On dit souvent que « ça prend de tout pour faire un monde ». Eh bien, la campagne de sociofinancement de l’humoriste Mike Ward lancée pour l’aider à rembourser ses frais juridiques dans l’affaire contre Jérémy Gabriel en est un exemple patent compte tenu que l’humoriste a reçu plus de 20 000 $ en l’espace de 24 heures.
Et dire que toute cette saga origine d’une « blague » grotesque sur le handicap de Jérémy. Une controverse d’autant plus cinglante que Mike Ward n’éprouve aucun regret, alléguant que les humoristes devraient avoir le droit de faire toutes les blagues, même si elles sont blessantes au nom de la sacrosainte liberté d’expression.
Pourtant, dans les cours de philosophie que j’ai suivis dans ma tendre adolescence, on m’a enseigné que ma liberté s’arrête là où je brime celle de l’autre. Or, il appert que cette définition ne s’applique pas pour les 795 donateurs qui appuient Ward dès la première journée de sa campagne.
Signe des temps? Peut-être. Une liberté d’expression au-dessus de tout? Inacceptable à mes yeux. Pour ce qui est de Mike Ward, il a manifesté son intention de se rendre jusqu’en Cour suprême, si nécessaire…Une histoire à suivre!
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1 commentaire
Henri Marineau Répondre
8 août 2016Pour alimenter votre réflexion...
Lettre d'une enseignante à Mike Ward et aux humoristes
Je suis en vacances et j'ai le temps de suivre les nouvelles un peu plus qu'à mon habitude. Depuis quelques semaines, je lis des tonnes d'articles au sujet de l'affaire qui oppose Mike Ward et Jérémy Gabriel. De nombreuses publications envahissent aussi mon Facebook. Impossible pour moi, en tant qu'enseignante au secondaire, de ne pas vous faire part de ma vision des choses à vous humoristes qui criez haut et fort à l'injustice et qui voyez, à travers ce débat, une noble cause et la nécessité de défendre le droit d'expression...
Au Québec, en 2016, on se bat contre l'intimidation dans les écoles. C'est comme ça depuis quelques années maintenant, depuis que de trop nombreuses histoires de jeunes intimidés sont venues jusqu'à nos yeux et nos oreilles. Des histoires tristes qui parfois ont eu des dénouements tragiques, qui ont même mené jusqu'au suicide. Plus personne ne peut nier ce problème aujourd'hui! Tout le monde s'entend pour prévenir et intervenir!
Dans les écoles, l'alarme est sonnée, le mot d'ordre est donné: tolérance zéro face à l'intimidation! On se mobilise et tous les intervenants sont concernés. On doit être à l'affût, tenter d'identifier les situations à risque, encourager les victimes à briser le silence, sensibiliser les jeunes qui en sont témoins à se positionner contre et surtout punir adéquatement les oppresseurs.
Vous le savez aussi, chers humoristes, je vous entends parfois nous raconter votre propre adolescence, pas facile pour personne cette partie de notre vie! On doit apprendre à s'accepter tel qu'on est, à se faire respecter, à prendre la place qui nous revient sans toutefois écraser les autres autour... Pas facile pour un jeune "dit normal", encore moins pour un jeune différent...
En tant qu'enseignante, on me questionne parfois sur ce sujet. On me demande ce que je mets concrètement en place pour contrer l'intimidation et c'est normal, mon rôle est majeur! Je suis un modèle pour mes élèves. Ce que je dis, ce que je fais, la façon dont je me positionne face aux différentes réalités influence et influencera longtemps ces futurs citoyens que je tente d'éduquer, d'années en années, au meilleur de mes capacités.
En tant qu'humoristes, vous êtes aussi des modèles. Voilà un rôle et une responsabilité sociale que vous ne pouvez totalement mettre de côté...
Donc d'une part, socialement, on s'entend tous pour prendre des mesures pour contrer l'intimidation et d'une autre, on doit donner libre cours à un humoriste qui insulte et s'acharne à ridiculiser un jeune qui est déjà victime des moqueries à son école?
En réalité, mon opinion est que de faire publiquement ce genre de blagues qui visent un adolescent (d'autant plus, un adolescent handicapé), c'est de favoriser l'intimidation!
S'acharner sur l'apparence d'un jeune qui est à risque d'être attaqué, c'est de "donner du jus" aux intimidateurs! Voilà pourquoi cette situation est inacceptable!
Monsieur Ward, à quoi avez-vous pensé en répétant ces blagues méprisantes à l'égard d'un ado qui cherche à faire sa place malgré son handicap? Et quel homme de cro-magnon, totalement déconnecté de ce qui se passe actuellement dans nos écoles, en quête constante de scandale faut-il être pour ne pas faire la différence entre des jokes de mauvais goût et la liberté d'expression?
« Cinq ans plus tard, y est pas encore mort! Il meurt pas, le petit tabarnak! Moi, je le défendais, comme un cave. Et lui, y meurt pas. Moi, je te défends: toi, tu crèves, câliss. Asti de sans-cœur ! Y est pas tuable! Je l’ai vu aux glissades d’eau à Bromont, l’été dernier, j’ai essayé de le noyer. Pas capable, pas capable! Je suis allé voir sur internet, pour voir c’est quoi, sa maladie. Sais-tu c’est quoi qui a ? Y est lette, esti !!! »
Heu... vraiment?!
C'est pour ça que vous, humoristes, vous vous mobilisez présentement? C'est pour cette cause, monsieur Ward, que vous vous permettez maintenant de faire appel à la générosité de la population à travers votre levée de fonds? Pour avoir le droit de dire de pareilles saloperies en public!? Vous osez appeler ça de l'humour? À ce compte-là, n'importe quelles insultes et injures peuvent être de l'humour! Si c'est le cas, je peux vous dire une chose: la relève est assurée! Il y a plein de futurs humoristes dans ce genre-là dans nos classes!
Sérieusement, de crier haut et fort que le monde de l'humour est dorénavant à risque de censure à outrance, c'est de dévier de la vraie nature de cette histoire!
La liberté d'expression n'est pas en jeu!
Pas plus que si un jeune la revendique alors que j'interviens dans une situation d'intimidation! Je fais la différence, je m'efforcerai d'enseigner la différence à mes élèves et j'ose espérer que la population, humoristes compris, feront aussi la différence...