La barrière de la langue

Chronique de Louis Lapointe

En cette journée de la Fête nationale des Québécois, ceux qui rêvent d’indépendance se demandent probablement comment nous allons réussir à la réaliser dans une société où il est encore possible de vivre sans parler le moindre mot de la langue de la majorité, le français. Comment partager notre désir de liberté avec ceux qui ne parlent pas notre langue ?
Compte tenu de leur nombre grandissant, les plus perspicaces auront certainement déjà compris que chaque fois qu’un immigrant adopte l’anglais comme langue d’usage, c’est le pays qui recule, alors qu’inversement, lorsque la langue française avance, le pays se rapproche.
Il y a donc urgence de faire en sorte que le français devienne la langue d’usage de tous les nouveaux arrivants afin que nous puissions leur parler dans la langue de nos ancêtres du pays que nous voulons fonder, faisant d’eux de véritables compatriotes.
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Alors que l’indépendance du Québec est toujours un projet envisageable à court terme, si nous ne le concrétisons pas bientôt, il sera de plus en plus difficile à réaliser dans un Québec où l’anglais deviendra avec le temps la langue d’usage des nouveaux arrivants.
Il ne faut pas oublier que le Canada est un pays d’immigration où la majorité des nouveaux locuteurs anglophones ne sont pas d’origine anglaise. Sachant cela, si nous laissons les immigrants adopter l’anglais comme langue d’usage au Québec à l’image de ce qui se passe dans le reste du Canada, ceux-ci étant de plus en plus nombreux, nous serons tôt ou tard noyés dans le flot de l’immigration, n’ayant d’autre choix que de constater le recul du français comme langue d’usage d’un nombre de moins en moins élevé de locuteurs québécois, l’anglais devenant au fil des ans la véritable lingua franca du Québec. Une langue qui s'impose déjà de façon prépondérante sur l'île de Montréal. À cause de leur nombre grandissant, les immigrants réussiront là où nos conquérants anglais ont échoué, nous assimiler.
Ainsi, la proposition de la direction du PQ d’obliger tous les francophones et allophones de fréquenter une institution d’enseignement francophone jusqu’au cégep et de faire du français la langue de travail dans les petites entreprises contribuera certainement à freiner la progression de l’anglais et à faire du français la langue d’usage d’un nombre plus élevé d’immigrants. Cela ne nous donnera pas l’indépendance, mais la rendra plus facilement réalisable le jour où nous voudrons bien sortir de la torpeur qui nous paralyse collectivement depuis 1995.
Plus nous serons nombreux au Québec à parler la même langue à l’école comme au travail, plus il sera facile de partager notre culture et notre projet de pays.
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Or, à l’approche des élections générales, la direction du PQ propose encore une fois aux membres du parti de mettre l’indépendance sous le boisseau afin de ne pas effrayer les électeurs les plus craintifs. La direction de ce parti ne souhaite pas que l’enjeu de la prochaine élection porte sur l’urgence de faire l’indépendance, remettant aux calendes grecques une éventuelle consultation populaire. Rien pour réjouir les indépendantistes.
Nous connaissons tous la chanson. Étant un parti de masse, le PQ prétend viser l’électorat le plus large possible afin de prendre le pouvoir, se réservant la possibilité de faire l’indépendance lorsque les conditions favorables seront réunies. Cela signifie de ne pas en parler avant les élections comme le PQ nous y a habitués depuis longtemps. Demain le bâton de pèlerin !
Nous sommes déjà nombreux à penser que la gouverne provinciale mènera à un cul-de-sac, s’il fallait que le PQ mette également la question linguistique sur la glace par pur électoralisme, cela enlèverait définitivement toute crédibilité à ce parti, achevant ainsi le long travail de déconstruction du PQ amorcé il y a 15 ans au lendemain du référendum de 1995.
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À défaut de vouloir faire de l’indépendance du Québec l’enjeu de la prochaine campagne électorale pour des raisons électoralistes, jamais le PQ ne pourra prétendre être le bon gouvernement provincial qu’il veut être s’il ne fait pas au moins de la défense de la langue française sa priorité absolue lors de son prochain congrès, car avouons-nous le, il sera de plus en plus difficile d’espérer réunir des conditions gagnantes dans une province où les locuteurs anglophones seront de plus en plus nombreux. Seuls les imbéciles n’auront pas compris cela.
Il est déjà ardu de convaincre les francophones de l’urgence de faire l’indépendance dans leur langue maternelle, et ce, même au sein du PQ, imaginez les chances de Pauline Marois de réussir à convaincre un nombre grandissant d’allophones qui votent déjà libéral en utilisant la langue de Shakespeare. Elle ne veut même pas en parler en français aux Québécois, craignant comme la peste que les électeurs les plus anxieux votent à nouveau pour le parti libéral.
Dans cette perspective, la défense de la langue française pourrait devenir une forme de prix de consolation pour les indépendantistes qui accepteront de militer pour l’indépendance hors du PQ tout en appuyant ce parti lors d’élections générales, évitant de le confronter sur cette question fondamentale.
Un compromis qui pourrait bien déplaire à la fois aux plus mous qui souhaiteraient que leurs enfants puissent devenir parfaitement bilingue grâce au passage dans un cégep anglophone et aux plus engagés qui sont conscients que le temps joue contre l’indépendance, ayant d'autres choses à faire que de jouer au chat et à la souris avec Pauline Marois qui risque à tout moment de laisser tomber le fromage qu’elle convoite tant entre les griffes du renard fédéraliste.
Un nouveau chef libéral, tout neuf, tout beau, pourrait bien venir mêler les cartes et compromettre les chances de Pauline Marois de devenir la première femme à être élue première ministre du Québec.

Compte tenu du fait qu’il y a péril en la demeure, ce n’est certainement pas en prétendant qu’on peut réformer le Canada que Pauline Marois réussira à convaincre les Québécois qu’un référendum ou une élection décisionnelle portant sur l’indépendance est absolument nécessaire.
Alors que nous avons encore la possibilité de la réaliser, il serait tellement plus simple de convaincre les Québécois que, sans l’avènement de l’indépendance, le français sera de plus en plus menacé au Québec, étant entendu qu’il y urgence de se donner un véritable plan pour un Québec souverain.
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Sur le même sujet au cours de la dernière année :
Le point de rupture,
Opération 1 million de Québécois pour l’indépendance,
Espèces menacées,
Prospectives et perspectives pour le Québec,
Lâcher-prise et take-over,
La souveraineté plus populaire que le PQ,
Sans courage, l’indépendance ne se fera pas,
Le grand écart,
Le syllogisme de Pauline.

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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