Au terme d'une enquête longue de huit ans, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a acquis une certitude: l'Iran s'applique bel et bien à la fabrication de la bombe. À peine communiqué, ce constat a eu pour conséquence l'immatriculation du dossier au tableau des cauchemars internationaux.
Avant toute chose, il faut s'attarder à un aspect très important du sujet même s'il a pour titre la très rébarbative méthodologie de recherche. C'est tout simple: échaudée par la transformation en 2002 du débat sur les armes de destruction massive irakiennes en un fiasco anglo-américain, et donc des répercussions négatives, même si indirectes, qu'il a eues sur la crédibilité de l'AIEA, la direction de celle-ci a opté pour une augmentation du coefficient de difficulté inhérent à son mandat. Par exemple, ils ont apporté un soin méticuleux à la diversité comme au nombre de sources. On passe sur bien des détails, pour mieux retenir que les inspecteurs dirigés par un ancien diplomate japonais ont eu la conviction que l'Iran mentait de long en large lorsqu'ils ont réalisé que des scientifiques travaillaient à la confection d'un détonateur nucléaire. Point.
Jusqu'à présent, la réponse la plus vive, qu'on imagine coordonnée avec les États-Unis, Israël et autres alliés, est venue de Paris. Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a affirmé que le rapport de l'AIEA ouvrait grand la porte à une série de sanctions plus dures que celles arrêtées jusqu'alors par l'ONU, notamment sur le flanc financier. Le hic, c'est qu'il est écrit dans le ciel que Moscou et Pékin s'y opposeront parce que leurs intérêts géopolitiques et économiques divergent de ceux des États-Unis, d'Israël et quelques autres. Précisons.
La Russie était et demeure le principal fournisseur d'armes de l'Iran. Et d'une. Et de deux, un physicien russe a aidé des homologues iraniens. Dans le cas de la Chine, c'est tout simple: l'Iran est de loin son principal fournisseur de pétrole et de gaz. Quoi d'autre? Tant pour la Chine que pour la Russie, l'Iran chiite est ce que l'Arabie saoudite sunnite est pour les États-Unis, soit un allié. Un allié certes encombrant, mais un allié tout de même; un intermédiaire susceptible de contrecarrer les intérêts américains dans la région. Reste la question des questions.
Est-ce que les États-Unis vont donner leur aval à une attaque préventive des installations iraniennes par l'aviation israélienne? Pour l'instant, le scepticisme régnant, c'est loin d'être sûr. Il en est ainsi d'abord pour une raison qui a trait à la géographie du réseau nucléaire iranien. Parce que l'essentiel de celui-ci est enfoui dans le sous-sol, un bombardement ne donnerait pas les résultats escomptés. Ensuite, l'administration Obama est consciente qu'une telle opération se traduirait par une sacrée déstabilisation dans la région. Si Israël attaque avec le soutien incontournable de Washington, alors les chiites, qui sont majoritaires en Irak, ainsi que les talibans en Afghanistan redoubleront d'ardeur contre les forces militaires américaines. Histoire évidemment de ne pas être en reste, l'Iran pourrait fort bien envoyer des missiles sur les bases américaines situées dans le golfe Persique. Bref, on assisterait à une réaction en chaîne à l'ampleur inouïe.
D'autant que la Turquie, l'Arabie saoudite et l'Égypte, lorsqu'elle était dirigée par Hosni Moubarak, ont prévenu qu'à la production d'une bombe chiite, ces trois pays répondront par la production d'une bombe sunnite. Ce dossier est la définition du vertige.
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