Les dirigeants des pays européens ont affûté mercredi soir leur réponse collective aux «caprices» du président américain Donald Trump dans les dossiers du nucléaire iranien et du commerce international, lors d'une rencontre à Sofia.
Leur dîner de travail de plus de trois heures n'a pas donné lieu à des décisions formelles. Mais les 28 ont convenu que «l'UE continuera de se battre pour un système international basé sur des règles malgré les récentes décisions sur le climat, les droits de douane et l'Iran», a expliqué une source européenne à l'AFP.
«Nous sommes témoins aujourd'hui d'un nouveau phénomène, l'attitude capricieuse de l'administration américaine», a dénoncé le président du Conseil européen Donald Tusk, avant le début de la réunion. «Quand on regarde les dernières décisions du président Trump, on pourrait même se dire qu'avec de tels amis, pas besoin d'ennemis», a-t-il ajouté.
Les fortes turbulences dans les relations transatlantiques ont constitué le plat de résistance du dîner, prélude d'un sommet jeudi consacré aux liens que l'UE veut renforcer avec les pays des Balkans.
Les 28 ont cherché avant tout à afficher une unité sans faille face aux défis américains, notamment celui du retrait de l'accord sur le nucléaire iranien et des sanctions frappant leurs entreprises opérant dans ce pays.
Les chefs d'États et de gouvernements continueront de soutenir l'accord, «pour autant que l'Iran le respectera». Et ils vont «lancer leurs travaux pour protéger les entreprises européennes affectées par la décision américaine», a précisé une source européenne à l'AFP.
Donald Tusk avait demandé aux trois pays européens signataires de l'accord nucléaire avec Téhéran - la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne - de partager leur évaluation de la situation, au lendemain d'une réunion à Bruxelles avec le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Zarif.
Les Européens discutent notamment de la possibilité d'appliquer une loi dite «de blocage», un instrument permettant de protéger leurs entreprises travaillant en Iran face aux menaces de sanctions extraterritoriales américaines.
«Moyens limités»
«Les moyens sont là, nous les utiliserons. Mais il ne faut pas se voiler la face, les moyens sont limités», a toutefois prévenu le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Le géant français Total a d'ores et déjà averti qu'il mettrait fin à son grand projet gazier en Iran, démarré en juillet 2017, à moins d'obtenir une dérogation de la part des autorités américaines, avec le soutien de la France et de l'UE.
Les Européens se sont aussi engagés mercredi soir à «répondre aux inquiétudes concernant le rôle régional de l'Iran (au Moyen-Orient) et son programme de missiles balistiques», selon la source européenne.
Droits de douane
Les 28 ont aussi fait le point sur les discussions en cours avec les Américains au sujet des droits de douane sur l'acier et l'aluminium.
«Mon objectif est simple : rester fermes. Cela signifie une exemption permanente» de ces taxes douanières, a réaffirmé mercredi Donald Tusk. «Il est absurde de penser que l'UE pourrait être une menace pour les États-Unis. Nous devons ramener la réalité dans cette discussion», a-t-il plaidé.
L'UE est exemptée jusqu'au 31 mai à minuit des taxes douanières américaines de 25 % sur ses exportations d'acier et de 10 % sur celles d'aluminium. Pour l'exempter définitivement, Washington exige une plus grande ouverture du marché européen.
Ouvertures
«L'UE ne négociera pas avec un pistolet sur la tempe», ont affirmé ensemble mercredi les 28 à Sofia, selon la source européenne.
Mais si les États-Unis leur accordent l'exemption permanente qu'ils réclament, les Européens sont prêts «à ouvrir des discussions» sur plusieurs sujets, comme l'amélioration de «l'accès réciproque aux marchés, pour les produits industriels, dont les automobiles, et l'ouverture des marchés publics», a détaillé cette source.
«Malgré toutes les difficultés que nous rencontrons ces jours-ci, les relations transatlantiques sont et resteront d'une importance capitale», avait souligné la chancelière allemande Angela Merkel devant le Bundestag avant de rejoindre Sofia.
Outre l'Iran et le commerce, les 28 avaient aussi prévu de parler mercredi soir des événements à Gaza, qui sont aussi liés «à la question plus vaste des conséquences des décisions de Donald Trump», a souligné un haut responsable européen.
Jeudi, les Européens vont rencontrer leurs homologues de six pays des Balkans (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Macédoine et Kosovo) pour raffermir les liens avec cette région où la Russie tente d'étendre son influence.