La CAQ et le bien commun

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Le bien commun repose sur le sacrifice d'une partie de nos intérêts personnels pour favoriser l'intérêt collectif

Le programme politique de la Coalition avenir Québec (CAQ) tangue parfois un peu à gauche, mais plus souvent à droite, en fonction des courants populaires qui guident son programme. À écouter son chef, on entend mal le rôle que l’État devrait jouer dans la société. Par contre, les candidates et candidats qui porteront ses couleurs aux prochaines élections nous informent davantage sur la direction que prendrait le gouvernement qu’elle aimerait piloter.


Dans l’état-major économique de la CAQ, on retrouve Youri Chassin, qui a été longtemps économiste à l’Institut économique de Montréal. Ses analyses économiques ont toujours été campées très à droite, à un tel point qu’on peut l’associer aux idées de Margaret Thatcher qui, rappelons-le, a déjà affirmé que la société n’existe pas. En ce sens, M. Chassin affirmait récemment qu’un État se mettant au service du bien commun était un mythe : « Si je me montre si suspicieux envers les solutions étatiques, c’est principalement parce que je ne crois pas au mythe d’un État au service du bien commun. Déjà, l’idée qu’il puisse exister un “bien commun” sonne l’alarme » (22 mars, blogue personnel de M. Chassin). On croirait entendre ici Ayn Rand, cette idéologue qui a inspiré les libertariens associés au Parti républicain des États-Unis. Mais qu’en est-il de cette idée du bien commun ? Est-elle une illusion sans valeur comme monsieur Chassin le croit ?


Intérêt collectif


Jean-Jacques Rousseau est probablement le philosophe ayant le mieux défini cette notion, inspirant à sa suite la Révolution française et bon nombre de programmes politiques sociaux-démocrates. Pour ce philosophe, le bien commun concurrence les intérêts particuliers au sein d’une société. Faire démocratie consiste à accepter de sacrifier une partie de ses intérêts personnels (par exemple à travers les taxes et les impôts) pour favoriser l’intérêt collectif (à travers les services publics). L’histoire du Québec nous démontre que l’État a bel et bien été au service du plus grand nombre. Par exemple, la nationalisation de l’hydroélectricité sous Jean Lesage a permis de donner à tous les Québécois une source d’approvisionnement électrique plus fiable et moins coûteuse que lorsque les sociétés américaines avaient la main mise sur nos rivières. Cette nationalisation a de toute évidence bénéficié aux Québécoises et Québécois qui se payent l’un des services électriques les moins chers en Amérique du Nord. Ne croyant pas en l’intervention de l’État au service du bien commun, on ne s’étonnera pas que M. Chassin soit pour une privatisation partielle d’Hydro-Québec.


Notre système des centres de la petite enfance est un autre exemple de service qui favorise l’intérêt collectif. La mise en place de ce système de garde à prix abordable en 1997 a permis une plus grande participation des femmes au marché du travail et a favorisé le développement de tous les enfants, qu’ils soient de milieux favorisés ou de milieux défavorisés. Par le fait même, les enfants qui fréquentent les CPE arrivent mieux préparés à l’école, ce qui accroît leur réussite et leur persévérance scolaires (Laurin et autres, Pediatrics, 2015). Si monsieur Chassin devait être élu, il y a fort à parier qu’il fera pression sur le gouvernement pour un désinvestissement de l’État dans le réseau des CPE, puisqu’il est défavorable à l’existence de ce service public.


Nous pouvons conclure que monsieur Chassin nous propose une vision du bien (le commun n’existe pas pour lui) qui repose sur la somme des intérêts particuliers plutôt que sur l’intérêt du plus grand nombre. L’entrée en politique de monsieur Chassin a pour mérite de nous faire réfléchir collectivement sur le bien commun, sur sa définition et sur le modèle de société que nous voulons. 


> La suite sur Le Devoir.



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