La rivale du président bélarusse sortant Alexandre Loukachenko rejette les résultats officiels de la présidentielle tenue dimanche. Selon Svetlana Tikhanovskaïa, la victoire de son camp a été volée par son adversaire.
Au terme d’un scrutin qui n’a pas été surveillé par des observateurs étrangers, les autorités de l’ex-république soviétique ont crédité M. Loukachenko de 80 % des suffrages contre moins de 10 % pour son opposante.
Devant la presse, à Minsk, la jeune femme de 37 ans a dit être persuadée de l’avoir emporté face à l’autocrate de 65 ans, qui dirige le pays de 9,5 millions de personnes d’une main de fer depuis 1994.
Après avoir félicité ses concitoyens pour avoir vaincu leur peur, leur apathie, leur indifférence
, la candidate a même appelé le régime à réfléchir comment [lui] céder le pouvoir
.
Selon Mme Tikhanovskaïa, le scrutin a été entaché par des fraudes massives, de sorte que son équipe de campagne a demandé un nouveau décompte dans des bureaux de vote où des problèmes ont été identifiés.
M. Loukachenko, qui a déjà rempli cinq mandats à la tête du Bélarus, a pour sa part fait savoir qu’il ne permettrait pas que le pays soit déchiré
par l’instabilité politique, selon des propos rapportés par l’agence de presse Belta.
Aucun scrutin organisé en Biélorussie depuis un quart de siècle n'a été considéré comme libre et équitable par des observateurs étrangers.
La commission électorale interdit à l'opposition de procéder à son propre décompte des voix et la dernière campagne présidentielle a été marquée par l'ouverture d'enquêtes criminelles à l'encontre de plusieurs candidats d'opposition, dont certains ont été incarcérés.
Retour au calme dans les rues du pays
Après un regain de mobilisation dans le sillage de la publication de sondages réalisés à la sortie des urnes lui prédisant une victoire écrasante, le calme était revenu lundi matin dans les rues de Minsk et d'autres grandes villes.
Des milliers de personnes étaient descendues dans les rues de la capitale dimanche soir pour afficher leur solidarité avec l'opposition et dénoncer un scrutin sans légitimité.
Certains manifestants ont érigé des barricades et la police a utilisé des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour les disperser.
Selon l'association de défense des droits de l'homme Spring 96, au moins une personne est morte après avoir été percutée par un fourgon de police dimanche soir à Minsk, dans un accident qui a également fait une dizaine de blessés.
Les autorités bélarusses soutiennent plutôt que les affrontements de la soirée n'ont fait aucun mort et fait état de dix policiers blessés. Le ministère bélarusse de l’Intérieur a tout de même admis l’arrestation de 3000 manifestants.
Une répression musclée des manifestations pourrait nuire aux tentatives de M. Loukachenko d'améliorer ses relations avec l'Occident, alors qu'une rupture est récemment survenue avec la Russie, traditionnelle alliée du Bélarus, qui a tenté de la pousser à renforcer leur union économique et politique.
Des voix européennes dénoncent la tournure des événements
Affaires Mondiales Canada n’a pas encore commenté les résultats officiels de l’élection présidentielle bélarusse, mais les pays européens et l’Union européenne n’ont pas tardé à contester la tournure des événements.
Dès lundi matin, l'Allemagne, par la voix du porte-parole de la chancelière Angela Merkel, a exprimé de sérieux doutes concernant le déroulement et le caractère démocratique de ce vote
.
Les critères démocratiques minimums pour une élection n'ont pas été remplis
, a ajouté Steffen Seibert.
Berlin a également déploré les limitations de l'accès à internet
sur le territoire bélarusse, que des médias d'opposition sur place ont qualifiées de manoeuvre délibérée du pouvoir pour museler l'opposition.
Au vu des circonstances, il est regrettable que le Bélarus n'ait offert aucune possibilité de faire leur travail aux observateurs internationaux
, a encore regretté l'Allemagne.
Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, est allé plus loin, en évoquant une reprise des sanctions européennes contre le Bélarus.
Je veux rappeler que l'Union européenne a levé ses sanctions contre le Bélarus car le pays avait fait des pas dans la bonne direction
, comme la libération de prisonniers politiques, a-t-il commenté.
Nous devons maintenant sans aucun doute discuter au sein de l'UE pour déterminer si cela est encore valide à la lumière des (événements) de ces dernières semaines et ces derniers jours.
Vers un sommet extraordinaire de l'UE?
La plupart des sanctions européennes contre le Bélarus ont été levées en 2016, mais le pays reste sous le coup d'un embargo sur les ventes d'armes et de matériel pouvant être utilisé pour la répression.
Quatre personnes sont encore interdites de séjour dans l'UE et leurs avoirs ont été gelés.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a quant à elle condamné la répression et réclamé un comptage exact
des votes exprimés.
Le harcèlement et la répression violente des manifestants pacifiques n'ont pas leur place en Europe. J'appelle les autorités du Bélarus à veiller à ce que les votes de l'élection d'hier soient comptés et publiés avec exactitude
, a-t-elle déclaré.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a pour sa part dénoncé une violence d'État disproportionnée et inacceptable à l'encontre de manifestants pacifiques
et a mis en garde les autorités du Bélarus.
Nous continuerons à suivre de près l'évolution de la situation afin d'évaluer la manière dont l'UE pourrait mieux orienter sa réponse et ses relations avec le Bélarus compte tenu de l'évolution de la situation
, a-t-il averti.
La Pologne a appelé à un sommet extraordinaire de l'Union européenne sur la situation eu Bélarus, après les heurts à Minsk.
Les autorités ont fait usage de la force contre leurs citoyens réclamant un changement dans le pays. Nous devons soutenir le peuple bélarusse dans sa quête de liberté.
Le président russe Vladimir Poutine a été l’un des rares à envoyer lundi un télégramme de félicitations
à son homologue bélarusse.
Je compte sur le fait que votre action à la tête de l'État va permettre le développement futur de relations russo-bélarusses mutuellement avantageuses
, lui a-t-il a écrit.