Demain sera le 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham. Depuis ce jour du 13 septembre 1759, le Québec a parcouru une longue route, acquérant au fil de ses échecs et de ses succès une maturité que les 60 000 «Canadiens» qui, ce jour-là, se retrouvaient tout à coup sous la domination anglaise n'osaient certainement pas croire cela possible. Malgré tout, leurs descendants savent que rien n'est définitivement acquis. À l'occasion de cet anniversaire, un devoir de mémoire s'impose.
Ce 13 septembre 1759 est un événement fondateur. Au-delà de toutes les interprétations et polémiques historiques, un fait reste indéniable. Cette date marque une rupture avec le régime français que confirmera le traité de Paris en 1763. Or, qui dit rupture dit changement. Un changement qui fut pour le mieux, prétendent aujourd'hui certains, alors que d'autres croient que le mieux aurait été de pouvoir croître sous la protection du roi de France plutôt que sous celle du roi d'Angleterre.
Ce débat autour du «mieux et du pire» est un débat vain, car refaire le cours de l'histoire est chose impossible. La réalité est tout simplement que, coupée de sa mère patrie, la petite communauté française du Saint-Laurent fit ce choix instinctif de préserver son identité dans une Amérique devenue anglo-saxonne. Dès lors s'engagea la bataille de la survivance remportée grâce à une série d'accommodements, pour prendre un mot aujourd'hui à la mode. Des accommodements parfois consentis, parfois arrachés, parfois imposés et acceptés à son corps défendant. Mais essentiellement que des accommodements.
La cohabitation et la co-existence (le trait d'union a ici toute son importance) entre les deux peuples dits fondateurs n'ont jamais été totalement harmonieuses. En 250 ans, on ne compte plus les batailles d'affirmation nationale pour obtenir des écoles françaises, des timbres et de la monnaie bilingue, ou encore autour de l'exercice de l'autonomie provinciale et de la reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise. Demeurent toujours des réticences au sein de l'autre peuple fondateur à accepter l'existence d'une «différence».
Le fait d'être aujourd'hui près de sept millions de francophones au Canada est en soi un succès. On peut cependant se demander si le Québec serait rendu plus loin s'il n'avait parfois pris des chemins de traverse, comme ce repli sur soi qui lui a fait prendre un retard économique qu'il n'a pas encore totalement rattrapé. Des chemins de traverse qui l'ont conduit à des impasses. Ce fut le cas avec l'accord du lac Meech pour les réformateurs québécois du fédéralisme et avec le référendum de 1995 pour les souverainistes. L'une et l'autre voies qui apparaissent encore aujourd'hui sans issue.
La maturité acquise par le Québec au fil de ces 250 ans lui permet de se réfugier en lui-même. Son vote constant pour le Bloc québécois aux élections fédérales depuis 16 ans n'est rien d'autre qu'une manifestation de résistance passive servant à affirmer son caractère distinct. Cela est un état qui ne pourra toutefois durer éternellement. Les 250 ans d'histoire depuis ce 13 septembre 1759 nous disent que la résignation n'est surtout pas un choix. Soit il faudra reprendre le dialogue pour trouver de nouveaux accommodements qui donneront un sens à la reconnaissance du Québec comme nation, soit il faudra en venir à la conclusion que le Québec doit cheminer par lui-même.
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