La Coalition avenir Québec (CAQ) se défend d’avoir l’intention « d’expulser » des immigrants, en dépit de sa volonté de les soumettre à des tests de valeurs et de français, dont l’échec mettrait en péril la possibilité d’obtenir la citoyenneté canadienne.
« Jamais de son histoire le Québec n’a “expulsé” d’immigrant. Il s’agit d’une responsabilité exclusive du gouvernement canadien et cela ne changera pas », écrit le parti de François Legault dans sa plateforme électorale en matière d’immigration.
Le document consulté par Le Devoir, dont le contenu a d’abord été révélé par L’Actualité, fait état de l’intention de la CAQ d’instaurer un « certificat d’accompagnement transitoire », un document valide pour trois ans qui rend le succès à des tests de français et de valeurs essentiel à l’obtention d’un certificat de sélection. C’est ce certificat qui « est obligatoire pour formuler auprès du gouvernement fédéral une demande de visa pour résidence permanente et pour l’obtention, ultimement, de la citoyenneté canadienne », souligne la formation politique.
À Ottawa, le cabinet du ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen, rappelle que « la proposition [de la CAQ] ne s’intègre pas dans l’entente actuelle », à savoir l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des migrants.
La CAQ souhaite renégocier cette entente, et Ottawa ne s’y oppose pas d’emblée, notamment parce que l’accord contient une clause permettant sa réouverture, à la demande d’une des parties.
Le cabinet Hussen n’a pas souhaité donner son avis sur la proposition de la CAQ. « L’immigration joue un rôle important dans l’économie canadienne et contribue au succès de notre pays depuis toujours », a néanmoins écrit l’attaché de presse Mathieu Genest.
Faire de la francisation un droit
Les tests proposés par la CAQ seraient soumis aux immigrants issus de la réunification familiale et à ceux appartenant à la catégorie « économique ». À ces derniers, le parti exigerait de surcroît de faire la démonstration de leurs démarches de recherche d’emploi ou de leur statut d’emploi.
Le test des valeurs, appelé « examen des connaissances des valeurs québécoises », viserait à valider l’adhésion des immigrants aux principes de la Charte des droits et libertés, comme l’égalité hommes-femmes, mais aussi au principe la « laïcité de l’État québécois et de ses institutions ». Un gouvernement de la CAQ « accordera une prolongation d’un an aux immigrants qui échouent » aux tests de français ou de valeurs, lit-on dans le document.
Pour assurer le succès de sa démarche, la CAQ suggère de mettre en place un programme de francisation obligatoire et d’assurer la « personnalisation » de celle-ci. « L’accès à la francisation doit devenir non seulement une obligation, mais un droit », est-il écrit dans le document, dans lequel la CAQ s’engage aussi à mener une « réforme en profondeur du ministère de l’Immigration », qui deviendrait aussi le ministère de la Francisation.
Le parti de François Legault réitère en outre son intention d’abaisser les seuils d’immigration de 20 %, pour que le Québec accueille 40 000 immigrants chaque année, et non plus 50 000.
« Inapplicable », selon Couillard
« C’est un autre exemple de proposition brouillonne de la CAQ », a réagi le premier ministre, Philippe Couillard. « C’est inapplicable à plusieurs égards. Ce qui sous-tend ce discours, c’est le fait que l’immigrant est un problème à régler, alors que c’est une occasion extraordinaire pour le Québec. Il n’y a pas un seul organisme qui soutient cette proposition », a-t-il avancé.
Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, s’est inquiété du climat d’« incertitude » que causerait selon lui la proposition caquiste. « [Et ça] va angliciser le Québec, parce qu’il dit : ça ne m’intéresse pas de choisir des immigrants qui connaissent le français au point d’entrée », a-t-il déclaré au sujet de François Legault, qui a auparavant dit croire que le Québec a accordé « trop d’importance à la connaissance du français » dans le processus de sélection des immigrants. À son avis, le fédéral n’exaucera pas la volonté caquiste d’expulser les immigrants qui auront échoué aux tests de français ou de valeurs.
Avec Guillaume Bourgault-Côté
LES POSITIONS DES PARTIS EN MATIÈRE D’IMMIGRATION
Parti libéral du Québec
Maintenir le nombre actuel d’immigrants admis entre 49 000 et 54 000 personnes. Réduire le délai de traitement des demandes des immigrants économiques. Favoriser l’intégration des immigrants par la francisation en entreprise.
Parti québécois
Confier au Vérificateur général du Québec l’établissement des seuils d’immigration. Exiger une connaissance intermédiaire du français des nouveaux immigrants économiques. Suspendre l’entente sur les tiers pays sûrs pour canaliser les immigrants irréguliers vers les postes frontaliers.
Coalition avenir Québec
Réduire le nombre d’immigrants admis de 50 000 à 40 000 par année. Soumettre les candidats à l’immigration à un test des valeurs québécoises et de français. Mettre en place un programme de francisation obligatoire. Faire passer la proportion d’immigrants sélectionnés par le Québec à 94 % en rapatriant du fédéral la gestion des dossiers de réunifications familiales.