fleuves les plus difficiles au monde à naviguer? N’a-t-on pas souligné que cette difficulté sera décuplée avec les superpétroliers? N’a-t-on pas encore assez crié sur tous les toits que ce genre d’oléoduc qui traversera notre fleuve, des dizaines de villes et villages, des autoroutes et 22 rivières est souvent et régulièrement le théâtre de dégâts environnementaux quasi irréparables?
Le lieu choisi par Mario Beaulieu pour lancer son cri d’alarme n’était pas anodin. Nous étions là devant une réserve mondiale de la biosphère reconnue par l’UNESCO. Ce lac, qui est la continuité de ce fleuve grandiose, risque l’asphyxie, la mort lente qu’un seul déversement de superpétrolier rendrait inévitable. Le député bloquiste de Bas-Richelieu-Bécancour-Nicolet, Louis Plamondon, l’a fort bien expliqué : «Le pétrole (standard) est récupérable à 90% alors que le pétrole des sables bitumineux est récupérable à environ 15% à 20%». En clair, cette mélasse d’hydrocarbures est plus lourde et elle ne demeure pas en surface en cas de déversement.
Notre eau potable en péril
Le port pétrolier à Cacouna et le passage de l’oléoduc TransCanada annuleraient, à eux deux, tous les efforts des provinces pour lutter contre les changements climatiques et mettraient en péril toutes les réserves d’eau potable dans la moitié du pays, selon Greenpeace. Rien que ça.
En écoutant Mario Beaulieu expliquer que le gouvernement fédéral n’a même pas adopté de plan d’urgence face à la possibilité d’un éventuel déversement dans le fleuve, il m’est revenue cette idée fascinante et profonde de ce lien incontournable entre la survie de l’humain sur cette planète et la préservation de son milieu biologique. Le miracle vivant qui nous entoure et celui de notre survivance ne semblent pas préoccuper beaucoup cependant nos thuriféraires du pétrole. Pour quarante ans d’or noir, il leur importe peu de détruire ce qui a pris des milliards d’années à surgir du néant pour notre plus grand bonheur et pour assurer la longévité de notre espèce en ce monde. Nous parlons ici de prodiges, eux parlent de profits.
Le gouvernement Couillard atteint dans cette affaire des sommets d’étourderie et d’irresponsabilité.
Le Québec à genoux
Non seulement est-il à genoux devant les pétrolières mais il rampe aussi devant le gouvernement fédéral au nom d’une unité canadian qui n’a rien à faire de la salubrité de nos habitats halieutiques, de la pureté de notre eau potable, de la beauté majestueuse de nos sites touristiques, de cette faune aviaire fabuleuse et, certainement, de la survivance de notre nation. Philippe Couillard use de l’argument de la péréquation pour nous faire accepter de renoncer à notre bien. Quel argument fallacieux! Quelle supercherie que cette péréquation qui n’est que structurelle et qui n’est en réalité que la résultante d’une économie canadian qui s’échafaude au détriment de celle du Québec. Le mal hollandais, vous connaissez? Il a été démontré mille fois que sans le Canada l’économie québécoise aurait bien davantage de mordant que ce que nous procure la sacro-sainte péréquation.
Combien de temps allons-nous endurer cette humiliation? Comment de temps tolérerons-nous que notre gouvernement du Québec se mette au service de ceux qui n’ont cure de notre réalité et de notre bien-être? Heureusement que l’opposition à ce projet s’organise; nous l’avons vu à Cacouna et à Sorel-Tracy récemment. Nous le voyons dans les journaux. Ce n’est qu’un début, j’ose croire. Il faut entraver de nos corps ce projet destructeur et menaçant.
Voilà où nous en sommes. Voilà ce que c’est que de ne pas être maîtres chez soi.
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1. «Cacouna – Les ingrédients de la controverse», par Alexandre Shields, Le Devoir, le 6 septembre 2014.
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