Notre chroniqueur Mathieu Bock-Côté séjourne actuellement en France, d’où il observe l’actualité française d’un œil québécois.
Chaque été, elle revient en boucle, et chaque fois avec plus d’ampleur : je parle de la bataille du burkini.
Ces derniers jours, elle est revenue à l’avant-scène à partir de la ville de Grenoble. Le maire, Éric Piolle, a décidé de l’autoriser dans les piscines municipales.
L’Iinterdiction du burkini, apparemment, serait discriminatoire. Plus encore : son autorisation serait un progrès social, les pouvoirs publics ne devant apparemment jamais se mêler de la tenue de ceux qui s’exposent dans la cité.
Éric Piolle se dit aussi convaincu qu’il faut à la fois libérer le burkini et les seins nus.
Grenoble
Tout cela au nom de la déconstruction du patriarcat.
L’affaire remue la France. Sur les plateaux de télévision, à la radio, et dans le débat politique, même, on se demande que faire devant ce symbole.
Il est généralement admis que le burkini entre en collision frontale avec la laïcité. Mais comment définir la laïcité aujourd’hui ? S’agit-il seulement d’un principe régulant l’espace public ou d’une expression de l’identité française devant former les mœurs des uns et des autres, surtout de ceux qui appartiennent culturellement à une civilisation étrangère ?
Certains accusent Éric Piolle de faire preuve de naïveté. Il ne se rendrait pas compte que l’islam le plus radical, celui qui milite pour la burkinisation des femmes, instrumentalise les droits et libertés proposés par la civilisation occidentale pour imposer certaines pratiques culturelles qui, à terme, les aboliront ou les videront de leur sens.
En gros, un quartier où le burkini s’impose peu à peu se transformera tôt ou tard en quartier où le burkini régnera. Car les femmes qui refuseront de le porter seront intimidées, condamnées aux marges de la société, jugées impudiques, de mauvaise vie.
Cet argument porte, pour peu qu’on se rappelle que la démographie commande l’histoire des sociétés. Les quartiers qui s’islamisent laissent peu de place aux codes culturels français. Le voile s’y normalise, les boucheries halal aussi, et l’identité française y est condamnée à une existence résiduelle.
Et ces quartiers sont de plus en plus nombreux.
Cela va plus loin : pour ses critiques, le burkini est le symbole d’une nouvelle offensive islamiste pour imposer ses exigences dans les sociétés occidentales.
Il s’agit de rendre toujours plus visible l’islam le plus radical, qui, par ailleurs, prend en otages les musulmans qui voudraient vivre leur foi en paix sans se faire embrigader malgré eux par une idéologie en lutte contre l’Occident.
Résistance
Si la France est particulièrement intéressante lorsqu’on aborde un tel débat, c’est qu’elle le mène sur le plan des principes. Elle ne se contente pas d’y voir une querelle pragmatique à l’anglo-saxonne. Elle comprend qu’à travers un symbole pour le burkini, c’est toute une idée de la société et de l’intégration qui est en jeu.
La France, pays des grands débats, ne se laisse pas intimider par ceux qui considèrent que la moindre résistance à l’islamisme est une preuve d’intolérance.
Ce débat ne disparaîtra pas, pour le meilleur ou pour le pire.
Une première ministre
Le faux suspense des derniers jours est récemment tombé : la France aura pour une deuxième fois une femme comme premier ministre. Faut-il dire premier ministre ou première ministre ? Tous ne s’entendent pas ! Il s’agit d’Élisabeth Borne, qu’on dit très au fait de ses dossiers, mais sans charisme. Marquée à gauche, elle est à la tête d’un gouvernement de transition écologique. Son gouvernement sera toutefois de brève durée : les élections législatives auront lieu les 9 et 16 juin.
Quand le woke l’emporte sur l’antiwoke
Depuis cinq ans, Jean-Michel Blanquer était ministre de l’Éducation nationale. Sur la question woke, qui a pris beaucoup de place depuis deux ans, il était d’une belle fermeté. Il ne faisait aucun compromis avec l’obsession raciale à l’américaine, non plus qu’avec la cancel culture. Son successeur, Pap Ndiaye, représente une ligne absolument contraire. Plusieurs, surtout dans la gauche républicaine, mais aussi dans la droite ralliée à Macron, voient dans cette nomination une trahison. Le wokisme vient de prendre le pouvoir en éducation en France.
Le mage du Kremlin
Un grand roman permet souvent de mieux comprendre le monde que cent livres de sociologie. C’est le cas du livre Le mage du Kremlin, de Giuliano da Empoli, qui vient de paraître chez Gallimard. Quel livre exceptionnel, qui permet d’entrer dans la tête de Vladimir Poutine, de pénétrer sa vision du monde, et qui permet de mieux comprendre les terribles événements en Ukraine. On aurait envie de dire : vive la littérature !