L'OSDH, source contestée de la guerre en Syrie

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L'OSDH, créature du régime Al-Assad ou du Qatar ?

L'Observatoire syrien des droits de l'homme est l'une des principales sources d'information sur le bilan du conflit qui secoue le pays depuis 2011. Tenu par un opposant au régime, Rami Abdel Rahman, vivant à Londres, l'organisation est loin d'être indépendante.


«Selon l'OSDH». Ces mots ponctuent chaque bilan de la guerre en Syrie dans les médias. Les chiffres de l'«Observatoire syrien des droits de l'homme» sont systématiquement repris par les principales agences de presse, AFP, AP et Reuters, et, donc, par la plupart des médias. Pourtant, rien n'est moins évident que la fiabilité de cette organisation, qui est loin d'être indépendante.


Créée en 2006, l'OSDH se présente comme «un groupe d'individus, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, qui documente sur la situation des droits de l'homme en Syrie et leur violation». Elle est devenue à partir de 2011 la principale source d'information des médias occidentaux sur le conflit syrien. Derrière l'OSDH, un seul homme: Rami Abdel Rahman, de son vrai nom Ossoma Suleiman, sunnite laïc, membre de l'opposition, qui vit à Coventry en Grande-Bretagne. Il n'a pas mis les pieds en Syrie depuis 2000, date à laquelle il a quitté le pays pour des raisons politiques. Rahman affirme disposer d'un réseau de


plus de 200 activistes sur le terrain, qui lui permettent de centraliser et vérifier l'information. Contrairement à d'autres groupes ouvertement prorebelles, l'OSDH a pour particularité, comme l'ONU d'ailleurs, de comptabiliser aussi bien les victimes côté régime que côté rebelles.


Peu d'experts du conflit accordent de la crédibilité aux informations de l'OSDH, et beaucoup s'abstiennent de citer ce que le chercheur Frédéric Pichon qualifie même d'«officine artisanale, sans réelle fiabilité». Quand l'ONU a donné ses premiers bilans humains du conflit en 2012, l'OSDH était bien en dessous de la comptabilité effectuée par l'ONU: il avait comptabilisé 45.326 morts contre 60.000 pour les Nations unies.


Dans un article sur son blog du Monde , Ignace Leverrier, ancien diplomate spécialiste de la Syrie décédé en 2014, revenait longuement sur la «crédibilité perdue de Rami Abdel Rahman». Il y affirmait que l'OSDH aurait été implicitement favorisée par Bachar el-Assad pour faire de la concurrence à un autre groupe, le CSDH, contrôlé par les Frères musulmans, pour enlever à ces derniers le monopole de la dénonciation des atteintes aux droits de l'homme. Il y soulignait «la tendance de l'Observatoire de Rami Abdel Rahman à renvoyer dos à dos, dans l'usage de la violence, les forces du régime et les groupes armés», ce qui le rendait suspect aux yeux de l'opposition. «C'est la source la moins partiale», justifiait un rédacteur de l'Agence France-Presse dans Le Monde en 2013.


Financé par le Qatar et l'Union européenne


Fabrice Balanche, chercheur au Washington Institute et expert du conflit syrien, estime lui, au contraire, que l'OSDH est un instrument de propagande favorable aux Frères musulmans, financé au départ par le Qatar. Depuis 2013, l'organisme reçoit également des subventions de l'Union européenne.


Accusée de partialité par les rebelles comme le régime, l'organisation défend son objectivité. «Nous sommes attaqués parce que nous disons la vérité sur ce qui se passe en Syrie», confiait ainsi Rami Abdel Rahman dans une de ses rares interventions médiatiques accordée fin 2015 à la chaîne prorusse RT. «L'organisation n'accepte de nouveaux membres qu'après une période d'essais de six mois», précisait-il, et ce, après avoir été coopté par un autre membre. Mais personne ne sait vraiment qui sont les sources sur le terrain, et la crédibilité de l'organisation repose entièrement sur la confiance accordée à Rahmane. «Leur réseau d'informateurs est une blague. Ils vont sur des sites locaux qu'ils traduisent en anglais», affirme pour sa part Fabrice Balanche.


L'ONU a arrêté de compter en 2014


«Plus le conflit passe, moins l'OSDH devient l'unique source. Dans les deux premières années du conflit, ils ont eu une place surdimensionnée», analyse Frédéric Pichon. «Depuis que l'OSDH existe, il s'est beaucoup amélioré», ajoute Fabrice Balanche. «Au début du conflit, de 2011 à 2013, c'était un instrument de propagande financé par les Qataris, devenu la caisse de résonance de l'opposition syrienne. Aujourd'hui, ils sont un peu plus équilibrés, et leurs chiffres sont un peu plus réalistes, même si ils sont loin d'être exhaustifs. La propagande est plus discrète, mais toujours là. Ce site à l'avantage de nous donner des faits. Quant au nombre de morts et de blessés qu'il indique, c'est de l'approximatif.»


Pour Balanche, la place surdimensionnée qu'a pris l'OSDH est due au fait que l'organisation accompagne ses informations de bilans chiffrés. «L'intelligence de l'OSDH, conseillé par les journalistes d'al-Jazeera, est d'avoir compris que les journalistes occidentaux avaient besoin d'annoncer des chiffres», analyse le chercheur.


En effet, la controverse autour de l'OSDH n'est qu'un aspect d'un problème plus vaste: celui de l'impossible décompte de la guerre en Syrie. En 2011, la mission de compter le nombre de victimes de la guerre avait été confiée par l'ONU à Human Rights Data Analysis Group (HRDAG), un groupe spécialisé dans le dénombrement des victimes de conflits. Mais le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a stoppé le comptage officiel en avril 2014, invoquant le manque d'accès aux zones de conflit, et l'absence de sources fiables sur le terrain. Le compteur s'est donc officiellement arrêté à 191.369 morts identifiés, entre le début du conflit en mars 2011 et avril 2014. L'OSDH, qui a continué son décompte, avait lui annoncé plus de 280.000 morts en février dernier.