La capitale, xénophobe? Si Robert Lepage avait tort...

Québec - pluralité et intégration


Allard*Marc - Xénophobe, la capitale ? Robert Lepage croit que oui. Mais ils sont plusieurs à penser qu'il exagère. Et qu'à force d'en parler, il aura tort.
Luigi Matei, président de la communauté roumaine de Québec, vit ici depuis 10 ans. Pour lui, le dramaturge généralise une réalité marginale. "Il y a des gens xénophobes partout dans le monde, dit-il. Même en Roumanie. C'est vrai qu'il y a pas mal moins de population immigrante à Québec qu'à Montréal. Mais ce n'est pas la xénophobie. C'est le facteur économique."
À son arrivée dans la capitale, M. Matei ne parlait que l'anglais. "On m'avait dit de ne parler seulement qu'en français "parce qu'ici, c'est le fief du nationalisme québécois". Je me suis risqué, et les gens m'ont répondu quand même. (...) J'ai été très bien accueilli et j'ai appris le français."
Présidente du Conseil d'affaires et de culture Québec-Bulgarie, Nadia Kichkina réside à Québec depuis 16 ans. Et elle n'est pas d'accord avec Robert Lepage. "Xénophobie, c'est un mot qui est très fort, dit-elle. Bien sûr, certains milieux sont plus fermés que d'autres. Mais depuis que je suis ici, je n'ai jamais vraiment senti que les gens avaient peur de moi."
Lorsqu'elle s'est établie à Québec, en 1990, Mme Kichkina se souvient que les immigrants avaient de la difficulté à se trouver des emplois. "Maintenant, remarque-t-elle, c'est beaucoup plus facile."
Peur de l'inconnu
Louis Duquet, président de la Chambre de commerce de Québec, sait combien la capitale a de la difficulté à attirer les immigrants pour pallier la pénurie de main-d'oeuvre qui freine sa croissance. Selon lui, les Québécois n'ont pas tant "peur de l'autre", comme disait M. Lepage, que "peur de l'inconnu". D'où la nécessité de sensibiliser les gens à la différence.
Pour sa part, la mairesse de Québec, Andrée Boucher, estime qu'il est impossible de juger si les gens de Québec sont xénophobes. "Les sentiments, dit-elle, ça ne se mesure pas." De son expérience personnelle et à titre de mairesse, elle ne tire cependant rien qui puisse fonder les propos de Robert Lepage. "Au contraire, dit-elle, j'ai toujours eu l'impression que les gens étaient bien accueillis."
En novembre 2004, un sondage CROP commandé par Le Soleil révélait que 18 % des gens de Québec étaient fortement ou plutôt d'accord avec l'idée selon laquelle il y a "trop d'immigration", jugeant que cela "menace la pureté du pays." À l'inverse, 78 % des gens étaient dans l'ensemble favorable à ce qu'on ouvre davantage les portes à l'immigration. Par ailleurs, chez ceux qui avaient plus de 16 ans de scolarité, cette proportion atteignait 86 %. De la même manière, ceux qui déclaraient les revenus les plus élevés étaient les plus accueillants.
Petite baisse
L'opinion change-t-elle avec le temps ? Trois ans plus tôt, un sondage SOM révélait que 20 % des Québécois estimaient que les immigrants étaient trop nombreux. Une baisse de 2 %, en somme.
Nadia Kichkina estime que, durant les dernières années, les mentalités à Québec ont évolué sur la question de l'immigration. "Comme on en parle beaucoup, dit-elle, les gens sont sensibilisés à plus grande échelle. Je pense que ça va changer vers le mieux."
Bien sûr, les immigrants qui ont un accent suscitent encore la curiosité et les interrogations, remarque-t-elle. "Ici, les gens nous parlent, nous posent des questions. Alors qu'à Montréal, on est anonyme. Est-ce que c'est vraiment mieux ?"


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