Les marchés se sont remis à craindre le pire, et les gouvernements ne savent plus très bien à quel saint se vouer pour aider leurs économies à gagner de la vigueur et éviter qu’elles replongent.
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Dire que l’un des principaux objectifs du sommet du G20 était de rassurer les marchés! Le gaz lacrymogène n’avait pas encore eu le temps de se dissiper dans les rues de Toronto que déjà un vent de pessimisme soufflait sur les principales places boursières de la planète.
Nourri par la sortie de mauvaises nouvelles économiques, le mouvement consistait à vendre des titres boursiers et autres contrats à terme pour les remplacer surtout par des bons du Trésor américain dont les rendements se rapprochent de plus en plus de zéro. Un tel mouvement n’a aucun sens à moins que l’on cherche à se protéger d’une correction des marchés ou, pire encore, que l’on s’attende à un nouvel effondrement économique.
Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, a tenté maladroitement de calmer les esprits, mardi. «La reprise va continuer et il n’y aura pas de récession à double creux», a-t-il affirmé tout en ajoutant «qu’il serait ridicule de dire qu’il n’y a aucun risque» et que ces risques étaient même «élevés».
Le lendemain, le Globe and Mail titrait: «la peur de la déflation monte». Trois jours auparavant, le chroniqueur du New York Times et Prix Nobel d’économie, Paul Krugman, disait lui-même craindre le début d’une troisième dépression mondiale, 80 ans après la «Grande Dépression» des années 30, elle-même précédée par la «Longue Dépression», à la fin du XIXe siècle.
Évoquée de temps à autre durant les moments difficiles, la perspective d’une déflation produit toujours son effet. Elle renvoie à cette situation contre laquelle les baisses de taux d’intérêt et les mesures de relance ne peuvent pratiquement rien et où le ralentissement économique entraîne une chute constante des prix qui incite elle-même les consommateurs et les entreprises à dépenser moins, ce qui plonge le pays plus profondément encore dans la récession.
C’est entre autres pour éviter de tomber dans ce cercle vicieux que les gouvernements et les banques centrales ont déployé depuis des mois tous ces moyens pour combattre la crise économique pendant qu’il en était encore temps. Une majorité d’entre eux ont toutefois exprimé à Toronto leur désir de passer à autre chose, c’est-à-dire à l’extinction graduelle de leurs mesures de relance et à l’assainissement de leurs finances publiques.
On justifie ce changement par le fait que le principal frein à la consommation des ménages et à l’investissement des entreprises serait aujourd’hui l’incertitude entretenue par l’endettement rapide des gouvernements. La thèse en vogue est que les dommages à court terme infligés par une contraction des dépenses publiques (que l’on préfère aux hausses d’impôts) finiront par être plus que contrebalancés par le retour de la confiance et la réduction du poids de la dette publique. D’ici là, estime le FMI, l’action simultanée des gouvernements du G20 n’ajouterait plus 2 % à la croissance économique mondiale comme l’an dernier, mais la réduirait au contraire de 1 % l’an prochain.
Préférer l’orthodoxie à la reprise
«Quelles sont les chances que cela fonctionne? Bien minces, je le crains», écrivait, il y a deux semaines, le chroniqueur-vedette du Financial Times, Martin Wolf. Les défenseurs du retour à l’austérité aiment bien citer en exemple le Canada, la Suède ou encore la Finlande des années 90, a-t-il souligné. Ils oublient toutefois de dire que le succès de ces pays a largement reposé sur une dépréciation de leurs monnaies, une baisse des taux d’intérêt et une forte augmentation des exportations, alors que les taux d’intérêt sont déjà à leurs plus bas niveaux aujourd’hui, que la demande extérieure est poussive et que, par définition, tout le monde ne peut pas voir la valeur relative de sa monnaie diminuer en même temps.
«C’est à croire que les marchés financiers comprennent ce que les politiciens ne semblent pas voir», disait dans sa chronique Paul Krugman à propos de ces capitaux qui continuent de fuir la Grèce et l’Irlande en dépit de leurs plans d’austérité draconiens. «Et c’est que sabrer les dépenses publiques en pleine crise économique aggrave la crise et ouvre la voie à une déflation.»
Tous ne sont heureusement pas aussi pessimistes. Les économistes rappellent d’abord que l’on s’attendait déjà à un ralentissement économique en seconde moitié de l’année. Plusieurs d’entre eux disent maintenant que la reprise pourrait être simplement encore plus faible et encore plus lente que prévu.
Le FMI presse les gouvernements d’attendre le plus longtemps possible avant de recourir à des compressions budgétaires. Il les invite à accorder plutôt la priorité à l’amélioration de la viabilité de leurs régimes de retraite et d’assurance maladie.
Le fameux «Docteur Catastrophe», Nouriel Roubini, voudrait quant à lui que l’Allemagne, le Japon et la Chine adoptent de nouvelles mesures visant à stimuler leur consommation intérieure. Martin Wolf estime pour sa part que les gouvernements ne devraient pas hésiter, au besoin, à financer leurs dépenses en faisant fonctionner la planche à billets.
Il existe d’autres solutions que les compressions budgétaires auxquelles veulent recourir aujourd’hui les gouvernements, écrivait le chroniqueur. «Le problème, c’est qu’elles sont inorthodoxes et qu’un grand nombre de gens “raisonnables” préfèrent avoir des récessions orthodoxes que des reprises inorthodoxes.»
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